Alors que les Etats-Unis jouent un rôle de premier plan dans le maintien du prix bas du baril de pétrole, notamment par le biais de l’exploitation du gaz de schiste, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole cherche à corriger une situation qui leur est défavorable en invitant les Américains à la rejoindre. Appliquant le vieil adage anglais : « Si tu ne peux pas les battre, rejoins-les », le cartel propose ainsi aux Etats-Unis de s’entendre pour remonter les prix. Le secrétaire général de l’OPEP, Mohammed Barkindo, a écrit aux responsables de l’industrie pétrolière américaine : « Nous exhortons nos amis des bassins de schiste d’Amérique du Nord à considérer cette responsabilité partagée avec le sérieux qu’elle mérite, en tant qu’une des leçons-clefs apprises de l’actuel cycle très particulier axé sur l’offre. »
Derrière les mots gazés, on devine la colère des pays qui ont perdu des parts de marché malgré leurs efforts pour réduire leur production, au détriment de leurs poids sur le marché mondial du pétrole. Colère mais aussi capitulation : les nouveaux « amis » américains apparaissent comme les seuls capables de rendre une certaine rentabilité à leurs industries pétrolières, « souvent principal soutien de leurs Etats-providence et de leurs aventures militaires », commente Bob Adelmann du New American.
L’OPEP face à la stagnation des prix du brut
C’est au nom de la « stabilité » que Barkindo interpelle les exploitants du gaz de schiste américain, rendus responsable des difficultés actuelles : « Ils ne sont pas à l’abri des répercussions de cette récession », écrit-il.
L’idée, sous couleur d’assurer une bonne disponibilité d’une denrée essentielle moyennant des retours sur investissement corrects, consiste bien à peser sur le marché et a créé une entente profitable pour tous – sauf, peut-être, pour les consommateurs. Accord qui, dans un cadre national, serait poursuivie pour entente sur les prix.
L’OPEP a une longue histoire de fonctionnement en tant que cartel. Son souci ? Réduire les effets de la libre concurrence en vue d’assurer des marges si possible démesurées à ses membres. Une mentalité « collectiviste », selon The New American, que ne partagent pas les exploitants de gaz de schiste les Etats-Unis qui pensent d’abord aux intérêts des consommateurs.
Les Etats-Unis invités à rejoindre le cartel des pays producteurs de pétrole
Que cet altruisme soit réel ou supposé, une chose est certaine : c’est qu’au moment où le prix du baril dépassait les 125 dollars en 2012, le cartel de l’OPEP menait grand train, profitant de marges énormes sans se méfier de ce qui se préparait aux Etats-Unis. A savoir, une révolution des techniques d’extraction pour augmenter la production tout en maîtrisant les coûts. La réussite américaine allait diviser les prix du brut par plus de quatre : en janvier 2016, le baril se vendait à moins de 30 dollars.
Depuis lors, les différentes tactiques de l’OPEP ont connu des sorts similaires. Des coupes claires dans la production n’ont pas suffi face à une demande amplement pourvue. L’augmentation de la production qu’on tenta ensuite en vue de mettre les producteurs américains en difficulté n’a pas été plus efficace. Une nouvelle tentative de baisse de la production ne fit pas davantage d’impression. L’OPEP, c’est clair, avec sa majorité de membres proche-orientaux, a besoin d’un baril à 60 dollars au moins pour en tirer un profit permettant de financer à la fois leurs généreux systèmes d’allocation et leurs entreprises militaires.
Rejoindre l’OPEP pour s’entendre sur des prix démesurés ?
L’Arabie saoudite vient ainsi d’annoncer une coupe unilatérale de sa production ramenée à 560.000 barils par jour afin de maintenir les prix au-dessus de 50 dollars, sans espoir d’atteindre son objectif réel de 60 dollars.
De fait, alors même que la demande mondiale est en augmentation et que les producteurs des Etats-Unis font face aux difficultés de production temporaires du fait des ouragans de cet été, le baril de Brent s’est contenté de flirter avec les 56 dollars tandis que le West Texas Intermediate fixé à Oklahoma est monté brièvement à 50 dollars avant de redescendre.
Rien ne semble régler la question des stocks, même lorsque des producteurs étrangers à l’OPEP décident de les utiliser pour tenter d’éponger le surplus ; de toute façon, les Américains, qui ont doublé leur production en dix ans, devraient continuer de battre leur record, avec une augmentation de la production de brut de 11 % l’an prochain par rapport à 2016. L’OPEP a beau envisager de continuer de réduire l’extraction jusqu’à la fin 2018, rien ne l’assure de la réussite de l’opération. Il semblerait que les Américains puissent continuer de voir venir, puisque pour eux les champs pétrolifères les plus productifs sont rentables dès 20 dollars le baril.