La révolution écolo lance un nouveau calendrier

Nouveau Calendrier Révolution écolo
 

Toute grande révolution vise à produire un homme nouveau dans un monde nouveau, à travers notamment un nouveau découpage du temps : la française avec ses décadis remplaçant les semaines, prit pour origine de son calendrier la fondation de la république. Le site écolo Reporterre se revendique de ces grands ancêtres et rappelle aussi les tentatives soviétiques, en Russie et en Tchécoslovaquie, pour s’emparer du temps et mener la révolution à travers le calendrier. Il fait partir son « ère écolo » du rejet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes au début de janvier 2018. Nous serions donc en l’an 007 de l’ère verte. Le ridicule de la chose ne doit pas nous cacher l’ambition très sérieuse de la révolution arc-en-ciel, dont l’écologisme est l’un des puissants fers de lance.

 

Un écolo pour la décroissance et la révolution

Hervé Kempf, le fondateur et directeur de la rédaction de Reporterre est un ancien du Monde qui se targue d’être « objecteur de croissance » et définit sans ambiguïté la ligne éditoriale de son site : gauche, écolo, antinucléaire, entre journalisme et engagement politique, pour la décroissance, établissant un lien entre « crise écologique » (changement de climat, menace sur la biodiversité), « injustices sociales » et « menaces sur les libertés ». Bref, un arc-en-ciel peint en vert. Il s’abrite derrière « les scientifiques » et leur sacro-sainte autorité pour se contreficher royalement de la réalité de la science. On peut lire ainsi dans le texte annonçant le nouveau calendrier que « nos comportements perturbent le climat avec une ampleur vertigineuse, inédite depuis au moins 14 millions d’années » : on touche là à la psychiatrie.

 

L’anthropocène a besoin d’un nouveau calendrier

On aura compris que la réalité ne pèse rien ici : « l’initiative ambitieuse » que manifeste le « calendrier écolo révolutionnaire » vise à provoquer « une bascule profonde des imaginaires, un renversement ontologique dans notre rapport au monde et au vivant. (…) S’atteler au plus grand défi de l’histoire de l’humanité mérite donc bien d’acter la fin de l’ère chrétienne ». Reporterre a hésité avant de prendre l’abandon de Notre-Dame-des-Landes pour origine : « Nous aurions aussi pu décréter l’an 53 après le rapport Meadows sur les limites de la croissance, ou l’an 80 après Hiroshima, ou une date encore plus lointaine marquant l’entrée dans l’Anthropocène ». Mais NDDL était le symbole « d’une industrie climaticide intrinsèquement incompatible avec la sauvegarde du monde », et la date retenue célèbre « une victoire écologiste, plus enthousiasmante qu’un événement catastrophique. La vie sur la zad a, en outre, le mérite d’être une utopie concrète où s’expérimente une autre relation au vivant, où des collectifs entretiennent les braises d’une alternative à l’organisation sociale moderne ».

 

La révolution écolo entre folklore et catastrophe

Comme la révolution française le fit avec Thermidor, Germinal et Brumaire, la révolution arc-en-ciel nuance verte a renommé les mois en « hommage à des espèces menacées (…) et devenus (sic) emblèmes des luttes actuelles ». Le mois d’août est ainsi devenu « outarde ». Les jours ont aussi leur intention, « anniversaire d’un intellectuel majeur de l’écologie, lutte ou catastrophe marquante, évocation de la vie sauvage ou du calendrier maraîcher ». Malgré ces apparences folkloriques, ce nouveau calendrier est un « projet politique ». Il s’agit, selon Reporterre, de lutter contre la pente de la société capitaliste moderne pour « l’instantanéité », qu’il nomme le « présentisme ». Et d’affirmer gravement : « Aujourd’hui, l’entrée dans l’Anthropocène heurte frontalement ce présentisme. L’urgence d’éviter la catastrophe écologique à l’échéance de quelques décennies, ainsi que les perspectives de provoquer des bouleversements millénaires, réintroduisent la notion de futur à ces deux échelles de temps. »

 

Un nouveau calendrier pour remplacer le christianisme

La notion de présentisme est empruntée à l’historien François Hartog, que Reporterre cite abondamment d’ailleurs, et grâce auquel il précise l’intention de son calendrier. Il ne s’agit pas seulement de combattre le « présentisme », mais de remplacer ce qui l’a précédé, c’est-à-dire le christianisme : « Les calendriers ont souvent été déterminants dans l’évolution de la perception du temps des sociétés et ont été utilisés comme leviers de contrôle social et politique. “Le calendrier chrétien est une prise de pouvoir de l’Eglise sur le temps. La vie des gens était pendant des siècles réglée sur les cloches, sur le rythme des dimanches et de la succession de la liturgie tout au long de l’année”, note François Hartog. » Pour Reporterre, c’est clair, « l’anthropocène » s’oppose tant au « productivisme capitaliste » qu’au vieux monde chrétien, c’est le temps de l’homme, à qui il faut un nouveau calendrier.

 

Pauline Mille