Pélicot : un procès politique dans une dialectique révolutionnaire

Pélicot procès politique révolutionnaire
 

Happy End à Mazan et en Avignon. Le procès Pélicot finit par des applaudissements, des félicitations chaleureuses et des hymnes féministes. Tout le monde « remercie » tout le monde et félicite tout le monde pour sa « dignité ». A commencer par la victime, Gisèle Pélicot. L’hommage vient de tous les métiers. Associations, journalistes et politiciens s’y associent. Il passe la frontière des partis et celle des nations. L’unanimité des juges à condamner Socrate mit la puce à l’oreille de Platon dans son Apologie. Elle révélait un procès politique. Sans comparer Dominique Pélicot à Socrate, la surprenante unanimité qui salue son procès le range dans la catégorie des procès politiques. Vu de plus haut, il sert à la divisons dialectique de la société, dans la perspective d’un Trotski, ou plutôt, la révolution soufflant d’Amérique, d’un Alinski, dont Obama fut le disciple et l’un des plus illustres révolutionnaires modernes. A l’antique opposition bourgeois/prolétariat et patron/employés s’ajoutent les oppositions blancs et juifs /« racisés », Sud /Nord, Humains/Gaïa, Parents/enfants, et ici à Mazan, hommes/femmes, division agressive qui fait l’objet d’un suivi permanent et spectaculaire depuis 2017 et l’affaire Weinstein/Metoo. Ainsi avance la révolution arc-en-ciel anti-chrétienne.

 

Gisèle Pélicot « héroïne féministe » et « icône de la France »

Pour l’édification et la tranquillité des populations, l’horreur devait être expédiée avant Noël et trouver une conclusion instructive. C’est fait, de l’avis des principaux intéressés. Des centaines de journalistes et de militantes féministes venues de partout ont fait une haie d’honneur à Gisèle Pélicot lorsqu’elle a quitté le palais de justice d’Avignon. Des bouquets de fleurs avaient été envoyés. A Paris, une grande réunion avait été organisée, où éclata l’hymne des femmes, le chant historique du MLF. « C’est un chant de la sororité, il représente ce que nous avons toutes vécu pendant ce procès », précisait Marie-Noëlle Bas, présidente de l’association Chiennes de Garde. A l’étranger, l’enthousiasme n’était pas moindre. Pour le New York Times, Gisèle Pélicot est devenue « une héroïne féministe, (…) le visage du courage », et selon Die Zeit, c’est « la nouvelle icône de la France ».

 

Un hommage politique unanime

La classe politique n’a pas été en reste. Elle fut unanime à saluer le « courage », la « résilience » et la « dignité » de Gisèle Pélicot, y compris Aurélien Pradié et Valérie Pécresse. Marine Tondelier lui lança un grand « merci », comme Pédro Sanchez, le Premier ministre socialiste espagnol, Olaf Scholz, le chancelier socialiste allemand, Elisabeth Borne. L’éloge de Gisèle Pélicot a même réconcilié Jeremy Corbin, l’ancien patron des travaillistes anglais accusé d’antisémitisme, et Gabriel Attal. Le plus lyrique, et le plus pertinent à la réflexion, fut Jean-Luc Mélenchon : « Toutes et tous nous devons entrer dans ce Nouvel Age de la civilisation humaine et nous transformer pour cela. » Il rejoignait, une fois n’est pas coutume, la présidente de l’Assemblée Nationale Yaël Braun-Pivet s’adressant à l’héroïne du jour : « Le monde n’est plus le même grâce à vous. » L’intention et le résultat révolutionnaires du procès étaient clairement exprimés.

 

Un verdict trop mou pour les révolutionnaires

Le verdict ne satisfit cependant pas tout le monde à gauche. Olivier Faure, le patron des socialistes, déplora que « les peines inférieures aux réquisitions pour la plupart des prévenus laissent un goût d’inachevé ». En Avignon un prévenu sorti libre a failli être lynché. A Paris, une militante féministe hurla : « La justice, c’est la honte ! Les peines rendues ne sont pas à la hauteur des femmes. » En effet, si Dominique Pélicot, instigateur des soirées et des viols de Mazan, reçut le maximum de la peine prévue, la plupart des peines prononcées, quoique sévères (aucun accusé n’a été acquitté), déçurent les maximalistes, peut-être parce que, dans le secret de leur conscience, jurés et juristes qui les prononcèrent protestaient contre les injonctions terribles d’un procès politique. Dominique Pélicot, qui devait servir d’exemple, ne bénéficia pas de cette mansuétude relative, sa peine fut assortie d’une période de sûreté, disposition qu’on ne prend que contre des criminels particulièrement dangereux : il n’y aura pas de remise possible durant ces vingt ans. Il en est resté, selon son avocate Béatrice Zavarro, « un peu hébété », et cela se comprend : l’horreur morale de son acte débouche sur une sévérité pénale exceptionnelle.

 

La « dignité » et le « combat » de Gisèle Pélicot

C’est pourquoi, bien que ses enfants se soient rangés parmi les « déçus » qui déplorent des peines « trop basses », Gisèle Pélicot a d’abord affirmé « respecter » le tribunal, son verdict et la façon dont les débats avaient été menés, avant de lire une déclaration finale consensuelle. Elle y a exprimé son « émotion » au sortir d’une « épreuve très difficile », ses pensées pour ses enfants, petits-enfants, et les victimes non reconnues, avec qui elle partage « le même combat ». Remerciant « toutes les personnes qui (l)’ont soutenue ». Et mentionnant nommément les médias : « A tous les journalistes qui ont suivi cette affaire depuis son origine, je souhaite exprimer ma reconnaissance pour le traitement fidèle, respectueux et digne dans lequel ils ont rendu compte quotidiennement de ces audiences. » Elle a pour finir justifié son refus du huis clos par l’espérance politique qui l’avait conduit : « J’ai confiance à présent en notre capacité à saisir collectivement un avenir dans lequel chacun, femme et homme, puisse vivre en harmonie, dans le respect et la compréhension mutuelle. »

 

Procès bâclé, suivi des journaux ni fait ni à faire

En termes moins pompeux et iréniques, elle avait plus tôt dans le procès incité les juges et la société à « changer le regard sur le viol ». Cette feuille de route posée, on se demande en quoi le procès et ses acteurs méritent tant d’éloges. L’enquête, et ce qui en a été publié, laissent d’immense zones d’ombres sur le nombre des participants, leurs mobiles, les données annexes (enfants, photos de la victime éveillée, etc.). Le président a bouclé son affaire en trois mois, ce qui, compte tenu du nombre des prévenus, n’a jamais permis d’aller au fond des choses. L’absence de huis clos y a contribué, mettant les professionnels du droit et les jurés sous la pression du public et des médias, et focalisant l’attention sur les seules images conservées, très fortes et trop prépondérantes pour laisser place au nécessaire esprit critique. Le rendu journalistique a été très pauvre, synthèse d’AFP assorti de quelques impressions d’audience, sans papier de réflexion ni contre-enquête, par exemple sur le réseau Coco ou d’autres analogues, sur les accusés, sur la victime. Bref, ni fait ni à faire. Incompréhensible pour un procès qui retient censément l’attention du monde.

 

Pélicot et ses complices ne sont pas monsieur tout le monde

Or, au lieu de virer les chefs des informations générales des grands journaux, on les félicite avec émotion. Cela, aussi, met la puce à l’oreille : c’est que le résultat est conforme à l’attente qu’on en avait. Pour Libération, « ce procès historique (…) a mis en lumière, selon les mots de Gisèle Pélicot, “la banalité du viol” ». La presse a martelé pendant trois mois qu’il s’agissait de juger « Monsieur tout le monde ». Un homme tombé de Sirius se frotterait les yeux. Car les mille et une nuit de Mazan qui nous ont été contées ressemblent au contraire à un récit de merveilles, même si ce sont des merveilles hideuses. Une femme se fait violer durant dix ans par son mari et des dizaines d’hommes dans le secret absolu sans que ni elle ni son gynécologue ne s’en aperçoive : c’est cela la banalité. Et le profil de Pélicot, son téléphone sous les jupes, ses dossiers, « ma fille à poil », son rituel organisé, c’est banal ? Et les coaccusés ? On nous dit qu’ils sont pompiers, militaires ou retraités, que 37 d’entre eux sont pères de familles, pourquoi oublie-t-on de dire que plus d’un quart sont addicts à différentes drogues ou ont été victimes de violence sexuelle dans leur enfance, et que 23 d’entre eux ont été déjà condamnés par la justice, dont six pour fait de violence conjugale ? Est-ce vraiment monsieur tout le monde ?

 

Gisèle Pélicot a voulu et organisé un procès politique

Non, bien sûr, mais il convient de le faire croire pour suggérer que n’importe qui est un violeur potentiel, parce que notre société fonctionne ainsi et prédispose tout mâle à commettre ce mal. Gisèle Pélicot, lors du procès, a dénoncé clairement, à cet effet, « une société machiste et patriarcale ». Et le jugement a trouvé un écho enthousiaste en la personne de Fabien Roussel, secrétaire général du parti communiste, qui, se rattrapant de son dérapage mahorais, a lancé : « La culture du viol est enfin dénoncée, condamnée. » On en espère un « changement », pour parler comme Mélenchon, une véritable conversion des mâles. Comme le note notre confrère Le Monde dans un article fleuve, « le procès des viols de Mazan suscite introspection et division chez les hommes ». Et d’expliquer : « L’affaire provoque un retentissement dans l’intimité de certains hommes, qui expriment un sentiment de malaise et une prise de conscience de la dimension systémique des violences sexuelles. »

 

Le deux poids deux mesures preuve du procès politique

Il y a là vraiment une distorsion médiatique et politique de la réalité, deux poids et deux mesures comme on dit. Charlie Hebdo avait une rubrique, Les unes auxquelles vous avez échappé, permettant de rendre sensible une autre approche possible de l’actualité. Voici, dans cet esprit, quelques procès, ou quelques relations de procès, que l’on aurait pu faire si l’intention de Mazan n’avait été purement politique. Si l’on avait choisi d’illustrer impartialement la « culture du viol » par l’actualité, un fait aussi extraordinaire, plus horrible encore que l’affaire Pélicot tombait sous le sens, le cas de Jean-Philippe Desbordes, jugé cet automne et condamné par la Cour d’Ariège à 20 ans de prison le 22 novembre. Cet ancien journaliste a commis des centaines de viols avec torture et barbarie durant plusieurs années sur les trois filles de sa compagnes, usant de son autorité, et de la complicité de la mère – le détail des faits est à vomir. Or si France 3 régions relève quelques rares papiers dans la presse (moins de dix), il a fallu que Boulevard Voltaire et CNews en parlent pour que la chose ait une petite notoriété. C’est à bon droit que Sud Radio a titré sur « l’Omerta médiatique ». Il se trouve en effet que Desbordes avait travaillé pour France Info, Le Canard Enchaîné, Charlie Hebdo et Envoyé spécial. Intouchable donc, et doublement, pas seulement parce qu’il est « de la famille », mais surtout parce qu’il aurait brouillé le message.

 

Choisir le procès qui sert la dialectique révolutionnaire

Dans la fabrication du conflit homme/femme, la figure de Gérard Depardieu a été plus volontiers agitée, bien que les faits allégués y invitent moins, que celles de Jacquot et Doillon – toujours la famille. Un procès auquel nous échapperons est celui de l’Abbé Pierre, puisqu’il est mort, mais les associations féministes sont allées déterrer sa statue pour la déboulonner – dans l’espoir, en partie satisfait, de salir l’Eglise catholique déjà souillée par le lamentable « rapport » Sauvé. Le système ne pousse pas son attaque parce que si l’on allait au fond des choses son récit de propagande se détruirait. Le seul vrai rapport scientifique sur la question est en effet celui de l’institut indépendant de criminalité John Jay sur la « pédophilie » dans l’Eglise catholique américaine. On y voit qu’elle se répartit entre 20 % de pédomanie et 80 % d’homosexualité. Et que les mêmes phénomènes touchent rabbins, pasteurs, moniteurs sportifs et éducation nationale, mariés ou non. Quant à l’affaire Olivier Duhamel, « grand » constitutionnaliste et patron de Science Po, qui a abusé de son beau-fils de 13 ans, elle a été jugée prescrite et classée sans suite en 2021. Ce n’est pourtant pas le cas d’autres affaires en cours touchant des femmes, plus anciennes : mettre en lumière la prédation homosexuelle n’entre pas dans la propagande qui vise à opposer les hommes aux femmes.

 

Epargner l’immigration, source de conflits multiples

Un dernier procès auquel nous échapperons toujours, si les choses ne changent pas en France, est celui des innombrables viols qui se commettent partout en Europe et en France, et qui sont pourtant visibles comme le nez au milieu de la figure. Tous ceux qui sont d’une manière ou d’une autre liés à l’immigration. On parle parfois, quelques jours, des plus spectaculaires, ceux qu’accompagnent une agression hyperviolente ou qui se terminent par la mort de la victime. Mais on ne relève même plus les innombrables tournantes qui ont lieu en banlieue ou dans les « quartiers populaires », selon le vocabulaire consacré. Et la chancelière Angela Merkel en personne a donné instruction à la police et à la grande presse de minimiser l’incroyable nuit de la Saint Sylvestre 2016. La raison n’est pas bien difficile à comprendre : non seulement le « narratif » hommes contre femmes n’y gagnerait rien, mais encore la chose est carrément contreproductive : elle ne désigne pas la société française comme coupable, mais un corps étranger, et ce corps étranger est cher, par-dessus le marché, à la dialectique révolutionnaire.

 

La dialectique révolutionnaire monte tout le monde contre tout le monde

A propos d’Angela Merkel, elle eut un jour cet aveu : « Le multikulti ne marche pas. » On nomme en allemand « multikulti » le vivre ensemble des communautés de civilisation et d’ethnie différente. Elle n’en a pas moins continué sa politique d’immigration car son aveu était tronqué : c’est parce qu’il ne marche pas que le multikulti est pratiqué par les pouvoirs révolutionnaires coalisés en Europe. Le multikulti est un multiconflit. Il monte tout le monde contre tout le monde, et c’est à quoi sert l’immigration : le musulman contre le chrétien (de nom ou non), le travailleur au noir contre l’assisté, le Blanc contre le racisé, les parents dépassés contre les jeunes furieux, les féministes TERF ou style Badinter contre les féministes genre intersectionnel, et bien sûr les hommes contre les femmes. Le procès de Mazan, dans ce contexte, a été particulièrement efficace : il a permis de mettre en accusation l’homme ordinaire alors que rien n’y est ordinaire, il a désigné le patriarcat coupable alors que celui-ci est la cible.

 

Un procès phare de la politique antichrétienne

Le procès Pélicot n’a été ni celui du viol ni celui de la banalité, mais celui d’une histoire extraordinaire rendue banale par l’inondation de la chienlit post-soixante-huitarde qui a mis à portée des caniches la luxure pornographique rebaptisée libertinage. La révolution didactique se sert tranquillement des désordres qu’elle a causés pour attaquer un peu plus l’ordre naturel. D’autant plus rageusement que cet ordre naturel était chrétien. La dialectique du multi-conflit vise en effet à produire en permanence une société en état d’ébullition où tout le monde « combat » (le mot est significatif) contre tout le monde. C’est une société multi-polémique opposée à la conception chrétienne, où tout le monde, quelles que soient ses attaches, intérêts et sentiments mondains, s’efforce d’aimer son prochain d’un amour surnaturel. Il n’aura pas échappé à nos lecteurs que ce conflit permanent profite à ceux qui surveillent et qui jugent, médias, juridictions de toutes sorte, ONG diverses, appareils d’Etat et institutions internationales, bref, l’ensemble de la Nomenklatura révolutionnaire qu’on nommera au choix le système ou l’arc-en-ciel.

 

Pauline Mille