Eviter le gaspillage ou prévenir la pénurie ? Les deux mon capitaine ? Toujours est-il que le gouvernement va rendre obligatoire la vente à l’unité de certains antibiotiques en rupture de stock, selon une source gouvernementale, obtenue par franceinfo, ce mercredi. Des encouragements en ce sens avaient déjà été effectués, mais sans résultat probant.
L’idée n’est pas stupide, en soi. Aux Etats-Unis ou aux Pays-Bas, certains médicaments sont, depuis longtemps, distribués gélule par gélule. Mais on est en droit de se demander si la conjoncture ne presse pas un peu ce gouvernement face à des médicaments qui sont, pour la plupart, fabriqués en Chine et donc voués à une instabilité chronique.
Vente à l’unité : 0,1 % des actes de délivrance de médicaments en 2022
Appliquant une promesse du candidat Macron en 2017, le gouvernement avait rendu possible la vente de certains médicaments à l’unité en mai 2022, dans les pharmacies. Un dispositif censé lutter contre le gaspillage et la résistance aux antibiotiques, mais qui était resté pour le moins marginal.
« On a délivré 772.000 médicaments à l’unité entre mai et décembre 2022, avec environ 20.000 officines », qui ont chacune réalisé en moyenne 38 actes, détaille Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). En bref, la dispensation à l’unité a représenté jusqu’alors 0,1 % des actes de délivrance de médicaments, bien que l’Assurance maladie rembourse un euro à l’officine pour chaque vente.
Cette fois, ce sera donc obligatoire ! Quand l’hiver arrive, on prend ses précautions. Concrètement, quand certains antibiotiques seront en pénurie, les pharmaciens devront les délivrer cachet par cachet au patient qui présentera une ordonnance, plutôt que de lui vendre la boîte entière.
Pas de boîtes de médicaments à moitié consommées
L’objectif ? La « responsabilisation » des Français sur l’usage des médicaments. Selon l’Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments (IRACM), un Français gaspillait, en 2019, 1,5 kg de médicaments par an en moyenne. Et puis c’est une manière de lutter contre l’antibiorésistance en limitant leur usage : la France fait effectivement partie des pays qui consomment le plus d’antibiotiques en Europe.
Notons qu’un certain nombre de pays, notamment anglo-saxons, pratiquent ce mode de livraison depuis très longtemps. Selon l’économiste de la santé Bruno Ventelou, les médicaments américains, par exemple, se vendent à l’unité depuis plus d’un siècle. Les laboratoires les livrent en vrac aux officines et c’est le pharmacien qui est chargé de les conditionner dans des petits flacons et de noter sur l’étiquette la posologie.
Mais les pharmaciens français font grise mine. « C’est un peu du bricolage, mais on le fera » a déclaré Philippe Besset, président de la fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Le conditionnement des médicaments en France n’est effectivement pas le même. « Il n’y a pas de consensus sur la délivrance à l’unité d’un point de vue industriel », a souligné le lobby des laboratoires pharmaceutiques (LEEM). Il va falloir découper les blisters… et imprimer la notice d’information qui se trouve habituellement dans la boîte. Côté traçabilité, il y a mieux.
Pénurie ? Il n’y aura pas de rationnement, nous assure-t-on
Mais surtout, c’est une réponse aux pénuries potentielles qui pourraient advenir. « Rendre obligatoire la distribution de médicaments à l’unité quand il y a tension » a précisé à BFMTV une source proche du dossier. Tension d’approvisionnement donc. Et le ministre de l’Industrie a même indiqué que les pharmacies des hôpitaux pourraient, si besoin, fabriquer des préparations, quels que soient les médicaments et donc produire, à leur échelle et pour leur échelle.
Cette tension se fait jour depuis plusieurs années parce que, tout simplement, 80 % des médicaments sont fabriqués en Asie (principalement en Inde ou en Chine). Il y a dix ans, la France était le premier producteur européen de médicaments : elle est aujourd’hui à la 4e place. La pénurie de médicaments y est devenue « un problème majeur de santé publique » : les signalements de risque et (ou) de rupture d’approvisionnement sont passés de 871 en 2018 à plus de 3.500 en 2023.
Dans le même temps, il y a pénurie… de médecins. Le Premier ministre a annoncé fin août qu’elle autorisait aux pharmaciens de « prescrire des antibiotiques » pour les cystites et les angines. Une pratique qui se fera sous conditions, « dès lors que celui-ci aura réalisé un test pour confirmer l’origine bactérienne » de la maladie et un entretien avec le patient.
De pénurie en pénurie…