Le Saint-Siège en tant que force politique soutient et fait la promotion du nouveau Pacte mondial sur les réfugiés en voie d’adoption par l’ONU et plus précisément par l’agence des Nations unies pour les réfugiés : il s’agit d’une internationalisation du système d’accueil des réfugiés selon des normes définies à ce niveau et avec l’idée d’un financement également internationalisé, au moins dans une certaine mesure. Mgr Ivan Jurkovič, Observateur permanent du Saint-Siège à l’ONU, participait le 13 février à Genève aux premières consultations formelles en vue de l’adoption de ce Pacte. Et s’il a salué la mise en place de ce texte comme un « moment historique », il y a ajouté l’exigence du Saint-Siège de voir affirmé le « droit à la liberté religieuse » de ceux qui sont accueillis, regrettant « l’absence de référence à la dimension spirituelle des réfugiés ».
En pratique, il s’agit beaucoup, et peut-être même avant tout des droits des croyants musulmans accueillis en masse dans des pays chrétiens ou plutôt historiquement chrétiens. En tout cas, Mgr Jurkovič n’a pas cité les droits des réfugiés chrétiens et apporte au contraire son concours un texte qui exige dans l’accueil des réfugiés le respect de la « diversité ». Ce qui veut dire que l’accueil préférentiel de chrétiens ne saurait s’y conformer.
Mgr Ivan Jurkovič voudrait voir le Pacte mondial pour les réfugiés imposer des normes plus universelles
De même, le prélat a beaucoup insisté sur « le respect de l’unité de la famille, unité naturelle et fondamentale de la société et droit essentiel du réfugié ». En termes pratiques, il s’agit là du droit au regroupement familial qui est donc érigé en principe à imposer partout et quelles que soient les circonstances. Entre ce principe d’humanité qui a toute sa place lorsque l’on considère le sort de pauvres gens contraints de fuir une situation de grand danger, et le mécanisme employé, pas toujours de façon honnête, par des migrants économiques profitant des conditions d’accueil de pays plus riches que le leur, il y a pourtant un monde.
Mais on ne peut pas dire que le document s’intéresse beaucoup à la sincérité du statut de réfugié : dans son esprit, il annonce plutôt la multiplication attendue du nombre de migrants.
Au nom du Saint-Siège, Mgr Jurković voudrait même voir le texte prendre un caractère plus systématique : « Nonobstant sa nature juridique non contraignante, ce document a un fort caractère moralement contraignant. Pour ces raisons, ma délégation souhaite proposer l’insertion d’une clause supplémentaire dans la partie introductive, mettant l’accent sur deux points : 1) premièrement, que les mesures recommandées soient interprétées comme un ensemble indivisible et universel au service des réfugiés et des demandeurs d’asile et de leurs intérêts bien compris, plutôt qu’une simple liste de meilleures pratiques disparates où puiser çà et là, en fonction des priorités nationales ; 2) en second lieu, que la personne humaine demeure, dans tous les cas, sous la protection des principes d’humanité et des exigences de la conscience publique. »
En tant qu’observateur du Saint-Siège à l’ONU, Mgr Jurkovič est sur la ligne immigrationniste
Autrement dit, il s’agit selon l’Eglise catholique d’imposer à tous des devoirs systématiques et similaires face aux phénomènes des flux de réfugiés. Or dans ce domaine, le Pacte mondial pour les réfugiés va très loin.
Le premier objectif du Pacte, comme l’a d’ailleurs souligné le prélat lors de son intervention, est de parvenir à « un partage plus équitable de la charge et de la responsabilité en vue de mieux protéger et assister les réfugiés et de soutenir les pays d’accueil et les communautés concernées », au moyen notamment de davantage de « coopération au sein de la communauté internationale ». Ce partage suppose une autorité supérieure qui se charge de la répartition, que ce soit des fonds financiers nécessaires à l’accueil de ces masses d’étrangers ou du nombre d’accueillis proprement dit.
Mgr Jurković a d’ailleurs vu dans la mobilisation des nations représentées à Genève un effort pour élever l’approche de tous, selon les nouvelles normes, au niveau d’une « famille universelle, répondant au noble principe de solidarité et de compassion fraternelle en proposant une réponse globale mieux concertée et plus équitable ». Beaucoup de mots pour désigner une réalité : la supranationalisation de la question des réfugiés.
Le Pacte mondial pour les réfugiés : faire au niveau de l’ONU ce que l’UE n’arrive pas à imposer en Europe
Il a salué au passage les pays qui ont ouvert leurs frontières et leurs cœurs aux réfugiés malgré leurs propres difficultés : « Ces sociétés doivent recevoir un soutien tangible et prompt de la part de la communauté internationale. »
La lecture des 14 pages du Pacte mondial pour les réfugiés confirme ce sentiment de se trouver devant une volonté de réduction des droits propres des pays souverains face à la question des migrations. Il y est question de l’apport économique positif des migrants, qui reste pourtant à démontrer, et de la croissance partagée qu’il faut viser. Notamment en logeant les réfugiés dans du « dur » : c’est tout un ensemble que cela désigne finalement, à travers l’intégration dans les systèmes éducatifs, l’accès à l’emploi, la mise en place de réétablissement des réfugiés selon les « besoins définis par l’UNHCR ».
D’ailleurs, les Etats s’engagent à réfléchir sur des « mécanismes de regroupement familial étendu, avec des critères d’éligibilité élargis et des procédures simplifiées » et sur l’octroi de bourses et de visas étudiants, voire la mise en place de programmes pilotes de mobilité professionnelle au profit des réfugiés.
Bref, de nouveaux encouragements au voyage !