Face à l’Obamacare, Trump entre abrogation et réforme ; Ben Carson possible ministre de la santé

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Comme il fallait s’y attendre après la campagne radicale de Donald Trump, le retour à la réalité s’avère compliqué sur la question-clé de l’Obamacare, ce système d’assurance santé étendant la garantie des soins, qui a fortement motivé la défiance à l’encontre d’Hillary Clinton. Les observateurs s’interrogent sur la fermeté des intentions de Trump qui avait annoncé qu’il abrogerait cette loi en vigueur depuis octobre 2013. Mais Trump a aussi été élu par un petit peuple blanc inquiet pour son avenir. Son ministre de la Santé pourrait être le très conservateur noir Ben Carson. Alors : abrogation ou réforme ?
 

Très conservateur, le Noir Ben Carson est candidat au poste de ministre de la santé

 
« Je pense vraiment que de nombreuses personnes qui ont essayé de stigmatiser (Trump) seront étonnées de voir qui il est vraiment », a dit Ben Carson, le neurochirurgien noir conservateur qui avait concouru contre Trump aux primaires avant de se rallier à lui. Carson représente l’opinion la plus radicalement pro-familiale, anti-avortement et anti-mariage gay, tout en étant Noir, issu d’une communauté favorable à l’Obamacare. Il fut l’un des opposants les plus virulents à l’Obamacare qu’il qualifia de « pire fléau depuis l’esclavage ». « Trump sera une personne avec laquelle il sera très agréable de travailler du moment qu’on est raisonnable et honnête », a-t-il dit sur Breitbart.com, signe supplémentaire de sa candidature au poste de Secrétaire à la Santé.
 
Or le 11 novembre Donald Trump, interrogé par le Wall Street Journal, a concédé qu’il pourrait « préserver au moins deux éléments de la loi après que Barack Obama lui a demandé de revenir sur son opposition ». Trump s’est dit favorable au maintien de l’interdiction pour les assureurs de refuser leur couverture à des patients en raison de leur condition, ainsi qu’au maintien de la possibilité pour les parents d’assurer leurs enfants durant plusieurs années supplémentaires sur leur police, écrit The New American. Ces deux points « me plaisent beaucoup », a dit Trump.
 

Trump promettait l’abrogation de l’Obamacare

 
L’Obamacare est bien plus qu’une simple loi. Le Patient protection and affordable care act est une usine à gaz. Il vise d’abord à offrir une couverture santé aux personnes ayant trop de revenus pour bénéficier de l’assurance maladie des plus pauvres, le « Medicaid » créé en 1965 par Johnson, mais pas assez pour s’offrir une assurance classique : elle relève le plafond de ressources du Medicaid à 133% du revenu de pauvreté. Les personnes modestes qui dépassent ce plafond peuvent obtenir une aide fédérale pour des assurances sélectionnées par leur Etat de résidence. Mais l’Obamacare impose en retour aux personnes de s’assurer quel que soit leur état de santé pour éviter les effets d’aubaine chez les nouveaux malades, disposition très contestée par l’opinion. Elle crée aussi un fonds fédéral assurantiel optionnel, facilite les génériques et impose aux assureurs de couvrir les frais de contraception.
 
L’Obamacare a fait reculer le taux de population sans assurance maladie de 7 points, mais il reste encore au-dessus de 11 %, avec de fortes disparités entre Etats. Effet pervers, 5 % des citoyens déjà assurés ont vu le coût de leur assurance augmenter à un point tel qu’ils ont dû se rabattre sur une assurance de moins bonne qualité relevant de l’Obamacare.
 

Obamacare : meilleure couverture mais assurés surtaxés

 
L’un des proches de Trump a confié au Wall Street Journal que « l’Obamacare sera soit amendée, soit annulée, soit remplacée ». De quoi laisser bien des portes ouvertes face à une opinion elle-même divisée, les populations noires (dont fait partie Carson) et latino étant très favorables au nouveau système, et la population globale étant divisée en deux camps équilibrés.
 
Or Trump risque d’avoir fort à faire avec une majorité républicaine vent debout contre l’Obamacare. Selon le site Politico, l’entretien accordé par Trump au Wall Street Journal a déjà causé « une fracture » au sein du parti républicain entre ceux « qui souhaitent une transition lente et ordonnée pour protéger les millions de personnes nouvellement assurées, et ceux qui veulent que la loi soit abrogée aux premières minutes du mandat ».
 
Les équipes de Trump doivent se dépêtrer face à un texte législatif complexe aux implications politiques explosives. Quelques heures après publication de l’entretien au Wall Street Journal, les conseillers de Trump Paul Winfred et Bian Blase ont évoqué trois options.
 

Donald Trump pourrait se contenter d’une réforme de l’Obamacare

 
La première consisterait à donner le choix. Par exemple, les économistes jugent que le plafond des 26 ans pour être assuré par un parent entraînera au-delà une perte de revenu de 1.200 dollars. Plutôt qu’une règle uniforme imposée par Washington, les salariés devraient pouvoir décider seuls si la couverture santé vaut mieux qu’une baisse de revenu.
 
Deuxièmement, le Congrès pourrait permettre aux Etat de développer des approches différentes, dans la tradition d’expérimentation d’un fédéralisme authentique à l’opposé de l’approche jacobine d’Obama. L’objectif fixé serait de permettre aux personnes déjà assurées de reconduire leur police sans courir le risque de se voir imposer une cotisation plus élevée s’ils développent une pathologie.
 
Enfin, le Congrès pourrait améliorer l’accès à la couverture des Américains à faible revenu. L’extension du Medicaid s’est révélée trop coûteuse pour une amélioration trop limitée. Elle a principalement bénéficié aux grosses compagnies d’assurance et aux hôpitaux. Une meilleure option consisterait à améliorer la concurrence dans la fourniture des soins, réduisant les tarifs. Les Etats-Unis affichaient en 2014 une dépense santé moyenne par habitant de 9.403 dollars, multipliées par 2,5 en vingt ans, contre 4.959 dollars en France, multipliée par 1,8 sur la même période.
 
Trump doit naviguer à vue sur un sujet explosif. La demande de couverture est forte mais l’exigence de liberté l’est autant. L’industrie de la santé, qui a démontré récemment sa brutalité sur les prix des médicaments, pourrait être une des variables d’ajustement. Mais son lobbying est puissant.
 

Matthieu Lenoir