Cette fois, c’est « le plus grand produit de tous les temps », Elon Musk nous le promet. La semaine dernière, au Forum d’investissement Etats-Unis-Arabie saoudite, il a vanté tous les mérites de son robot humanoïde Optimus, le robot Tesla multifonctions dont il veut faire une véritable armée, entendez une gigantesque production. Surtout, il a promis qu’avec ce nouveau projet (après les voitures autonomes, la colonisation de Mars, le contrôle de la lumière solaire…), le travail deviendrait facultatif pour tous et que la pauvreté serait tout bonnement éradiquée.
Déjà entendu ? Certes. Musk n’en est pas à sa première sortie sur le revenu universel. Néanmoins, ses ambitions se concrétisent toujours plus. Et si cette perspective éminemment socialiste voyait le jour dans un avenir proche ? « Il n’y a qu’une seule façon de rendre tout le monde riche, et c’est l’IA et la robotique », a déclaré Musk aux côtés du PDG de Nvidia, leader mondial des puces d’IA.
Mais tout comme nous contestions l’idée que l’IA rendrait l’euthanasie obsolète, il y a fort à parier qu’elle ne rende pas l’ensemble des hommes unanimement riches. Cette utopie rejoint celle du socialisme qui n’a jamais voulu le bien de l’humanité.
« Optimus éliminera la pauvreté et fournira un revenu universel élevé pour tous » Musk
Elon Musk l’imagine partout, remplaçant l’homme dans ses tâches les plus diverses et les plus délicates. Il a même publié une vidéo sur X, le 21 novembre dernier, mettant en scène son fameux robot – une vidéo truffée d’IA qui se focalise sur un avenir rêvé à défaut de la réalité vraie. Optimus y prend toutes les casquettes, de l’ambulancier à l’ouvrier en BTP, en passant par le policier et le joueur de casino (pas sûr qu’il y soit très accepté, avec sa puissance de mémoire et de calcul !).
Il veut d’ores et déjà le positionner en première ligne dans ce gigantesque marché des robots humanoïdes, estimé à 5.000 milliards de dollars d’ici à 2050. Il veut exceller en matière de sophistication technologique et d’intelligence artificielle, face à une concurrence chinoise qui dominera, elle, la production de masse avec des produits beaucoup plus abordables, mais moins avancés.
Le PDG de Tesla pense vraiment qu’il y aura un robot dans chaque foyer d’ici à 2030 (sans parler des usines et des entreprises), que la production atteindra « cent millions d’unités par an, peut-être même un milliard ». Sa vision est celle d’une société entièrement automatisée, investie par ces robots qui selon lui, seraient capables de prendre la place des êtres humains, dans tout ce qu’il y a de plus pénible, en premier lieu, le travail. On parle d’une économie entièrement redessinée, d’un marché révolutionné… mais dans quel sens ?
Avec les robots, bienvenu dans un monde sans travail
L’idée est que, acheté entre 20 et 30.000 euros, pouvant travailler 24 heures sur 24, Optimus pourra garantir aux personnes un revenu universel (donc artificiel) confortable. Pour celui qui le possède ? Ou les gouvernements devront-ils s’appuyer sur cette nouvelle manne pour financer une telle rétribution, via des taxes (la taxe robot fait déjà parler d’elle) ?
Il faudrait déjà parler des pertes d’emplois qui affecteraient rapidement et irrémédiablement nombre de personnes, avant qu’il y ait toute prospective de quoi que ce soit. « Tout le monde voudra un robot », dit Musk. Mais tout le monde ne pourra pas se le payer et beaucoup paieront plutôt d’abord le prix du chômage. Si l’IA et la robotique doivent éliminer la pauvreté comme le suggère le patron de Tesla, il faudra une immense révision de l’ensemble du système.
Sur le papier, évidemment, c’est très lisse et tout beau. « Je prévois que le travail deviendra facultatif. Ce sera comme faire du sport ou jouer à un jeu vidéo. » Même s’il faudra « beaucoup d’efforts pour y parvenir », nous dit Musk, il parle d’un délai ridicule, de seulement 10 ou 20 ans. Même l’argent deviendrait inutile ! « Si l’on se projette suffisamment loin, en supposant que l’IA et la robotique continuent de progresser, ce qui semble probable, alors l’argent cessera d’être pertinent à un moment donné. Il y aura toujours des contraintes liées à la puissance, à l’électricité et à la masse. Les lois fondamentales de la physique resteront des contraintes. Mais je pense qu’à un moment donné, la monnaie deviendra obsolète. »
Où résidera alors la vraie richesse, si ce n’est dans le pouvoir qui préside à une telle organisation ? Il sera essentiel de savoir qui est aux commandes de cette grande révision du fonctionnement des sociétés humaines dans lesquelles le travail est une donnée fondamentale depuis Adam et Eve, et même une injonction divine : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front. » L’oisiveté, le confort et le culte du divertissement ont toujours précédé la chute des civilisations.
Soigné (ou tué) par les machines
Quant à la réalisation concrète, d’aucuns se posent des questions. Optimus, entre autres, fournirait à tous des soins médicaux de qualité, nous dit Musk, affirmant qu’il pourrait supplanter la plupart des chirurgiens humains d’ici à trois ans et surpasser même les praticiens les plus excellents en cinq ans environ. Un article paru dans Forbes il y a quelques jours pointait l’irréalisme d’une telle assertion.
Oui, une certaine chirurgie robotique automatisée est d’ores et déjà employée, et peut offrir une prise en charge plus sécurisée et plus efficace. Mais uniquement lorsqu’elle est greffée sur la compétence, le savoir, l’expérience d’une équipe toute humaine. Aucune intelligence artificielle suffisamment sophistiquée et « raisonnante » ne pourrait prendre la main, ni d’ici à trois ans, ni d’ici à cinq ans. Et si un jour elle le fait, dans un avenir plus lointain, les hommes ne seront plus soignés, mais « traités », comme des entités biologiques déficientes – et la mort fera plus que jamais partie des traitements.
Elon Musk parle ainsi, malgré tout, d’un « monde d’abondance durable ». Il ne le veut peut-être pas, mais il rejoint tous les rêves des plus grands socialistes, des plus grands matérialistes. Personne ne manque de rien et profite à équivalence des biens disponibles. C’était l’utopie de Campanella dans sa Cité du Soleil… Mais c’est sans compter les choix qui sont faits, en haut, et sont imposés par un contrôle sans précédent : le confort en échange de la liberté.
Aujourd’hui, les promesses vertigineuses de l’IA mêlée à la robotique font revenir à pareille ambition, qui se heurte fondamentalement au plan de Dieu. D’autant qu’avec l’usage de la machine et donc de l’IA, un nouveau stade est franchi : la soumission à la matière. Et le démon n’en est jamais très loin.











