Vatican II et la Réforme : l’épiscopat allemand au bord du schisme

Vatican Réforme Allemand Schisme
 

Selon l’évêque allemand Franz-Josef Overbeck, Vatican II a engendré un changement « plus intense et radical que la Réforme ». L’évêque d’Essen a prononcé ces paroles dans une conférence sur le chemin synodal réunissant 140 participants à l’académie catholique de son diocèse, à Wolfsburg. « Nous sommes à un point de l’histoire de l’Eglise où il y a au moins autant de changement qu’en en mille ans ». Ce n’est pas seulement l’institution ecclésiale qui change de sens à son avis, mais le rôle de la religion dans les sociétés contemporaines. Il regarde cela d’un œil favorable, ce qui est à mettre en résonance avec d’autres déclarations et prises de position du prélat. Elles confirment ce qui motive l’extrême embarras du Vatican devant le chemin synodal allemand : l’épiscopat d’Outre-Rhin est à deux doigts du schisme.

 

Un Allemand politique, progressiste et pro Réforme

Parce qu’il fut nommé évêque par Benoît XVI en 2007, puis promu à Essen, capitale de la Ruhr, par le même pape, en 2009, certains ont vu en lui un partisan de « l’herméneutique de la continuité » dans sa façon de voir le concile Vatican II. Mais c’est avant tout un prélat politique qui s’est fait élire vice-président de la Commission des épiscopats de l’Union européenne en 2018, un progressiste navigant fort adroitement dans le courant principal d’une Eglise allemande toujours tentée par le « Los von Rom » de Luther, parlant avec onction de la nécessaire « communion avec le pape ». Ses bêtes noires sont la « droite » et le conservatisme. Il l’a dit à Wolfsburg : « Je n’aime rien qui vient de la droite (…) le péril majeur vient de la droite en ce moment ». Cette considération politique tempère même son œcuménisme : « Le danger est gigantesque quand les forces religieuses qui se considèrent comme autoritaires et conservatrices, comme le patriarche Cyril (en Russie) parlent contre la culture libérale de l’Occident ».

 

Jusqu’où va l’esprit de Vatican II

On voit qu’il se sert astucieusement de la guerre en Ukraine pour condamner les « forces religieuses conservatrices ». La politique lui sert à justifier un progressisme religieux sans nuance. En janvier 2022, une vaste campagne LGBT #Out In Church, comportant des membres du clergé allemand, a accusé l’Eglise catholique de répandre des enseignements « diffamatoires » sur « le genre et la sexualité : Overbeck l’a soutenue. Dès 2020, il appelait le Vatican à « dépathologiser l’homosexualité ». Et en diverses occasions, il a suivi le chemin synodal allemand dans les domaines de l’ordination des hommes mariés et de la communion aux divorcés remariés.

 

Au bout du chemin synodal allemand, le schisme ?

Franz-Josef Overbeck n’est pas le membre le plus radical de l’épiscopat allemand, il professe que « l’herbe pousse lentement et on ne peut l’accélérer en la tirant ». L’actuel président de la conférence, Mgr Georg Bätzing, lui, est déjà « ouvert » sur la question du célibat des prêtres et l’institution de diaconesses – en attendant mieux. La hiérarchie du clergé allemand, reflète à peu près sans décalage les dérives morales de la société postmoderne, son ouverture au monde : elle a repris à son compte les soucis et la morale du monde. Quoi que lui-même très progressiste et entouré de progressistes au Vatican, François doit compter non seulement avec la foi catholique mais avec la réticence (résistance ?) d’une majorité de fidèles. D’où sa stratégie contradictoire : il vient d’accepter la bénédiction des couples mariés en Belgique, tout en la refusant encore en Allemagne. Si Rome condamne le chemin synodal allemand, l’épiscopat, qu’on entend parler très haut, ira-t-il jusqu’au schisme ? Ce n’est pas le vœu d’Overbeck : en affirmant que Vatican II est un plus grand changement que la Réforme, il signifie que la mutation de l’Eglise en cours de l’Allemagne à l’Amazonie sous l’impulsion de François n’a pas de précédent. En approuvant ce fait, il entre dans l’hérésie, et pour que cette hérésie se répande, il ne veut pas du schisme.

 

Pauline Mille