Le pape François parle aux missionnaires scalabriniens… et vante les migrants et colonnes de migrants bâtisseurs de nations

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Recevant lundi dans la salle du consistoire au Vatican les participants au 15e chapitre général de la congrégation des missionnaires de saint Charles, les Scalabriniens, le pape François a laissé de côté son discours préparé pour tenir quelques libres propos dont la migration et les migrants auront été le centre. Fidèle à son admiration et son option préférentielle pour les populations étrangères en marche vers les pays développés, il a expliqué que les migrants sont des bâtisseurs de nations. Pas sûr que cela soit rassurant…
 
Le pape François est parti des trois mots : « J’étais étranger », et de l’idée qu’il est « plus facile d’accueillir que d’être accueilli ». Il a ajouté : « Et vous devez faire les deux; vous devez enseigner pour aider à recevoir l’étranger et donner toutes les possibilités aux pays qui ont tout, ou qui ont assez, pour pouvoir utiliser ces quatre mots : accueillir, promouvoir, protéger, intégrer. »
 
Tout à coup, le discernement si cher au pape François est aux abonnés absents. Il faut « accueillir », ce qui ne laisse guère de place pour les restrictions ; il faut « promouvoir », c’est-à-dire mettre aux premières places ; il faut « protéger » l’étranger, et non la population du pays où les étrangers arrivent plus ou moins nombreux et animés de plus ou moins bon intentions ; il faut « intégrer », un mot qui n’est pas innocent puisqu’il ne s’agit pas dans le langage politique actuel d’assimiler mais davantage accepter en tant que communauté à la culture et à la religion différentes.
 

Le pape François vante une nouvelle fois les migrants

 
Le pape François a dénoncé l’actuelle « vague de fermeture vis-à-vis de l’étranger », en même temps que les étrangers souffrent de la « traite » et de « l’exploitation ». Rappelant ses souvenirs d’enfant, il a souligné combien son propre pays, l’Argentine, a su bien accueillir les Polonais dans l’après-guerre : « L’Argentine a cette expérience de l’accueil, parce qu’il y avait du travail et qu’on avait besoin d’eux », expliqué le pape, sans mettre en évidence ce fait primordial : ces Polonais étaient aussi des catholiques. « Et l’Argentine – telle est mon expérience – est un cocktail de vagues migratoires, vous le savez mieux que moi », a-t-il expliqué.
 
C’est alors qu’il a tenu ce propos militant : « Car ce sont les migrants qui bâtissent un pays ; comme ils ont construit l’Europe. Parce que l’Europe n’est pas née comme ça, l’Europe a été faite de tant de vagues migratoires à travers les siècles. »
 
Vagues migratoires ? Ou conquêtes, plutôt… Il y a eu notamment des vagues migratoires armées et qui ont laissé des traces : celle des les invasions arabes, par exemple, remontées jusqu’à Poitiers ; il a fallu sept longs siècles avant de déloger les derniers occupants à Grenade. Avec tout cela, le mythe du melting-pot européen a été démonté depuis bien longtemps. Le pape François n’a manifestement pas lu l’ouvrage de Joseph Ratzinger sur la naissance de l’Europe, où celui-ci explique que l’Europe telle que nous la connaissons aujourd’hui s’est constituée à travers sa résistance à l’islam, dont le flux et le reflux ont fait varier ses frontières.
 

Le discours impromptu du pape François aux missionnaires scalabriniens

 
Le pape François est revenu sur la question des migrations vers l’Europe en particulier en dénonçant la notion de « bien-être » qui conduit celle-ci à « n’être pas féconde ». « Nous sommes aujourd’hui face à ce drame : celui d’un hiver démographique et une fermeture des portes. Cela doit nous aider à comprendre un peu ce problème de l’accueil de l’étranger : oui, c’est un étranger, il n’est pas des nôtres, c’est quelqu’un qui vient du dehors. Mais comment s’accueille celui qui est étranger ? C’est cela, le travail que vous faites et que vous aidez à faire : à former les consciences pour bien faire cela. Et de cela, je vous remercie. »
 
Toujours confus lorsqu’ils « sortent du cœur », selon l’expression du pape François, ces propos impromptus suggèrent que face à l’hiver démographique justement dénoncé (mais non dans ses causes, largement manipulées à travers une politique qui a favorisé la femme au travail et défavorisé les familles nombreuses) la seule réponse convenable est celle d’accueillir l’étranger venant de pays plus ouvert à la vie, et de l’accueillir « bien », à travers le partage des richesses.
 
Le pape a encore affirmé, se plaçant du point de vue des pays d’accueil, que nous ne devions pas nous comporter comme des « patrons » qui invitent les étrangers à venir comme si nous étions « quelques chose de plus que des migrants ». Et de lancer aux missionnaires scalabriniens : « Non, il convient d’avoir, dans votre expérience religieuse, cette expérience : d’être vous aussi des migrants, au moins des migrants culturels. C’est pour cela que ce qui m’a toujours plu dans votre itinéraire de formation, c’est de faire tourner les étudiants : de faire la théologie ici, la philosophie là-bas… parce que cela vous permet de connaître différentes cultures. Etre étranger. Et cela est très important. De l’expérience propre d’avoir été étranger, que ce soit pour les études ou par les voyages, naît la connaissance de la manière dont il faut accueillir l’étranger. »
 

Les migrants « bâtisseurs de nations » : mais des nations sans frontières…

 
On croit deviner ici une confusion : entre le fait d’être de passage sur cette terre pour atteindre la patrie du ciel et celui d’être en quelque sorte nomade, il n’y a pas identité. En exaltant les rencontres avec les cultures diverses et le fait de n’être chez soi nulle part, c’est au fond l’enracinement charnel qui est rejeté, et l’amour préférentiel de sa terre, de son sang, de sa parentèle, de ses compatriotes. Cela ne manque pas d’être paradoxal : le même pape François ne tarit pas d’éloges sur le peuple en tant que tel, les gens simples vivant à leur façon et constituant en tant que pauvres « un lieu théologique », comme il le disait déjà à Buenos Aires.
 
« Il y a un autre phénomène propre aux migrants – pensons à la caravane qui va du Honduras aux Etats-Unis – c’est qu’ils se mettent en tas. Le migrant isolé cherche à avancer groupé. Parfois il doit marcher seul, mais il est normal de se mettre en tas, pour se sentir plus fort dans la migration. Et c’est là que se trouve la communauté. Au football, il y a la possibilité d’être un “libero”, celui qui peut bouger en fonction des occasions, mais pour vous cette possibilité n’existe pas, les “libero” parmi vous échouent. Toujours la communauté. Toujours la communauté, parce que votre vocation est ordonnée aux migrants qui se mettent en tas. Sentez-vous migrants. Sentez-vous, oui, migrants devant les tâches, migrants devant le Seigneur, migrants entre vous. Et c’est pour cela qu’il faut se mettre en tas. » Le pape François approuve, c’est clair, les mouvements de masse vers les pays d’immigration.
 
Il faut noter que tous ces propos ont remplacé le discours écrit dans lequel il devait évoquer l’évangélisation, la découverte de la Parole rédemptrice, la saine vie communautaire, l’invitation à la table eucharistique et au pardon sacramentel, l’adoration silencieuse, la lectio divina, le chapelet… Le pape François a demandé que ce discours écrit soit simplement remis au Père général des Scalabriniani. Le « sien », sur l’ouverture aux migrants, s’est imposé à sa manière.
 

Jeanne Smits