A l’approche des élections européennes de juin prochain, on agite les grands sujets de préoccupations des soumis, volontaires ou pas, à Bruxelles : hausse des prix, inégalités sociales, croissance économique… Mais quid de la politique migratoire de l’Europe ? C’est un fait de se soucier de l’immigration, c’en est un autre de se soucier de la politique européenne qui, très manifestement, non seulement ne répond pas à l’urgence de la situation, mais l’empire, décision après décision – la loi immigration du 26 janvier 2024 en témoigne largement. Pourtant, un tout récent sondage nous le confirme, plus de la moitié des Européens la désapprouvent et plus encore, attendent des contrôles plus stricts aux frontières. Gageons qu’ils ne seront pas écoutés.
Les Européens réclament des résultats plus tangibles
C’est l’un des points marquants d’un sondage exclusif Euronews réalisé par Ipsos dans 18 Etats membres : 16 % des Européens, seulement, ont une opinion « positive » de l’impact du bloc sur la politique migratoire, alors que 51 %, en revanche, en ont une évaluation « négative ». Une part non négligeable, 32 %, déclare que l’impact n’a été « ni positif ni négatif », en gros qu’ils n’en savent rien.
Cette tendance se retrouve dans tous les genres, toutes les tranches d’âge et toutes les professions, et elle est constante dans la plupart des pays où le côté négatif l’emporte nettement sur les deux autres partis-pris. La France (62 %), l’Autriche (60 %) et la Hongrie (58 %) sont les pays les plus critiques, tandis que le Danemark (26 %), la Roumanie (27 %) et la Finlande (32 %) sont les moins critiques.
Politiquement, les opinions les plus tranchées soutiennent les groupes Identité et Démocratie (78 %) et Conservateurs et Réformistes européens (65 %), suivis par la Gauche (55 %) qui se situe à l’extrémité opposée du spectre. Chez les électeurs du Parti populaire européen (PPE), on est davantage nuancé : 46 % se prononcent contre, 20 % se disent positifs et 34 % ne disent ni l’un ni l’autre. Quant à ceux qui soutiennent le groupe de centre-gauche des Socialistes et Démocrates (S&D), ils sont parfaitement indécis : 33 % se disent négatifs, 24 % positifs et 42 % ni l’un ni l’autre.
L’option privilégiée par tous les pays : renforcer les contrôles aux frontières
Et le chiffrage du mécontentement s’accentue si l’on considère ce point précis du renforcement des contrôles aux frontières. Les Européens prendraient-ils conscience du phénomène de la passoire dont nous sommes plutôt blasés ?
En effet, 71 % des personnes interrogées par le sondage conviennent que cela devrait être la priorité dans les années à venir, et ce quels que soient le sexe, les tranches d’âge et les professions. La Pologne (86 %), la Bulgarie (83 %) et la Finlande (83 %) enregistrent le plus haut niveau de soutien à cette ligne d’action, qui constitue une opinion majoritaire dans tous les pays interrogés.
Il n’y a plus que 28 % des Européens à estimer que le bloc devrait, au contraire, donner la priorité à une « politique d’accueil des immigrés au nom de valeurs humanistes » ; deux pays de première ligne du sud de l’Europe, l’Espagne (41 %) et l’Italie (39 %), sont notamment les plus réceptifs à cette approche.
Politiquement, les appartenances sont encore plus criantes. Entre 72 % et 91 % des électeurs potentiels des partis conservateurs et libéraux sont les plus susceptibles de réclamer des contrôles plus stricts aux frontières, tandis que ce sont les partisans des Verts (66 %) et de la gauche (63 %) qui brandissent le plus les valeurs humanistes.
Une politique migratoire à l’exact opposé des attentes des Européens
La réalité l’emporterait donc ! Et pour cause, le sujet est crucial, comme le montrent les derniers chiffres : en 2023, l’UE a enregistré 1,14 million de demandes d’asile, soit le chiffre le plus élevé depuis 2016. Quant aux entrées illégales sur le sol européen, on estime qu’il y en a eu 380.000 en 2023 : et elles continuent d’augmenter selon le dernier rapport de l’agence Frontex (+ 541 % pour les réfugiés venant d’Afrique de l’Ouest sur les premiers mois de 2024).
Parmi les six domaines examinés dans le sondage, cette question de la politique migratoire de l’Europe concentrerait donc les réponses les plus unanimement désobligeantes. Et pourtant, pour les Européens, ce n’est que le quatrième sujet par ordre d’importance, face aux élections qui se profilent en juin après la hausse des prix, les inégalités sociales et la croissance économique – de l’art, pour nos élites, d’occuper les esprits…
Mais quand même. 59 % des personnes interrogées estiment que l’UE devrait faire de la lutte contre la migration irrégulière une priorité. Et cette opinion est majoritaire dans tous les pays, à l’exception de la Finlande !
La Commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson (ancienne du Parti communiste suédois), a bien tenté de nous rassurer sur cet épineux sujet : aucun pays de l’UE ne sera « laissé seul » face à la migration irrégulière, a-t-elle déclaré. On l’aidera à recevoir les migrants ! Autrement dit, on le contraindra à recevoir des migrants. La « solidarité obligatoire » à l’européenne engage surtout les pays membres à se plier aux injonctions.
Une « migration légale gérée » a dit Bruxelles, contribuera à rajeunir l’Europe et à sauver son économie mise en difficulté par l’absence de main-d’œuvre… Elle contribuera surtout à la changer fondamentalement. Si Emmanuel Macron a permis un coup de force des juges comme l’a dit Jordan Bardella, cité par Pauline Mille, dans ce passage imposé de la nouvelle loi immigration, ce n’est pas pour rien. N’en déplaise au nombre croissant de Français et d’Européens qui voudraient voir davantage se fermer les frontières.