Après deux ans de soutien indéfectible ou de critiques discrètes, les commentateurs catholiques américains ont changé d’attitude depuis le Synode extraordinaire sur la famille. Des mots forts ont été employés outre-Atlantique pour critiquer les positions politiques du pape François, tandis qu’en Italie les critiques se focalisent sur sa gouvernance de l’Eglise et son étrange défense de la doctrine catholique.
Critique sur l’implication politique du pape aux Etats-Unis
Aux Etats-Unis, l’implication du pape dans les pourparlers cubano-américains ainsi que la prochaine encyclique du pape sur le réchauffement global, qui devrait appuyer les allégations d’une responsabilité humaine, a délié des langues jusque-là prudentes dans leurs critiques du Saint Père.
L’éditorialiste d’un blog pourtant considéré comme modéré n’a pas mâché ses mots : le pape François serait « un idéologue et un égoïste importun » qui s’apprête à « abandonner la nuance » pour rejoindre les alarmistes du climat.
La conclusion est claire : « Son intrusion maladroite dans les problématiques du Moyen-Orient et sa collusion secrète avec Obama au sujet de Cuba nous font comprendre. La mégalomanie le fait courir sur le terrain géopolitique – et maintenant météorologique – en sacralisant la politique et en pliant la théologie à des prises de positions politiques prématurées et déséquilibrées ».
En des termes plus modérés, le jeune expert catholique Thomas Peters, fils du célèbre avocat de droit canon Edward Peters, se joint à la critique de moins en moins discrète des engagements politiques du pape, notamment sur la question climatique.
Le pape François fait trop confiance à l’ONU
Il critique notamment la confiance que le pape semble placer dans les Nations unies sur ce sujet : « les Nations unies voient les gens, et particulièrement les pauvres, comme le problème, comme des consommateurs, et c’est la raison pour laquelle ils dépensent tant d’argent dans le contrôle des naissances et des politiques de suppression de la population » regrette-t-il, avant d’affirmer qu’il est impossible de soutenir les Nations unies si l’on veut aider les pauvres.
Mais c’est également l’implication du pape dans le rapprochement entre les Etats-Unis et Cuba qui génère beaucoup de critiques, notamment de la part de certains Cubains catholiques désormais réfugiés aux Etats-Unis.
C’est le cas d’Efrain Rivas, un cubain- américain de 53 ans qui assure vouloir rester « catholique jusqu’à sa mort » mais un « catholique » désormais « sans pape ».
A l’inverse, les louanges ne cessent pas de résonner de la part des voix traditionnellement anti-catholiques, notamment à cause de ce qu’ils pensent être des prises de position papale contre la doctrine et la discipline de l’Eglise catholique.
Les Italiens réagissent sur les questions de morale
Chez les Italiens plus conservateurs, c’est le scepticisme qui l’emporte, notamment à propos de questions morales ou doctrinales.
Le vaticaniste Vittorio Messori confie sa perplexité devant ce pape capable d’inciter une assemblée catholique à dire le chapelet et à se méfier des ruses du démon, avant d’affirmer que « Dieu n’est pas catholique » à un journal anticlérical notoire.
Le livre d’un autre vaticaniste, Antonio Socci, Il n’est pas François connaît une très large diffusion en Italie. Sa thèse ? François n’est pas le pape et Benoît XVI l’est toujours. Même s’il est canoniquement irrecevable, ce livre libère une critique du pape François qui se fait de plus en plus vive.
Une Eglise au bord du schisme ?
Un autre spécialiste du Vatican, Roberto de Mattei, revient sur le tango dansé sur la place Saint Pierre par des milliers de gens pour l’anniversaire du pape : « Les historiens de demain se souviendront peut-être qu’en 2014, la place Saint-Pierre dansait le tango pendant que des chrétiens étaient massacrés à l’Est et que l’Eglise était au bord du schisme. »
Il est clair que les critiques viennent désormais de ceux qui ont été les fervents défenseurs de la papauté depuis des années tandis que le soutien le plus fort vient de ceux qui étaient connus pour critiquer sans relâche ses prédécesseurs…
Mais sur ces sujets précis, bien des voix catholiques conservatrices américaines sont restées muettes, seules les questions politiques provoquant leurs réactions. Ce que le pape Léon XIII avait qualifié au XIXe siècle d’américanisme, le définissant comme l’acceptation par les catholiques de la doctrine non-catholique de séparation de l’Eglise et de l’Etat.
Différences de critiques entre Europe et Etats-Unis
Malgré les critiques qui s’expriment, ce comportement est resté de mise aux Etats-Unis : le pape n’a le droit de s’exprimer que sur la morale, le mariage et l’avortement. Mais non de se mêler du temporel.