Encore une de ces déclarations péremptoires et généralisantes dont, décidément, le pape François a le secret…
 
Dans des remarques impromptues livrées lors de la session des questions-réponses qui a suivi la Conférence pastorale annuelle du diocèse de Rome, le pape a répondu à un participant laïc qui l’interrogeait sur la crise du mariage. Et voici ses propos.
 

La grande majorité de nos mariages sacramentels sont nuls selon le pape François

 
« J’ai entendu, voici quelques mois, un évêque dire qu’il avait rencontré un jeune homme qui venait de terminer ses études universitaires et qui lui a dit : “Je veux devenir prêtre, mais seulement pour dix ans”. C’est la culture du provisoire. Et cela se passe partout, aussi dans la vie sacerdotale, aussi dans la vie religieuse. C’est provisoire et à cause de cela la grande majorité de nos mariages sacramentels sont nuls. Parce qu’ils [les époux] disent : “Oui, pour toute la vie”, mais qu’ils ne savent pas ce qu’ils disent. Parce qu’ils ont une autre culture. Ils disent ça, ils sont de bonne volonté, mais ils ne savent pas ce qu’ils disent. C’est un problème social. Comment changer ça ? Je ne sais pas. Ils ne savent pas ce qu’est ce sacrement et ils n’en comprennent pas la beauté. Ils ne savent pas que c’est indissoluble et que c’est pour toute la vie. C’est difficile ».
 
Évidemment, un nombre non négligeable de mariages sacramentels est nul. Personne ne le conteste : il suffit de s’entretenir de cette question avec des prêtres juges dans les officialités diocésaines…
 

La grande majorité des mariages catholiques sont valides selon le canoniste Peters

 
Toutefois, la parole du pape aura sans doute dépassé sa pensée. C’est ce que soutient un excellent et célèbre canoniste étatsunien, Edward Peter, professeur de droit canonique au séminaire de l’archidiocèse de Détroit (Michigan) et premier laïc a avoir jamais été nommé “référendaire” (rapporteur) à la Signature apostolique, dans un article du 17 juin sur son blogue In the Light of the Law, au titre radicalement opposé à l’affirmation du Saint-Père : La grande majorité des mariages chrétiens sont valides…
 
« J’estime que la grande majorité des mariages chrétiens sont valides, qu’un contrat matrimonial a par conséquent été conclu entre les parties au moment de leur union et que par la volonté du Christ, simultanément, un lien sacramentel indissoluble a surgi entre les deux époux. Pour être complet, je soutiens aussi que beaucoup de mariages sont (et l’on peut prouver qu’ils le sont) canoniquement nuls et que le pourcentage des mariages nuls a vraiment progressé au cours des dernières décennies, mais je peux et veux rejeter l’affirmation de qui que ce soit [estimant] que la majorité, et encore plus “la grande majorité”, des mariages chrétiens sont nuls. »
 

L’assertion du pape “retouchée”… par lui-même ?

 
L’énormité, il faut bien en convenir, de l’assertion du pape – notée par nombre de journalistes présents – ayant suscité des remous, et pas seulement chez Peters, sa transcription officielle s’éloigne sensiblement de celle qui a été oralement proférée. La version “corrigée” donne désormais ceci : « E per questo una parte dei nostri matrimoni sacramentali sono nulli ». La « grande majorité » est devenue « una parte », une partie… Est-ce dû au zèle de quelque minutante de la Curie ou, comme l’affirme le Père Federico Lombardi, directeur de la salle de presse du Vatican, au Saint-Père lui-même ? Mystère.
 

Adam Villiers