Que veut le pape François et que sortira-t-il du synode ? La confusion

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Que veut vraiment le pape François ? A en croire certains, il a pris totalement et clairement parti pour les propositions les plus progressistes à propos des divorcés « remariés », des unions homosexuelles et autres questions qui ne sont pas ouvertes à la discussion au sein de l’Eglise catholique. Si c’est le cas, c’est de manière tacite, allusive – on pense à ses homélies à Sainte-Marthe – en tout cas pour l’heure. Nul ne peut préjuger de ce que décidera le pape François, ni quand ni sous quelle forme : la seule chose sûre, c’est qu’il a tout fait pour que ces propositions soient exprimées et l’on sait aussi que cela a suscité de nombreuses réactions très négatives, peu évoquées par la Salle de presse du Vatican. Pour de nombreux médias du monde, ce synode se comprend comme une confrontation entre le pape et la Curie, entre le pape et des prélats timorés, qui craignent les mots nouveaux et les approches nouvelles alors même que – forcément ! – le doctrine sera sauve. Dans la confusion.
 
En réalité, de multiples scénarios sont possibles. A l’heure d’écrire, les travaux des circuli minores se sont achevées avec l’examen de la troisième partie « pastorale » de l’Instrumentum laboris et La Croix croit savoir que les évêques « n’ont pas opté pour l’audace ». Céline Hoyeau, la correspondante du quotidien des évêques français, assure que « même les Allemands ne semblaient pas avoir opté pour l’accès aux sacrements des divorcés remariés », leur grand cheval de bataille qui rassemble pourtant nombre d’évêques et qui est également porté par une partie des délégués français au synode. On se serait arrêté sur un consensus « pastoral » : mieux accompagner ceux qui sont en situation non conforme à l’Evangile et aux lois de l’Eglise.
 

Confusion autour d’un synode « pastoral »

 
D’où l’expression entendue de plus en plus : le synode sur la famille est un synode « pastoral », purement « pastoral », où il n’est pas question de toucher à la doctrine comme chacun l’a répété. Mais même sur le plan pastoral La Croix évoque la « déception » de certains, citant un évêque qui a regretté : « Nous avions réussi à mieux nous comprendre, à travailler ensemble dans la confiance, mais au moment de voter les amendements, les plus stricts ont bloqué, la moindre ouverture a été refermée. »
 
Cela reste à vérifier. Comme nul ne sait si le rapport final, auquel travaille activement le groupe de dix personnes choisies personnellement par le pape, sera rendu public ou non… Tout reste ouvert. Le cardinal Donald Wuerl, qui fait partie des dix rédacteurs, a déclaré ces jour-ci que le rapport sera à son avis publié : « Il est presque obligatoire de le faire – pour éviter l’accusation de manipulation. »
 
C’est dire que la suspicion est bien là…
 
La situation est telle que le New York Times publiait le 17 octobre un éditorial affirmant que le pape avait ourdi un complot pour changer le catholicisme, mais que ses efforts avaient abouti à renforcer le « contre-complot » des catholiques conservateurs qui, « assez raisonnablement » selon le journaliste, estiment que la proposition de donner la communion à certains divorcés « remariés » implique « un changement de doctrine ». «L’argument “pastoral” est fondamentalement une sottise. L’enseignement de l’Eglise sur l’indissolubilité du mariage a déjà été tendu jusqu’à l’extrême limite par la nouvelle procédure de nullité de ce pape ; aller jusqu’à la communion sans annulation ne pourrait que le briser », constate le journaliste, pour qui le pape est en guerre contre sa propre Congrégation pour la doctrine de la Foi. Il parie néanmoins sur la continuité de la foi.
 

Le pape François ne dit pas ce qu’il veut, la presse mondiale croit le savoir

 
Même analyse chez Damian Thompson, vaticaniste britannique – mais il craint, lui, de voir la « décentralisation » proposée samedi par le pape François lors de son discours de samedi sur les 50 ans du synode annonce une autre forme d’évolution. C’est avec son autorité lourdement affirmée d’évêque de Rome que le pape François a plaidé pour la « synodalité » de l’Eglise : c’est-à-dire davantage de pouvoir pour les évêques locaux. C’est peut-être ce qui explique le côté plus lisse qu’attendu des dernières propositions des circuli minores, les groupes linguistiques. « Les plus libéraux des Pères synodaux, comprenant que le pape François utilisera l’atout papal en leur faveur, ont quasiment endossé une version du plan Kasper » qui vise à laisser les évêques locaux prendre les initiatives pastorales. Un plan B ?
 

Synode et plan B : laisser les évêques décider chez eux

 
Un plan B qui contredit l’œuvre de Jean-Paul II. Celui-ci a pourtant été canonisé par le même pape François qui aujourd’hui, a perdu une part de la confiance que lui accordaient encore les catholiques plus traditionnels avant le processus synodal qui a commencé en réalité avec les déclarations du cardinal Kasper au consistoire en février 2014. La présentation d’un rapport final sans innovations pourra s’imposer afin d’éviter la rupture : le risque de « schisme » que le cardinal Müller a clairement mis en évidence, en Allemagne notamment, en soulignant que certains changements ne peuvent se faire. Question : les Allemands les plus « avancés » peuvent-ils se le permettre ? Qu’en sera-t-il du financement par l’impôt versé par les baptisés allemands et dont une part revient à l’Eglise catholique ?
 
De là à dire que les « traditionnels » ont gagné la bataille contre le démantèlement de la doctrine de l’Eglise il y a pourtant un pas. Nous en resterons, pour l’heure, à la confusion.
 
On notera cependant que parmi les 600 amendements apportés à l’Instrumentum laboris, il en est un qu’un père synodal hispanophone a particulièrement voulu mettre en relief à la sortie des travaux mardi : « Sur la contraception, nous avons proposé un modus qui donne beaucoup plus de poids à la décision en conscience des couples et c’est passé ! »
 
Avant cette deuxième session, des prêtres disaient leur inquiétude de voir Humanae vitae comme principale cible des innovateurs, et non l’affaire des divorcés remariés dont le cardinal Pell, en son temps, annonçaient qu’elle était plutôt un cheval de Troie pour une nouvelle attitude à l’égard de l’homosexualité.
 
Ce qui est sûr, c’est que des manœuvres sont en cours.
 

Anne Dolhein