Le Parlement européen vote le « gel temporaire » des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne

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Session du Parlement européen, le 22 novembre 2016 à Strasbourg.

 
Le Parlement européen a demandé jeudi le gel « temporaire » des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Les députés européens prétendent ainsi dénoncer le recul des droits de l’homme, et la dérive répressive « disproportionnée » menée par les autorités turques depuis le coup d’Etat manqué de l’été dernier. En réponse, Ankara hausse les épaules
 
La résolution a été adoptée jeudi à une très large majorité par les parlementaires européens réunis à Strasbourg. Il faut dire que le risque théorique apparaît limité, puisque les députés n’appellent qu’à un « gel temporaire » du processus d’adhésion entamé en 2005 – gel qui ne sera ni le premier, ni sans doute le dernier, de ce parcours diplomatique ubuesque. En outre, leur vote, est-il précisé, n’est pas contraignant…
 

« Gel temporaire » des négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne

 
Le texte, qui était soutenu par les quatre principaux groupes politiques du Parlement (conservateurs [sic !], socialistes, libéraux et Verts), a été approuvé par 479 voix, 37 s’y étant opposées, et 107 abstenues. Il va de soi, peut-on supposer, que les députés n’ayant pas voté cette résolution n’entendaient sans doute pas soutenir la répression menée actuellement par Ankara, mais qu’ils s’inquiétaient plutôt des répercussions que ledit texte pourrait bien avoir.
 
Leurs collègues, pourtant, y avaient mis les formes. « Les mesures répressives prises par le gouvernement turc dans le cadre de l’état d’urgence sont disproportionnées, attentent aux droits et libertés fondamentaux consacrés dans la Constitution turque, portent atteinte aux valeurs démocratiques fondamentales de l’Union européenne », écrivent-ils.
 
On aime à voir comme ces gens, toujours bien prompts à dénoncer le danger sécuritaire dès qu’un gouvernement européen de droite fait mine de prendre des mesures d’ordre, se contentent ici de dénoncer une disproportion alors que la violence est on ne peut plus manifeste, et, peut-on même dire, sans retenue.
 
C’est évidemment « le rétablissement de la peine capitale » – horresco referens ! et terme ultime de l’abomination – qui vaut à Ankara la menace de voir gelées les négociations d’adhésion.
 

Le Parlement européen joue à la souris

 
Mais d’emblée le Parlement se tire une balle dans le pied en avouant qu’une telle résolution est non-contraignante. D’abord, parce qu’il faut bien admettre qu’Ankara s’en contrefiche, et n’a pas manqué de le faire savoir, le président Erdogan n’ayant pas tardé à répondre que ce texte était « sans valeur ».
 
Ensuite, parce que la majeure partie des Etats-membres de l’Union européenne, et le chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini, ne veulent pas entendre parler d’un arrêt de ces discussions, ce qui renvoie la décision du Parlement à une gentillette discussion de cour de récréation.
 
Il faut dire que la Turquie conserve – médiatiquement – un argument de poids : les quelque trois millions de réfugiés syriens, ou supposés tels, qu’elle conserve sur son sol, et qu’elle ne verrait guère de difficultés à laisser filer. Argument purement médiatique, car personne ne parvient à comprendre comment la Turquie peut empêcher les migrants de quitter son sol quand l’Union européenne serait incapable de leur interdire de franchir ses frontières – alors que la Hongrie y est parvenue sans difficulté.
 
En clair, les parlementaires européens se sont exprimés pour ne rien dire. On agite, par habitude et idéologie, le hochet droitdelhommiste, et puis on passe ensuite aux choses sérieuses…
 

Hubert Cordat