Le nouveau plan « antiraciste » de Manuel Valls : remodeler la pensée unique

Discours-Valls-Creteil-17-avril-2015
 
Après des années sous le régime des lois « antiracistes », tout serait-il à reprendre ? Le Premier ministre a annoncé vendredi un nouveau plan contre le racisme et l’antisémitisme, richement doté de 100 millions d’euros à dépenser sur trois ans, pour venir à bout de ce fléau bien commode qui ne cesse de renaître de ses cendres pour mieux justifier une action gouvernementale tous azimuts. Le nouveau plan antiraciste de Manuel Valls vient renforcer, compléter et même modifier concepts et mise en œuvre afin de mieux contrôler, remodeler la pensée unique.
 
C’est le pendant intellectuel des dispositifs de renseignement et de surveillance qui fleurissent un peu partout, depuis le Patriot Act aux Etats-Unis aux nouvelles lois en cours d’adoption en France, en Espagne, au Royaume-Uni… Il ne suffit pas de suivre les citoyens à la trace, il faut aussi peser sur leur pensée et leur expression. En l’occurrence, la vérité n’est jamais un critère…
 

Six ministres pour 40 mesures antiracistes : la pensée unique pour tous

 
Le Premier ministre s’est déplacé à Créteil vendredi dernier pour présenter ce nouveau dispositif en compagnie de Najat Vallaud-Belkacem, Christiane Taubira, Bernard Cazeneuve, Fleur Pellerin, ministres, de deux secrétaires d’Etat, Myriam El-Khomri et Axelle Lemaire, et du délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. C’est dire l’importance donnée à ce projet dont l’envergure est aussi importante sur le plan pratique qu’idéologique.
 
Quarante actions en quatre parties : de la création d’agences départementales contre le racisme à l’extension de la circonstance aggravante de racisme à tous les crimes et délits en passant par la surveillance d’internet (chaque site devant se doter d’un responsable juridique en France) et la formation, il n’y a pas de domaine de la vie en société ou presque qui ne soit visé.
 
Les lois antiracistes migrent ainsi de façon généralisée depuis le cadre des lois sur la presse (avec des délais de prescription plus courts et – en théorie du moins – la préoccupation de la liberté d’expression) vers le droit pénal général. Autrement dit, l’escroc, le voleur, le petit délinquant ou le tueur en série peut s’attendre à des sanctions plus lourdes si sa victime est membre d’une minorité protégée – à l’ère Taubira, où la répression a mauvaise presse, cela ne manque pas de piquant. A moins qu’il ne faille démontrer la motivation raciste du crime, du délit, de l’escroquerie… Mais c’est un domaine où l’accusé est volontiers contraint d’apporter la preuve de l’absence d’existence du délit.
 

Manuel Valls a un plan antiraciste pour protéger les juifs et les musulmans : et les chrétiens ?

 
Qui peut être victime de racisme ? Pas n’importe qui. Manuel Valls compte ainsi « garantir la sécurité des lieux de culte, écoles et points de rassemblements juifs et musulmans ». Relisez… Relisez encore… Non, c’est sûr, les chrétiens ne sont pas concernés.
 
Car tout est censé répondre aux nouvelles formes du « racisme » qui se manifestent à la fois dans l’augmentation des actes antimusulmans (on en a recensé 226 en France au premier trimestre) et antisémites (pensez à l’Hypercacher et aux multiples reportages qui évoquent la difficulté d’être juif aujourd’hui en France). Mais bien entendu, on ne parle pas de l’islamisme, et encore moins de l’islam. Tout le monde est susceptible d’être « raciste », du moment qu’il ne répond pas aux critères laïques et républicains définis au niveau de l’Etat.
 
D’où – parmi la surveillance générale d’internet que permettra la nouvelle loi sur le renseignement – la mise en place d’une surveillance particulière au moyen d’une « unité nationale de lutte contre la haine sur internet » qui travaillera avec la plateforme Pharos du ministère de l’Intérieur. Avec ses « e-rappels à la loi », taillés sur mesure pour intimider le contrevenant.
 
La haine, faut-il le rappeler, est un sentiment et non un acte délictueux. C’est l’imprécision juridique du terme, sa généralité et son absence de définition précise en rapport avec un délit ou un crime qui font tout l’intérêt de la chose du point de vue d’un Big Brother sourcilleux.
 

La pensée unique, c’est la « lutte contre les préjugés et l’ignorance »

 
Milieux sportifs, scolaires, associatifs… Tout le monde sera impliqué et c’est dès la maternelle (sans aucun doute) que l’on luttera « contre les préjugés et l’ignorance ».
 
Tout cela fait dire à Mgr Santier, évêque de Créteil, combien il était satisfait de ces mesures qui vont contribuer à améliorer les relations entre différentes « communautés » : « Les communautés juives et musulmanes ont participé à la création de la nouvelle cathédrale de Créteil », a-t-il rappelé.
 
Mais c’est donc que la question est religieuse… C’est bien ce que souligne l’éditorialiste Jean-Marcel Bouguereau sur le blog de l’« Obs » sous le titre : « Le racisme s’est métamorphosé : réinventons l’antiracisme pour lutter contre la haine. »
 
Outre le racisme que l’on pourrait qualifier de racisme de race, physique, Bouguereau souligne que ce qui est en cause, aujourd’hui, c’est la différence culturelle : la « fixation » sur les différences religieuses ou culturelles, voire de civilisation. Notez qu’elle est depuis longtemps intégrée dans les lois antiracistes et que le refus de hiérarchiser les civilisations est en leur cœur. Sans doute Bouguereau ne l’ignore-t-il pas : sa demande vise à accentuer encore la chose et à lutter davantage contre tout « communautarisme » en traquant même le racisme « anti-Blancs ».
 

Un nouveau plan antiraciste qui n’a rien à envier les anciens : il les aggrave

 
On s’en réjouirait s’il s’agissait réellement de dénoncer toutes les vraies discriminations injustes. Mais la dynamique de l’« antiracisme » est connue : elle vise à interdire précisément toute hiérarchie des valeurs, à interdire toute préférence nationale – et à mettre toutes les religions sur le même plan.
 
Aussi le plan Valls insiste-t-il sur les « valeurs républicaines ». Seule la religion maçonnique est plus élevée que les autres, et les gouverne toutes…
 
Les possibilités dans ce domaine sont étendues, et inquiétantes. Le nouveau plan antiraciste de Valls prévoit ainsi de « labelliser » les associations pour valoriser celles qui s’engageront dans la promotion des dites « valeurs républicaines ». De là à « dévaloriser » les autres, il n’y a qu’un pas. Avec, peut-être, des conséquences financières à la clef. C’est encore le meilleur moyen de mettre tout le monde au pas.
 

Anne Dolhein