Le plan infrastructures de Donald Trump, 1.500 milliards de dollars, un processus accéléré… mais un pouvoir fédéral renforcé

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Le plan de relance des infrastructures américaines promis par Donald Trump arrive. Ce document de 55 pages prévoit des investissements à hauteur de 1.500 milliards de dollars. Le plan, qui va se heurter aux chicanes des Démocrates et pose la question de l’autonomie des Etats en raison d’un pouvoir fédéral renforcé, « s’intéresse, plus encore qu’aux infrastructures traditionnelles – routes, ponts ou aéroports –, à d’autres besoins tels que l’eau potable, les canaux, les ressources en eau, l’énergie, l’infrastructure rurale, les parcs publics, les hôpitaux pour anciens combattants, les sites pollués ou très pollués », a fait savoir le président Trump. Il prévoit de fournir aux Etats fédérés et municipalités 200 milliards de dollars de subventions, leur permettant de lever des fonds afin d’atteindre la somme globale de 1.500 milliards d’investissements.
 
Pour Donald Trump, « les réformes renforceront l’économie, rendront notre pays plus compétitif, réduiront les coûts des produits et services pour les familles américaines et permettront aux Américains de construire leur existence en disposant des meilleures infrastructures du monde ». Ce qui, pour l’heure, est loin d’être le cas, l’obsolescence des grands équipements de ce pays aux climats difficiles allant s’accélérant. Tom Donohue, président de la Chambre de Commerce des Etats-Unis, et Jay Simmons, président de la National Association of Manufacturers, applaudissent.
 

Le Comité national démocrate a manifesté son opposition pavlovienne au plan de Donald Trump

 
En revanche, et comme il se devait, le Comité national démocrate a manifesté son opposition pavlovienne. Son communiqué est édifiant : « Le plan de Trump n’est qu’un nouveau et dispendieux cadeau aux grandes entreprises et aux maîtres d’ouvrages aux dépens des travailleurs américains, et ne parviendra pas à répondre aux besoins en infrastructures les plus pressants de notre pays. » Pour les Démocrates, qui ne sont pas avares de contradictions, ce plan est bien trop insuffisant, alors qu’ils dénoncent par ailleurs la lourde charge qu’il ferait peser sur les contribuables au niveau des Etats. Ils proposent un contre-plan s’appuyant sur… une augmentation des impôts fédéraux. Le travers centralisateur de la gauche est universel. Quant aux travailleurs américains, on attend leur avis sur les offres d’emplois à venir.
 

Raccourcir les délais administratifs interminables pour tout projet d’équipement et d’infrastructures

 
Autre argument opposé par les Démocrates, les objections des environnementalistes. Ces derniers refusent la volonté de Trump d’alléger les procédures bureaucratiques sources de délais administratifs interminables, avec surcoûts y afférant. Une situation que connaît bien l’Europe aussi, la France accumulant les avant-projets, dossiers et enquêtes préalables. Un haut fonctionnaire de l’administration Trump dit « vouloir raccourcir le processus, tout en conservant les garanties environnementales prévues par la législation actuelle ». Pour le Washington Times, « la marque de fabrique de ce plan réside dans son effort pour raccourcir le très byzantin processus fédéral d’approbation », avec examens successifs et avis requis des différents ministères et agences, chacun ayant tendance à trouver un défaut pour justifier son existence. Le plan Trump vise à limiter, pour la plupart des cas, la délivrance de l’autorisation finale à un seul ministère.
 

Sur 1.500 milliards de dollars de fonds fédéraux, la moitié ira aux Etats, comtés et municipalités

 
Durant la campagne de 2016, Trump avait martelé vouloir « construire des routes, des ponts, des autoroutes, des lignes de chemin de fer, des canaux impeccables ». Et, ajoutait-il dans sa rhétorique de protection nationale, « nous le ferons avec le cœur américain, les mains américaines et les matériaux américains ». Sur les 200 milliards de dollars de fonds fédéraux, 100 iront aux Etats, comtés et municipalités, leur servant à lever des sommes plus importantes, 50 seront des subventions aux infrastructures rurales, 20 garantiront des emprunts privés destinés à financer des projets, 20 iront à des programmes de « transformation » pour préparer le pays aux mutations techniques et 10 iront au financement de bâtiments fédéraux.
 
On avait oublié le soutien fédéral aux dépenses des Etats, limité par une répartition des compétences garantissant la liberté des territoires. Pourtant, aux tout débuts des Etats-Unis, le président James Madison avait manifesté son désir que le gouvernement fédéral s’impliquât dans de tels projets locaux, souhaitant amender la constitution, très sourcilleuse sur la limitation du pouvoir central, en ce sens. Cela avait entraîné sa rupture avec les Old Republicans, opposés au mélange des genres en matière de construction de routes, ponts ou canaux. C’est Henry Clay (1777-1852), élu du Kentucky, qui permit de tels investissements fédéraux au bénéfice des équipements des Etats fédérés, système parallèle à son projet de banque nationale, devenue la Réserve fédérale.
 

Le pouvoir fédéral renforcé a pu intervenir quand il s’est permis de lever l’impôt sur le revenu, en 1913

 
Si le XIXe siècle n’a pas connu d’investissement fédéral dans ces domaines d’infrastructures, c’est parce que Washington manquait d’argent. Chaque Etat devait se débrouiller pour développer les équipements destinés à le desservir. Au XXe siècle, le fédéral s’est enrichi grâce au XIIIe Amendement voté en 1913, qui permit au congrès de lever un impôt sur le revenu et d’augmenter à la fois sa capacité d’investissement et son pouvoir sur les Etats. Par exemple en 1974, alors que le fédéral ne possède pas la compétence lui permettant d’imposer une vitesse maximale sur les routes, il a réussi à tordre le bras des Etats en les menaçant de leur supprimer les fonds fédéraux pour les autoroutes. Tous obtempérèrent.
 
Le plan Trump, qui promet aux Etats de leur accorder d’importants fonds fédéraux pour des équipements relevant de leurs compétences, place ainsi les autorités locales dans une dépendance croissante vis-à-vis du pouvoir central. C’est le paradoxe d’une présidence au programme initial pourtant ouvertement opposé à la tendance centralisatrice qui prévalait depuis des décennies aux Etats-Unis, et professant son attachement au principe de la subsidiarité. Tout va dépendre désormais de l’attitude de Washington face aux projets portés par les Etats.
 

Matthieu Lenoir