Vœux du pape François à la curie : vers la soumission de l’Eglise au monde ?

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Les vœux du pape à la curie ont tourné cette année à l’admonestation sévère, voire au réquisitoire. Depuis sa première interview donnée à la Reppublica après son élection, François a choisi une communication inhabituelle, surprenante et ambigüe. Comme si c’était une méthode de gouvernement pour organiser la soumission de l’Eglise au monde.
 
Le pape François s’y entend pour surprendre son monde : ses vœux à la curie romaine le 22 décembre ont retenu l’attention générale et tous les journaux ont amplement relayé ce qui est souvent relégué parmi les informations protocolaires sur l’Eglise. De nombreux catholiques s’en réjouissent, faisant valoir que ce souverain pontife pas comme les autres augmente considérablement la visibilité de l’Eglise dans les médias grâce à sa communication hors du commun. De même se sont –ils réjoui des simplifications qu’il a imposées dans l’étiquette papale après le conclave, ou du fait qu’il a réservé à un journal tenu par un agnostique notoire ses premières impressions sur son élection et la situation de l’Eglise.
 
Chacun aura noté depuis un an et demi que François règne que la marque caractéristique de ses déclarations est l’ambiguïté. Les plus caustiques rappellent le vieil adage, quand un jésuite vous parle, vous ne savez jamais qui il va rouler. Ils réservent donc leur opinion sur les débuts de ce pontificat atypique. De sorte que, par exemple, la liste des reproches adressés aux prélats de la curie romaine a pu être interprétée de bien des manières. La liste des « maladies » qui leur sont imputées, de leurs péchés, a pu être considérée comme une nécessaire admonestation, comme un appel à la contrition et à l’effort personnel qui pourraient profiter aussi au gouvernement de l’Eglise.
 

Le Monde approuve les « formules choc » des vœux

 
Certains ont même jugé cette liste bien tournée et salutaire. Le journal le Monde a relevé avec une gourmandise complice ce qu’il nomme des « formules choc » pour décrire les erreurs de la curie : «  L’Alzheimer spirituel », « la fossilisation mentale et spirituelle », « le cœur de pierre », « le terrorisme des bavardages », « la schizophrénie existentielle », « le narcissisme faux », « la planification d’expert-comptable », « les rivalités pour la gloire », les « faces funèbres », « l’orchestre qui émet des fausses notes ». Comme si le souverain pontife se trouvait au chevet d’un grand malade ou s’il s’apprêtait à nettoyer les écuries d’Augias.
 
Or la curie romaine, après des siècles de propagande protestante puis anticléricale dont le Da Vinci Code et la série Borgia sont des manifestations récentes, jouit d’une réputation détestable touchant ses mœurs, sa bureaucratie, son secret, son conservatisme. Le monde se réjouit sans réserve des paroles hors du commun prononcées par le pape François, et celui-ci, expert en communication, ne pouvait l’ignorer. Tout se passe comme si le saint Père, désireux de réformer la curie (il a déjà commencé avec la création du G7), entendait discréditer d’abord son adversaire en se servant de la mauvaise opinion que les non catholiques, et même les anti-catholiques, ont de lui. L’ombre des Borgia lui servirait alors à éliminer les conservateurs qui lui sont opposés.
 

Le pape François affranchi de la tradition catholique ?

 
Cette utilisation du monde n’est pas conforme à la tradition catholique et surprend à un moment où l’Eglise se trouve attaquée de toutes parts. Les chrétiens sont l’objet de persécutions partout dans le monde, que ce soit dans les pays musulman s, dans ceux qui sont soumis à l’hystérie islamiste, en territoire hindouiste, ou dans les régions régies par le communisme. En Europe et en Amérique, ils se trouvent en butte aux attaques frontales ou insinuées du matérialisme pratique et de l’idéologie maçonne. En France, c’est particulièrement sensible avec l’affaire des crèches, le forcing en faveur du travail le dimanche, et toutes les « avancées sociétales », du mariage gay aux projets d’euthanasie. Il est évident que la coterie laïciste dominante veut en finir avec les derniers vestiges de la chrétienté, du règne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Face à cette déferlante, il est pour le moins surprenant qu’à Noël, fête de la Nativité et de l’Incarnation, l’un des moments où les fidèles les plus tièdes se souviennent de la foi et de la civilisation qu’ils ont en commun, le pape François, au lieu d’exalter la solidarité catholique, se livre à une descente en flammes d’un entourage qui a pour fonction de le seconder dans sa tâche de pasteur de l’Eglise.
 
Ici encore, on peut interpréter la chose comme une méthode de communication brutale pour trancher dans le vif d’une situation pourrie. Mais, outre que cela ne serait pas bien charitable pour la curie, se pose la question de savoir dans quelle direction s’achemine le pontificat de François, en dehors des pures questions de forme. Dix-huit mois d’action, et d’action tous azimuts, permettent peut-être de s’en faire une première idée. D’innombrables réformes ont été mises en chantier dans l’Eglise, on peut même dire que l’Eglise est un chantier désormais, et l’on peut commencer à voir comment l’ensemble se dessine. Pour ne pas se perdre dans le détail de l’interprétation de paroles ambigües, mieux vaut examiner à quoi tendent les actes du pape, suivant en cela l’enseignement du Christ : « Vous reconnaîtrez l’arbre à ses fruits ».
 

La curie victime d’une épuration idéologique ?

 
Sur la question de l’islam, François, en visite en Turquie, a préféré en rajouter dans la diplomatie, voire la soumission au dogme maçonnique du bon islam opposé au mauvais islamisme, plutôt qu’analyser, comme son prédécesseur l’avait fait, les faiblesses et les dangers de l’islam, et ce qui le distingue radicalement du christianisme.
 
Sur la question cruciale de la famille, il a poussé ostensiblement, lors du synode, la coterie moderniste du cardinal Kasper, laissant les rapporteurs falsifier l’esprit des débats dans le document à mi-parcours, et réintégrer dans le document final des items rejetés par les pères. Cette partialité active a été voulue, et assumé, puisque François a déclaré le synode « cum Petro et sub Petro », avec Pierre et sous la direction de Pierre. Ce faisant, au nom d’une pastorale extensive qui semble une véritable soumission au monde, il soutient une exploration qui s’oppose à l’enseignement de l’Eglise depuis les origines. Cet acharnement s’accompagne de la confirmation de prélats « progressistes » type Kasper à leur poste, et de l’éviction d’autres, coupables de mal penser, tels Burke et Müller.
 
On ajoutera à cela le rôle moteur du pape François dans la déghettoïsation de Cuba, par laquelle, sous prétexte de considération pour les pauvres, un satisfecit de fait a été donné à un régime communiste, c’est-à-dire, pour reprendre les termes exprès de l’Eglise par la voix du Pape Pie XI, un régime « intrinsèquement pervers ».
 

Vatican II mène à la soumission au monde

 
En cela le pape François apparaît comme le digne fils du Concile Vatican II, non pas selon l’herméneutique de la continuité chère à Benoît XVI, mais selon l’herméneutique de la rupture. Ici l’analyse de la communication rejoint le souci de la doctrine, les deux étant traditionnellement liées dans l’Eglise catholique. Depuis Pierre et les autres apôtres, l’Eglise enseigne. Les papes le font plus ou moins solennellement, mais avec toujours une grande précision formelle, à travers les bulles, brefs, constitutions apostoliques ou encycliques. Les Conciles enseignent en rappelant les articles de foi et en condamnant ce qui leur est contraire. Tous ont pour habitude d’éviter l’ambiguïté comme la peste, en application de l’ordre du Christ, que votre oui soit oui, que votre non soit non. Mais François, enfant d’un concile qui pour n’être pas dogmatique n’en a pas moins bouleversé la foi et la pratique de l’Eglise, préfère les petites phrases, les vœux informels, les interviews qui ressemblent à des sotties. Il ne serait pas étonnant qu’à cette communication pas vraiment orthodoxe corresponde une doctrine pas très catholique. Dieu veuille bien sûr que Réinformation.tv se trompe dans son interprétation de l’ambiguïté papale, et que celle-ci ne soit que le fruit de vieilles habitudes mentales propres à son ordre. Dans ce cas, formons le vœu que François, puisqu’il est friand de réformes, change de conseiller à la communication en 2015.