Poutine : rempart contre le globalisme ou promoteur du Nouvel Ordre Mondial ?

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Vladimir Poutine est-il vraiment un rempart contre le mondialisme et un défenseur de l’identité nationale – en tout cas la sienne – comme aiment à le croire les détracteurs de l’atlantisme ? Poutine est à la mode parmi certains chrétiens conservateurs parce qu’il glorifie l’histoire de la Russie, résiste aux pressions des lobbies homosexualistes et promeut la famille et même la famille nombreuse qui en Occident, est sous le feu des gouvernements. On justifie sa politique en Ukraine, on ferme les yeux sur ses rapprochements avec l’Iran, la Chine, la Syrie. Son soutien à l’arc chiite devient dans cette grille de lecture une manière habile de contrer le sunnisme – comme s’il fallait préférer une variante de l’islam contre une autre.
 
Une analyse du New American vient contredire cette vision en montrant que Poutine, qui mène une politique de suprématie régionale, contribue ce faisant tout aussi bien que les Etats-Unis à l’avènement d’un Nouvel Ordre Mondial : le même.
 
Le clivage Est-Ouest – tout comme l’apparente opposition irréductible entre libéralisme et communisme au temps de la Guerre froide n’empêchait pas l’un de soutenir l’autre – serait lui aussi dépassé par le haut, délibérément mais discrètement. Poutine est un ancien du KGB après tout. Le monde « multipolaire » qu’il « évoque souvent » est au service d’une même idée.
 

Poutine et la dialectique

 
S’il est évidemment impossible d’apporter la preuve de cet engagement qui passe par une nécessaire dialectique – où l’opposition, le conflit, la guerre, tout comme la lutte des classes est indispensables à la « synthèse » visée – il y a beaucoup d’indices factuels qui le rendent plausible.
Dans les différents continents, la marche vers l’intégration régionale est visible. Que ce soit par le biais d’accords de libre-échange, d’intégration monétaire, d’unification juridique, elle avance à différents rythmes. L’Union européenne, la plus avancée sans doute, qui confisque le pouvoir et le droit de regard des peuples, a pu être qualifiée d’entité soviétoïde – par Gorbatchev lui-même. La reconstitution d’un bloc puissant qui lui fait face à l’Est obéit à une même logique.
L’article du New American cite Henry Kissinger – l’ancien Secrétaire d’Etat ne fait aucun mystère de son engagement en faveur d’un nouvel ordre mondial – qui a publié fin août un article franc et révélateur dans le Wall Street Journal  : « La quête contemporaine d’un ordre mondial va exiger une stratégie cohérente afin d’établir un concept d’ordre à l’intérieur des différentes régions, pour relier ces ordres régionaux entre eux. »
 
Puisque c’est lui qui le dit…
Mais pour obtenir l’intégration régionale à laquelle les peuples ne se plient pas d’emblée, il faut des raisons d’y faire croire. L’affaire ukrainienne a au moins pour effet de rassembler au service d’un même objectif les pays qui s’opposent à la Russie. Et côté russe, Poutine ne cache pas sa volonté de renforcer l’« Union économique eurasienne » qui, depuis le mois de mai, rassemble la Russie, le Belarus et le Kazakhstan, en attendant la reconstitution de l’Empire soviétique éclaté.
 

Unions régionales au service du Nouvel Ordre Mondial

 
Si Poutine récuse l’idée d’un retour à l’Union soviétique proprement dite, il n’en a pas moins déclaré en créant l’Union eurasienne que « l’établissement de l’Union douanière et de l’Espace économique commun progresse bien plus vite » parce qu’ils ont « pu apprendre de l’expérience de l’Union européenne et des autres associations régionales ». Bref, c’est un alignement, d’autant qu’il a déclaré que de manière générale le régime de régulation adopté s’accorde avec les « normes européennes ». Et il voit l’Union eurasienne, en parfaite harmonie avec l’OMC, comme un acteur mondial aux côtés des autres, au même titre que les autres unions : l’UE, les Etats-Unis, la Chine, l’APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation). Il rêve déjà, explicitement, d’une « communauté harmonisée d’économies de Lisbonne à Vladivostok ».
 
L’Union douanière, elle, pourrait s’étendre elle aussi de l’Eurasie à l’UE, en attendant une expansion progressive de l’intégration à travers les réseaux régionaux du monde qui sont déjà en place.
 

Poutine ne contredit pas l’ONU

Loin de s’opposer aux ingérences onusiennes et à la « gouvernance globale », Vladimir Poutine s’y réfère sans les critiquer. Il fait partie du concert global ; peut-être même, suggère le New American, aidera-t-il à hâter l’avènement d’un mondialisme politique bien installé au moyen des guerres et des troubles qui pourraient bien servir d’accélérateurs. Une technique que le mondialiste Lincoln P. Bloomfield détaillait déjà en 1962 sous le titre : « Un monde effectivement contrôlé par les Nations Unies. »
 
Et tant pis pour les dommages collatéraux.