Emmanuel Macron a été trois fois à l’affiche (rouge sang) de l’actualité en une semaine : adulé pour avoir panthéonisé Manouchian, conspué au salon de l’agriculture et stupéfiant ce lundi en n’excluant pas d’envoyer des troupes de l’OTAN en Ukraine (même si les premiers ministres néerlandais et suédois ont immédiatement ajouté que ce n’était « pas d’actualité »). Mais le chaud-froid des sentiments qu’Emmanuel Macron suscite ne doit pas masquer sa nature d’agent révolutionnaire. Le « et en même temps » qu’il affectionne et qu’il prétend tirer de ce qu’il nomme après Edgar Morin la « pensée complexe » est simplement la rencontre contradictoire entre la réalité du ou des terrains, d’une part, et la mission qu’il a reçue de faire advenir le « monde d’après », de l’autre.
Macron implique l’OTAN en Ukraine
Place, d’abord, à l’actualité du jour. Au sommet des alliés de l’Ukraine que le président Macron avait réuni à Paris, il a dit ceci : « Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre. » Interrogé sur si, quand, comment ces troupes seraient envoyées, il a revendiqué une « ambiguïté stratégique » en précisant : « Je ne lèverai pas l’ambiguïté des débats de ce soir en donnant des noms. Je dis que ça a été évoqué parmi les options. » Mais ce type d’options a paru impensable à Jean-Luc Mélenchon : « La guerre contre la Russie serait une folie. » Et Olivier Faure, qui dirige le reliquat du parti socialiste a blâmé l’« inquiétante légèreté présidentielle ». En fait, ce qui est inquiétant, c’est l’étonnante légèreté de la presse et des politiques occidentaux depuis deux ans à ce sujet.
Médias et politiques font du Macron sans le savoir
Etait-il possible à l’origine, comme un François Fillon l’a souhaité, de choisir la voie diplomatique en Ukraine, de s’appuyer sur les accords de Minsk dont la France et l’Allemagne étaient les garants, d’essayer une négociation de compromis sur le Donbass et la Crimée ? Je n’en sais rien, je ne connais pas assez le dessous des cartes pour trancher. Mais ce n’est pas la solution qui a été choisie. L’Occident (avec modération pour Macron, avec une violence provocatrice chez Joe Biden) a choisi la voie de la guerre économique contre la Russie, et de l’aide financière et militaire à l’Ukraine, incluant matériels et formation. A tort ou à raison, il est donc sorti de la neutralité en faveur d’un des belligérants, ce qui voilà encore peu de temps lui aurait donné un statut de cobelligérant. Et il ne semble à aucun moment avoir poussé Kiev à négocier avec Moscou. Ce qui est reproché aujourd’hui à Emmanuel Macron est pratiqué par tous, à droite et à gauche (avec une réticence au début à l’extrême droite, chez Le Pen et Zemmour), depuis deux ans.
A l’OTAN et l’UE d’agir
Le président de la République n’a fait qu’assumer clairement ce à quoi les autres acquiescent sans en discerner les conséquences : la « folie », c’est de ne pas voir ce à quoi mène la politique suivie. Macron l’a rappelée : « La défaite de la Russie est indispensable à la sécurité et à la stabilité en Europe. » Et son premier ministre Gabriel Attal l’a justifiée tout aussi clairement : « La première question qu’on doit se poser, c’est de savoir est-ce qu’on accepte la perspective qu’à un moment donné la Russie puisse gagner cette guerre ? Avec le président de la République, nous répondons non. On ne peut pas accepter qu’un pays autoritaire puisse prendre le contrôle d’un pays démocratique par la force. (…) Derrière l’Ukraine, c’est nous. (…) Je ne veux pas que ma génération et celles qui viennent grandissent dans un monde de menaces. » C’est donc à l’OTAN et l’UE d’agir. Une opération clairement supranationale.
Au service de la « démocratie » révolutionnaire
A mots couverts, c’est donc l’Est de l’Europe, pays baltes compris, qu’on garantit, d’une part, et de l’autre, comme voilà trente ans en Irak, il s’agit d’une guerre idéologique entre « les démocraties » et le reste du monde. C’est d’ailleurs le premier ministre tchèque, Petr Fiala, qui a proposé aux pays alliés de l’Ukraine (quinze d’entre eux seraient d’accord) d’acheter des munitions partout dans le monde pour en fournir Kiev puisque l’Union européenne n’a pas tenu son « engagement imprudent » (Macron dixit) en la matière. Cette initiative fait pendant à l’approvisionnement de la Russie en Chine, en Iran et en Corée du nord. Ce qui a inspiré au ministre des affaires étrangères polonais, qui a adjuré les représentants républicains des Etats-Unis de débloquer 60 milliards de dollars d’aide à l’Ukraine l’opinion suivante : « Ce mélange de terroristes et de dictateurs est uni par une chose : leur haine de l’Amérique, de l’Occident et de la démocratie, une haine alimentée par la peur. »
L’ambition révolutionnaire revendiquée de Macron
Concluons sur ce point : sans nourrir la moindre illusion ni la moindre sympathie pour Vladimir Poutine, ses alliances ni son impérialisme, et sachant qu’ils servent une autre forme de révolution mondiale, on sait bien le type de valeurs que véhiculent aujourd’hui l’OTAN et les « démocraties », et c’est donc dans une perspective révolutionnaire, pour défendre et illustrer le monde d’après, le mondialisme arc-en-ciel, que s’inscrit Emmanuel Macron. Ainsi se comprend son « et en même temps », qui trouve sa cohérence. On se rappelle qu’il avait choisi ses ministres non pour leurs qualités de « gestionnaires » mais pour leur ardeur « révolutionnaire ». Le même dessein révolutionnaire se retrouve dans le panégyrique mirobolant qu’il a tressé du communisme et des « communistes qui ne connaissent rien d’autre que la fraternité humaine ». Voilà réunies « République et Révolution » engagées ensemble contre « le fascisme » dans un « rêve d’émancipation universelle ». Pour faire advenir ce rêve, Emmanuel Macron a incarné le « fascisme » dans la personne de Poutine.
Traqué au salon de l’agriculture, Macron n’est qu’un exécutant
Sa politique intérieure porte le même dessein. Très vite accusé d’être « le président des riches », d’être « déconnecté de la réalité et du peuple », et « dédaigneux », Emmanuel Macron est poursuivi dans la rue et sur les réseaux sociaux d’une haine bruyante. On l’a vu au salon de l’agriculture, coincé entre ses promesses, la situation des paysans et les engagements pris ailleurs (traités internationaux en particulier), solidement séparé, avec des syndicalistes et des journalistes, de la foule. Et même notre sage confrère le Figaro s’est ému de cet apartheid entre le peuple et ses élus. Mais là encore la haine et l’inquiétude que suscite Macron sont mal dirigés : il n’est que le mandataire d’une révolution par le haut, non son initiateur. Et sans doute le meilleur possible.
Diagnostiquer l’entreprise révolutionnaire qui nous asservit
Souvenons-nous des sondages de François Hollande voilà huit ans : ils étaient bien pires et son autorité encore moindre, et cela ne l’avait pas empêché de recevoir le prix d’homme d’Etat de l’année d’une officine mondialiste new-yorkaise. Ce n’est pas Macron qui a lancé la guerre en Ukraine. Ce n’est pas Macron qui a imposé la comédie mondiale du Covid. Ce n’est pas Macron qui décide des traités internationaux. Ce n’est pas Macron qui dirige l’OTAN. Ce n’est pas Macron qui est à l’origine de l’idéologie du genre ni de la nation arc-en-ciel. Ce n’est pas Macron qui, depuis 1972, a décidé de remodeler le monde par l’écologisme. Aucune action politique efficace n’est possible sans un diagnostic préalable : c’est l’entreprise révolutionnaire mondiale dont il est l’agent qu’il faut désigner.