Le Parlement adopte définitivement la loi sur le renseignement et la surveillance

Le Parlement adopte définitivement la loi sur le renseignement et la surveillance
 
Un vote à main levée pour un texte qui expose tous les Français à la surveillance de l’Etat : les députés ont adopté définitivement, mercredi, la loi sur le renseignement que le Sénat avait votée la veille. A l’orée des vacances, on pense à autre chose et on va vite. Bien sûr, le ministre de l’Intérieur, Benard Cazenave, a proclamé haut et fort qu’il fallait éviter tout « amalgame », ou « certaines confusions » avec les écoutes de la NSA qui sont allées jusqu’à espionner Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande de 2006 et 2012. Faut-il comprendre que la surveillance est bien différente selon qu’elle est entre les mains du pouvoir ou qu’elle est employée contre lui ?
 
C’est désormais une caractéristique politique notable : les projets « sociétaux » (comprenez : qui visent à intégrer la culture de mort dans les lois), les lois qui font avancer la mondialisation, les législations prétendument « patriotes » qui accentuent les pouvoirs de l’Etat sur les individus ne sont pas le fait d’un seul courant politique, mais d’un habile dosage des deux.
 
L’ « alternance » permet à la droite ou à la gauche d’accentuer telle ou telle réforme : il aura fallu attendre l’arrivée de François Hollande pour le « mariage pour tous », la libéralisation sans précédent de l’avortement et la marche forcée vers l’euthanasie. La loi sur le renseignement a pu compter sur le ralliement de nombreux Républicains qui ont donné aux socialistes la majorité suffisante qu’ils ne pouvaient attendre de leur propre camp ; exactement comme la plupart des Républicains ont apporté leur renfort à Obama pour l’adoption de la loi qui augmente de manière spectaculaire ses pouvoirs de négociation personnels en vue du libre-échangisme mondial et de la constitution d’une commission modelée sur la commission de Bruxelles.
 

Au Parlement, la gauche et la droite s’entendent pour adopter définitivement le principe de la surveillance universelle

 
Pour ce qui est de la loi sur le renseignement – le « Patriot Act » à la française – ce sont les écologistes et le Front de gauche qui se sont montrés le plus rétifs. Mais il ne faut pas en conclure qu’il s’agit d’un projet de droite. Les clivages sont ailleurs ; et au demeurant ils ne sont pas systématiques mais varient selon les thèmes.
 
Une centaine de députés ont annoncé leur décision de saisir, dès ce jeudi, le Conseil constitutionnel.
 
Gag : le premier vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, a déclaré que la loi « pourrait soulever d’importantes questions de droit » en réponse aux questions inquiètes de deux députés de droite qui voient venir des violations possibles de la Charte européenne des droits fondamentaux. Il est vrai que les pays d’Europe sont en général plus sourcilleux sur la question du respect de la vie privée que – par exemple – les Etats-Unis. Mais cela ne veut pas dire que l’Union européenne n’est pas une entité tyrannique aux règlements envahissants qui régissent les moindres détails de la vie des citoyens. Tout est question de dosage ; les grandes lignes s’orientent dans une même direction. Ce sont les moyens et la mise en œuvre de la surveillance qui varient.
 
Certes le texte a été très disputé. Mais le résultat final renforce considérablement le pouvoir, notamment par le droit qui lui est reconnu d’installer des « boîtes noires » filtrant toutes, absolument toutes les communications sur le réseau internet français afin de déceler des « comportements suspects » ». Outre que le renseignement physique est à la fois mieux ciblé et forcément plus efficace, puisqu’il peut mieux trier les aiguilles et le foin, cette surveillance de masse considère chaque internaute comme un criminel en puissance. C’est le propre des Etats policiers.
 
Les services de renseignement pourront désormais poser des micros, des mouchards, des balises GPS où cela leur chante, sans seulement avertir un juge ; et comme si ce n’était pas assez, ils pourront poser des « Imsi-catchers » qui peuvent intercepter toutes les communications sur portables dans une zone donnée, en imitant le relais de téléphonie mobile.
 

La France se félicite d’avoir une loi sur le renseignement démocratiquement votée

 
La création d’une nouvelle commission de contrôle, autorité administrative indépendante, ne permet pas d’espérer une réelle protection : la CNCTR pourra s’indigner tant qu’elle voudra, le Premier ministre pourra passer outre. Situation aggravée par le fait que le Premier ministre est aujourd’hui un idéologue aux attaches franc-maçonnes certaines : Manuel Valls vous inspire-t-il confiance ?
 
Pour les terroristes soupçonnés, il n’y aura plus de présomption d’innocence : l’inscription sur une lise ad hoc des « auteurs d’infractions terroristes » (FIJAIT) oblige le simple mis en examen à pointer tous les trois mois au commissariat et à déclarer tout déplacement à l’étranger sous peine d’amende ou de prison. Est-ce nécessaire pour protéger les innocents ? C’est bien possible, mais en attendant c’est un pouvoir qui peut être détourné contre ceux-ci et c’est aussi une rupture avec le système pénal français. En ce domaine, ce sont surtout les premiers pas qui coûtent…
 
Seuls les magistrats, avocats, journalistes et parlementaires échappent, un peu, aux possibilités de surveillance systématique, puisque pour eux il y faudra une autorisation spécifique… donnée par le Premier ministre.
 
Jean-Jacques Urvoas, rapporteur socialiste de la loi, s’est réjoui de la « création, pour la première fois, d’un cadre juridique démocratique des activités des services de renseignement ». On se doute bien qu’ils ont dû prendre, au cours de leur existence, bien des libertés avec la loi. Mais aujourd’hui la loi leur donne toutes les libertés. Ils vont se sentir pousser des ailes…
 

Anne Dolhein