Un bateau de pirates avec un personnage noir, esclave qui plus est : il semblerait que Playmobil, en cherchant à faire rêver les enfants, soit allé un soupçon trop loin. C’est en tout cas ce que pense la presse internationale qui donne une place de choix à cette tempête dans une tasse de thé. L’histoire commence avec l’achat d’une boîte Playmobil par une femme « de couleur » de Sacramento, en Californie, pour son petit neveu de cinq ans, et se termine avec des accusations de racisme dirigées contre le fabricant de jouets allemand. Mais loin de plier, Playmobil tient bon, et se défend.
Aimée Norman avait choisi la boîte de pirates précisément en raison de la présence d’un personnage noir sur la couverture : le seul, se plaint-elle. On peut supposer – car les petits garçons sont tous pareils, qu’ils soient noirs ou blancs – que l’heureux destinataire du cadeau en a été ravi et n’attendait que de se mettre à jouer.
Arrive la maman. Ida Lockett – semblable en cela à tant de mamans du monde, blanches ou noires, pour qui les notices Playmobil n’ont plus de secrets – se charge de monter le bateau. Et là, horreur, elle s’aperçoit que le petit personnage noir est vêtu de haillons et qu’il a un collier d’esclave adaptable.
Playmobil accusé de racisme : un pirate ça va, un esclave, bonjour les dégâts
Aussitôt (imagine-t-on), son jeune fils est privé de son cadeau. Car elle a monté un gros « buzz » autour de ce personnage « raciste », invitant sur Twitter à ne pas acheter « ce bateau pirate avec des esclaves » tandis que la tante Aimée, l’acheteuse indignée, a mis en ligne divers commentaires sur la page Facebook de Playmobil, se plaignant de ce que le « seul » ensemble vendu avec un personnage noir fût celui-là : « Je n’ai pas remarqué sur l’extérieur de la boîte que les personnages noirs devaient être dépeints de cette manière insultante ? Qui croirait que nous sommes en 2015 ? Serait-ce trop vous demander de créer un bon vieux pirate noir ? »
Avec tête de mort, jambe de bois, coutelas et quelques vieux pétards pour faire bonne mesure : mieux vaut un semeur de destruction et un pillard qu’une victime, c’est évident.
Quant au cachot compris dans le navire pirate, il ne saurait être peuplé que par des Blancs. « C’est certainement raciste », s’est plainte Ida Lockett à sa télévision locale. « C’est un jouet raciste. On ne peut pas rajouter cet accessoire précis et prétendre que ce soit autre chose. On peut le googliser, le rechercher, dire ce que c’est ; c’est un collier d’esclave. »
Le bateau de pirates de Playmobil ne saurait avoir qu’un capitaine noir !
Playmobil a répondu, en substance, que nous ne sommes pas en 2015. Et que sa boîte de pirates renvoie au XVIe siècle. Sans injure. C’est « historique ». Et de toute façon : « Si vous regardez la boîte, vous verrez bien que le personnage pirate fait bien partie de l’équipage et qu’il ne s’agit pas d’un captif. Le personnage a été conçu pour représenter un pirate qui avait été esclave dans un contexte historique. Notre intention n’était pas d’offenser quiconque. »
Rassurés ? Non. Un client anglais de Manchester s’est épanché sur le site de Toys R Us : le fait que le personnage noir semble travailler indique qu’il est un esclave. « Le produit manque vraiment de sensibilité. »
Et tous ces braves gens, d’imagination… Après tout, le but même des jeux – intelligents – comme Playmobil est de laisser les enfants créer leurs propres histoires. Quitte à donner le commandement au « Playmobil de couleur », et à ferrer l’odieux capitaine. Ou à organiser la libération de l’esclave. Ou à s’en servir pour un scénario contemporain : « Réfugié en Méditerranée » par exemple – en gardant le collier d’argent pour la maîtresse de la maison de poupées férue de bijoux contemporains…
Lui fournir un costume trois pièces sera évidemment plus difficile. Quant à effacer le sourire de son visage, c’est peine perdue. De toute façon, le ridicule ne tue plus…