Il l’a fait tout seul : Barack Obama avait critiqué George W. Bush pour avoir déclaré la guerre à Al-Qaïda et à l’Irak – et encore, en demandant l’autorisation du Congrès – et voici qu’il a décidé d’attaquer l’Etat islamique, sans rien demander à personne, dans une spectaculaire prise de pouvoir présidentiel. Il applique à la guerre une stratégie de prise de pouvoir par le dessaisissement du législatif dont reinformation.tv a montré d’innombrables exemples dans d’autres domaines, dont les mœurs, l’Obamacare, le renseignement ou les libertés publiques.
C’est ce que remarque le professeur de droit Jack Goldsmith, haut placé dans l’administration de George W. Bush, enseignant à Harvard, dans une tribune publiée ce jeudi par Time. « Les historiens (…) essaieront de comprendre comment Obama, le constitutionnaliste prudent en matière de déclarations de guerre, s’est transformé en “ unilatériste ” sans pareil en la matière », écrit-il.
Obama a testé son pouvoir dans la guerre de Libye
En 2007, rappelle le juriste, le candidat Obama en était encore à déclarer que « l’histoire a régulièrement montré… que l’action militaire a le plus de chances d’aboutir à ses fins lorsqu’elle est autorisée et soutenue par le pouvoir législatif : il est toujours préférable d’avoir le consentement éclairé du Congrès avant d’engager n’importe quelle action militaire ».
Jackson note que la dernière initiative en date n’est que la suite logique d’une série de décisions qui ont chacune à leur tour fortement augmenté le pouvoir du Président. « Cela a commencé en 2011 avec la guerre aérienne de sept mois contre la Libye. Le président Obama ne s’est appuyé que sur ses pouvoirs de Commandant en chef lorsqu’il a ordonné aux forces américaines de se joindre aux alliés de l’OTAN pour les milliers de frappes aériennes qui ont tué des milliers de personnes et abouti à un changement de régime. » Ses conseillers juridiques assuraient pendant ce temps qu’il ne s’agissait pas d’une guerre nécessitant une approbation du Congrès. Les bombardements aériens, prétendaient-ils, ne constituaient pas des « hostilités ».
La Syrie sans permission du Congrès ni de l’ONU
L’an dernier, envisageant de bombarder la Syrie, Obama « a proclamé le pouvoir d’utiliser la force unilatérale à des fins purement humanitaires sans avoir besoin de l’approbation du Congrès, de l’ONU ou de l’OTAN » : il ne passa pas à l’acte à ce moment-là mais c’est bien cet argument qui a été utilisé le mois dernier pour protéger par des bombardements aériens les civils bloqués sur le mont Sunjar ou à Amirli en Irak. Un argument qui fait disparaître toute limitation aux pouvoirs du Président dès lors que ses motivations sont humanitaires.
Pour attaquer l’Etat islamique en Irak, et peut-être en Syrie, souligne Jackson, c’est encore un nouvel argument qui est avancé pour donner à Obama le pouvoir de décider la guerre seul : cette fois, il affirme que « la campagne de 2014 contre l’Etat islamique a été autorisée par la loi de 2001 demandée par le président George W. Bush pour se battre contre les talibans et Al-Qaïda ». Alors même que l’EILL a formellement rompu tous ses liens avec cette dernière.
Une guerre « humanitaire » contre l’héritier d’Al-Qaïda en Irak
La justification donnée par les équipes d’Obama est étonnante : « l’Etat islamique se prétend l’héritier véritable du legs d’Oussama ben Laden » et « certains individus et factions de groupes alignés sur Al-Qaïda » sont aujourd’hui dans l’EILL.
Voilà qui élargit considérablement le champ d’action personnel de Barack Obama contre quiconque sera de près ou de loin lié à Al-Qaïda aux dires de ses propres conseillers. Situation d’autant plus ironique que le même Obama s’était fait fort de révoquer le mandat donné par la loi de 2001.
« Je ne signerai aucune loi pour élargir le champ de cette loi », déclarait-il encore en mai. Eh non, il ne signera aucune loi. Il agit sans.