Le « peuple de gauche » ? Un fantasme signé Cambadélis

Peuple gauche fantasme Cambadélis
 
Samedi, Jean-Christophe Cambadélis, le patron du PS, a annoncé pour la période du 16 au 18 octobre prochain un référendum sur l’union de la gauche. Un pari risqué parce que l’actualité politique se résume toute aux divisions partisanes ; mais peut-être plus encore parce que le « peuple de gauche » qu’invoque le premier secrétaire du Parti socialiste n’existe pas : ce n’est ni plus ni moins qu’un fantasme !
 
Le premier point cependant de cette annonce de Jean-Christophe Cambadélis a été l’effet de surprise. Ainsi François Hollande lui-même, affirme-t-on ici et là, s’il avait été prévenu que le patron du PS entendait lancer un appel à l’unité de la gauche, ignorait la forme que son successeur rue de Solferino entendait effectivement lui donner.
 

L’appel de Cambadélis au peuple de gauche

 
Oh ! bien sûr, le premier ministre a démenti, avec un coup de menton agressif à l’égard des journalistes, cette ignorance au sommet de l’Etat. Il aurait même été mis au courant au début de la semaine dernière. Mais, avec son air de pion cherchant à se pousser du col, ses yeux à l’iris dilaté par on ne sait trop quelle substance ou émotion, son ton arrogant et déplaisant, on ne peut pas dire que Manuel Valls ait convaincu qui que ce soit.
 
Il aura cependant placé qu’il s’agit d’un « coup de maître », formule sans doute destinée à faire accroire à sa longue réflexion sur le sujet, mais qui n’est, en définitive, qu’une formule de politesse à l’égard de Jean-Christophe Cambadélis.
 
Ce jugement, en effet, ne vaut que pour Manuel Valls qui, en l’affaire, n’apporte que sa seule voix de militant. Il faudra donc attendre le résultat pour qu’il soit validé – ou infirmé.
 
En attendant, ce scrutin à usage non identifié contraint à se poser quelques questions. Et d’abord de savoir qui va voter.
 
Le referendum, en effet, se déroulera sur internet, mais des urnes seront également installées sur les marchés de France. Et peut-être les militants feront-ils également du porte-à-porte.
 
« Je prends à témoin le peuple de gauche et lui demande directement son avis », a affirmé Cambadélis, qui ne pense pas, ajoute-t-il, qu’il y aura « dix millions de votants ».
 
C’est déjà significatif. Car il n’y a pas dix millions de Français encartés à gauche. Et, vu les moyens divers pour voter, à peu près n’importe qui, en définitive, devrait pouvoir voter.
 

Un referendum sans fondement

 
Rien n’empêche un Français, quelle que soit son opinion, son option politique, de répondre à une question qui, sans être officielle, devrait ressembler à : « Etes-vous pour ou contre l’unité de la gauche dès le premier tour aux élections régionales ? », puisque les votants n’auront à fournir que leurs nom, prénom et adresse mail.
 
On voit l’opportunité de cette facilité pratique. Si des Républicains, avec l’idée de fausser le résultat du peuple de gauche, votent, le patron du PS pourra toujours justifier d’une participation honorable, et d’un rassemblement, au moins sur la question, des hommes et femmes de progrès.
 
Autre question, celle de la ligne politique, c’est-à-dire de la réponse qui sera effectivement donnée à cette occasion.
 
Pour les appareils politiques, la réponse est donnée d’avance. Le PS « essaie de trouver un nouveau garrot : “Allez, c’est l’union, sinon ça sera le FN” », a réagi, avec un certain agacement, Jean-Luc Mélenchon.
 
Deuxièmement, le fond de la consultation devrait faire débat. Car la question de l’union, posée telle quelle, ne parle pas du programme d’un tel rassemblement. Même fin de non-recevoir à Europe Ecologie-Les Verts dont la secrétaire nationale, Emmanuelle Cosse, évoque une « démonstration de panique ». « C’est une espèce de référendum foireux afin de dire que pour s’en sortir, tout le monde doit être derrière le PS », ajoute David Cormand, le numéro 2 écologiste. Et, même au sein du PS, certaines dents n’ont pas manqué de grincer…
 

Le fantasme de Cambadélis

 
Et puis, l’union de la gauche, c’est bien joli, mais autour de quoi ? Du gouvernement de Manuel Valls ? De la politique de François Hollande ? Apparemment, cela manque singulièrement d’attraction, puisque, selon une enquête IFOP pour L’Humanité, seuls 38 % des électeurs interrogés y voient réellement « une politique de gauche telle qu’ils l’entendent ».
 
Ce score prouve deux choses : la première est que, à terme, un oui à ce referendum pourrait être plus catastrophique pour la gauche actuellement au pouvoir, car ce pourrait être une union contre elle.
 
La deuxième est qu’une union de la gauche est utopique. C’est, après tout normal, parce que le « peuple de gauche » dont ils rêvent n’existe pas. C’est un fantasme. Nos compatriotes sont de droite, ou, mieux encore, conservateurs, dès qu’il s’agit d’être pratique, et de ce qui les concerne vraiment au quotidien. La gauche, ce sont des idées généreuses mais vagues. Une transposition utopique et laïciste des vertus véhiculées autrefois par la religion, qui avait, elle, l’avantage de fédérer naturellement la grande majorité des Français.
 

Hubert Cordat