Alors que la date approche de la visite du pape François à Lund, en Suède, pour marquer avec les luthériens le début de la célébration des 500 ans de la Réforme protestante de Martin Luther, on s’aperçoit que le débat « œcuménique » porte de plus en plus sur ce qu’il est convenu d’appeler l’« intercommunion » : la possibilité pour les luthériens de communier à la messe catholique, pratique évidemment interdite à l’heure actuelle.
De part et d’autre, des personnalités religieuses multiplient les déclarations exposant leurs attentes en la matière, encouragées par divers actes et déclarations du pape François, sans compter l’épisode de la visite, en début d’année, d’une délégation luthérienne finlandaise au Vatican. A l’issue de sa rencontre avec le pape, ses membres avaient pu communier lors d’une messe catholique organisée pour l’occasion.
L’excitation est à son comble à trois jours du voyage pontifical, et ce d’autant que le pape n’a nullement évoqué la profondeur de la division entre l’Eglise de Rome et la secte luthérienne qui s’en est séparée au XVIe siècle. Il n’a pas non plus critiqué les prises de position actuelles de l’Eglise luthérienne de Suède à laquelle il va rendre cette visite très médiatisée : elle accepte pourtant la contraception, l’avortement, l’homosexualité, et ordonne des « prêtresses », toutes choses évidemment impossibles à envisager au sein de l’Eglise catholique dont la doctrine ne peut varier sur ces points.
L’Eglise catholique et l’Eglise luthérienne sur le même plan
John-Henry Westen de LifeSiteNews rappelle tout cela pour exposer le caractère plus que problématique de la tendance actuelle au rapprochement.
Si ce rapprochement devait prendre la forme d’une autorisation de l’intercommunion, cela nierait les différences doctrinales à propos de l’Eucharistie entre catholiques et protestants luthériens, rappelle le journaliste.
Alors que les catholiques professent que le pain et le vin deviennent réellement le Corps et le Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ par l’effet des paroles du prêtre à la consécration, et que les espèces consacrées ne conservent plus que l’apparence du pain et du vin, dogme confirmé par d’innombrables miracles eucharistiques, dont l’un semble avoir été destiné spécifiquement au futur pape, le luthérien ne croit qu’en une présence fugace : alors que le Christ serait présent dans le pain pendant la durée du culte, en dehors de celui-ci redeviendrait du simple pain à son issue.
Lors d’une conférence à Rome cet été, le professeur d’études religieuses à l’université de Goteborg, le Suédois Clemens Cavallin a dit son propre espoir de voir les choses évoluer. Il note aussi que la page Internet de l’église de Suède dit explicitement à propos de la visite du pape : « Ce que nous souhaitons d’abord, c’est voir la célébration commune de l’eucharistie devenir officiellement possible. Cela est particulièrement important pour les familles dont les membres appartiennent à des dénominations différentes. »
Le pape François entretient les espoirs de l’intercommunion
Dans un entretien avec un quotidien suédois au mois de janvier, l’« évêquesse » Antje Jackelén parlait elle aussi de ce profond désir d’intercommunion : « Nous aimerions recevoir une approbation officielle en vue de la célébration conjointe de l’eucharistie. Cela reste gênant pour une famille où l’un est catholique et l’autre luthérien de ne pas pouvoir s’approcher de la même table de communion dans une Eglise catholique. »
Côté catholique, Mgr William Kenney, qui a été un temps évêque en Suède avant de devenir l’évêque auxiliaire de Birmingham en Angleterre, coprésident de l’instance pour le dialogue international entre la Fédération luthérienne mondiale et le Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, a ouvertement parlé de son souhait d’aboutir à la possibilité d’une forme ou une autre d’intercommunion : c’est précisément ce qu’il attend de la visite papale.
Une seule foi, une seule Eucharistie ? Le pape François l’a laissé entendre
Dans un entretien avec le journal Crux, il a qualifié ce sujet d’« un des thèmes majeurs » de la visite du pape François : « Si je voulais que François soit à l’origine d’une agréable révolution à Lund, il dirait que les luthériens peuvent, dans certaines circonstances et sans avoir à le demander à chaque fois, recevoir l’eucharistie. Ce serait un geste majeur. Ce que j’aimerais voir, c’est que dans le cadre de ce qu’on appelle un mariage œcuménique, le partenaire non catholique puisse toujours aller communier avec son ou sa partenaire. Ce serait un très grand pas en avant, et sur le plan pastoral c’est très désirable. »
La confusion savamment entretenue par le pape François, qui ne dit que rarement des choses ouvertement révolutionnaires – comme le serait cette autorisation aux luthériens de communier à la messe catholique – mais qui multiplie les déclarations pour le moins ambiguës, va-t-elle être levée lors de cette Toussaint à coloration luthérienne qu’il s’apprête à célébrer ? Cela aurait le mérite de constituer une clarification, enfin. La bombe est pour l’instant simplement armée, et le pire n’est jamais certain. Mais si le pape François choisit de la faire exploser, il va bien falloir que les cardinaux et évêques fidèles réagissent ouvertement.