Genre : politique
Public : adultes et adolescents
Le film intéresse avant tout par son aspect quasi-documentaire, la découverte d’une nouvelle extrême-gauche militante, non plus socialisante, mais « écologiste », prête à basculer à son tour dans le terrorisme.
Le processus de radicalisation de « saboteurs » d’antennes électriques, mode de militantisme brutal assez courant, en dynamiteurs de barrages est bien rendu. La première partie du film est consacrée à la préparation surtout technique de l’attentat, minutieuse, qui, chose assez typique de la dérive terroriste, voit les enjeux éthiques, les scrupules éventuels, disparaîtrent devant des soucis concrets.
Fabriquer une bombe explosive de puissance suffisante, à partir d’engrais agricoles, pour détruire une retenue d’eau bétonnée, la placer au bon endroit au bon moment – évidemment pas en plein jour devant les gardiens, d’où le titre, « mouvements nocturnes ». Préparer une minuterie qui déclenche effectivement une explosion, au moment ad hoc – et surtout pas trop tôt pour ne pas emporter les terroristes eux-mêmes -, tout ceci n’est pas simple en effet, et heureusement.
Le barrage est considéré comme le symbole de l’oppression de la Nature par l’Homme, l’une bonne, l’autre mauvais ; il empêche les saumons d’effectuer leurs migrations, argument majeur. On s’étonnera de la faiblesse du motif ; il est pourtant crédible, tant certains milieux de la décroissance sont agités.
Cette radicalisation s’opère dans des trois esprits confus. D’abord un vétéran des Marines, revenu d’Irak, passé par la prison, particulièrement instable. Le financement est fourni par une jeune bourgeoise égarée (Dakota Fanning), qui puise dans la caisse parentale constituée par les revenus confortables d’un établissement de bains centré sur la recherche du bien-être et de l’harmonie intérieure, inspiré des philosophies indiennes. La direction d’ensemble du trio échoit à un agriculteur biologique militant (Jesse Eisenberg), intellectuel retourné à la campagne cultiver des légumes biologiques, accueilli avec d’autres dans une famille de fermiers.
La vie des personnages, leurs milieux, leurs itinéraires, bien présentés, offrent un aspect quasi-documentaire intéressant en soi. L’attentat réussit. Les auteurs réfléchissent enfin aux conséquences : comme il existe une quinzaine de barrages semblables, les saumons ne pourront toujours pas remonter la rivière, évidemment ; un campeur est noyé en aval par la masse d’eau libérée brusquement, ce qui tourmente quand même les inconscients. La narration révèle avec habilité les mécanismes psychologiques des personnages ; les plus solides sont tentés de faire taire la plus fragile, prête à tout avouer à la police. La dérive est appelée à se poursuivre. Jesse Eisenberg, découvert dans « The Facebook » le film, au potentiel de grand acteur, trouve enfin un rôle véritablement à la mesure de son talent.
Night Moves dénonce justement les dérives très possibles d’une forme d’adoration de la Nature considérée couramment comme inoffensive. Cette quasi-religion antihumaine recèle en effet un fort potentiel de violence, chose bien démontrée dans le film.
Hector Jovien