Le parti communiste russe réclame le retour du monument à Félix Dzerjinski, le tortionnaire fondateur de la Tchéka, le futur KGB

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Le chef du PC russe, Guennadi Ziouganov, a fait cette demande à Vladimir Poutine dans une lettre où il évoque le « rôle décisif » joué par Felix Dzerjinski dans l’établissement de la police politique de l’Etat bolchevique, la Tchéka, dès les premiers débuts de la Révolution d’octobre. C’est la Tchéka qui sera plus tard nommée KGB pour devenir, enfin, dans la Russie post-soviétique, le FSB, dans une filiation assumée. Et toujours à la même adresse : dans l’immeuble de la Loubianka. Que le parti communiste réclame le retour de la statue du tortionnaire relève simplement d’une logique de continuité. Que cela soit possible sans susciter un concert de condamnations est plus étonnant : imagine-t-on une demande officielle à Berlin pour élever un monument à Goering ou à Himmler qui passerait inaperçue sur le plan international ?
 
« Ce corps était à la base du système de sécurité de l’Etat qui demeure jusqu’à ce jour l’un des éléments clefs de la structure de l’Etat russe. Nous sommes convaincus que le retour du monument à l’homme qui est devenu un symbole d’honnêteté et d’abnégation contribuerait à la formation de repères moraux de valeur dans notre société », explique Ziouganov dans sa lettre.
 

Félix Dzerjinski, un modèle d’abnégation selon le parti communiste russe

 
La statue du fondateur de la Tchéka – cet élément indispensable à la mise en place d’une société communiste – a été démantelée le 22 août 1991 sur la place de la Loubianka où se situe le lieu de torture que ce « monstre de cruauté » qu’était Dzerjinski a installé pour y mater toute opposition au régime communiste. Les victimes se comptent en d’innombrables milliers au fil des ans. Dans son livre, Communisme, 1917-2017, Bernard Antony rappelle en des pages terribles comment Dzerjinski, « le démoniaque Fouquier-Tinville de Lénine », recrutait des Chinois spécialistes de l’arrachement des chair des victimes ; il leur avait donné pour mission de « faire souffrir le plus possible et le plus longtemps possible ». Un thème qu’on retrouve dans son récent documentaire sur les crimes du communisme, à voir ici sur reinformation.tv.
 
Le site anglophone du média proche du Kremlin RT.com rend compte de cette demande de Guennadi Ziouganov sans le moindre mot de rappel historique de la véritable personnalité de Dzerjinski, sans la moindre critique, ne serait-ce qu’ironique, de sa présentation comme un parangon de vertu. L’article rappelle simplement que la place de la Loubianka a été rebaptisée au nom du compagnon de Lénine après sa mort, en 1926, avant de revenir à son ancien nom en 1991 après le démantèlement de l’Union soviétique. La statue du tortionnaire a été remplacée au centre de la place, à l’initiative du groupe Memorial, par un modeste monument à la mémoire des victimes de la répression soviétique – l’article précise que ce groupe est « spécialisé dans l’histoire des purges staliniennes », ce qui n’a évidemment rien à voir avec l’installation de la Terreur par Dzerjinski dès la révolution bolchevique.
 

L’idée du retour du monument au tortionnaire fondateur de la Tchéka – plus tard le KGB – ne suscite guère d’émotion en Russie

 
Si le maire de Moscou a jusqu’ici résisté aux appels répétés du parti communiste russe, qui a même commandé en 2015 un sondage au terme duquel 51 % des résidents de Moscou seraient favorables au retour de la statue, 25 % contre et 24 % sans opinion, il ne faut pas croire que la figure de Djerzinski a disparu du paysage.
 
La statue démantelée en 1991 se trouve aujourd’hui au parc Museon de Moscou, où se dressent de nombreux monuments de l’époque soviétique. Dans son livre sur l’histoire (inachevée) du communisme, Bernard Antony témoigne de la présence d’un portrait de Djerzinski dans une salle de la Loubianka, vu sur une photo pas très ancienne. Par ailleurs, Vladimir Poutine lui-même a accepté en 2014 de redonner à une unité d’élite de la police de Moscou le nom du personnage sanguinaire : la « Division Dzerjinski » a ainsi repris le nom historique que l’OMSDON avait reçu deux ans après sa création en 1924. L’unité intervient sur l’ensemble du territoire de la Russie.
 

Anne Dolhein