“Ce que je ne pouvais pas dire” : Jean-Louis Debré siffle la fin pour Nicolas Sarkozy

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Jean-Louis Debré en compagnie de Nicolas Sarkozy, Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac en mars 2010. Les anciens présidents de la République sont membres de droit du Conseil constitutionnel.

 
Jean-Louis Debré se lâche… L’ancien président du Conseil constitutionnel qui vient de céder sa place à Laurent Fabius publie Ce que je ne pouvais pas dire, journal de ses neuf années passées à la tête des Sages. Un titre dont on pourrait attendre du croustillant, mais qui semble avant tout une flèche dirigée contre l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy, dont l’auteur, chiraquien de la première heure, estime qu’il est arrivé au bout du chemin, et que le panneau « fin » – dont il n’est pas même sûr qu’elle soit heureuse… – se dresse devant lui.
 
« Pour lui, c’est fini ! », affirme, péremptoire, Jean-Louis Debré. Lui, c’est Nicolas Sarkozy, pour qui le Sage retraité n’a jamais eu beaucoup d’estime, ni d’affinités. De ce fait, la publication de ce journal ne saurait faire l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel bleu. D’autant que le silence prétendu de Jean-Louis Debré a été, en quelques occasions, écorché. On se souviendra notamment de cette sortie, en 2008, sur le plateau de Canal+, par laquelle le président du Conseil constitutionnel en exercice avait émis quelques réserves sur le style, la gestion du pouvoir du président de la République en exercice.
 

Jean-Louis Debré siffle la fin pour le président des Républicains

 
« Quand on veut être président de la République, on doit avoir le sens de l’Etat. Et Nicolas Sarkozy ne l’a pas », résume-t-il pour Le Point, qui publie cette semaine des extraits de son ouvrage à paraître le 21 avril. Réminiscence ?
 
Jean-Louis Debré donne quelques exemples. Ainsi, en 2008, alors que le Conseil constitutionnel censure partiellement la loi sur la rétention de sûreté voulue par Nicolas Sarkozy, ce dernier confie une mission au premier président de la Cour de cassation pour « trouver un moyen de contourner notre jurisprudence ».
 
Pour la réforme constitutionnelle de 2008, note-t-il, « Sarkozy était prêt à tout casser, par caprice, parce qu’il avait envie de s’exprimer devant le Congrès. La vérité est que la Vème République a été brisée par cette réforme ! »
 
Le livre est donc, en quelque sorte, un long fil d’actes égocentriques posés par Nicolas Sarkozy, qui « nous joue l’éternel revenant qui s’accroche ».
 

Nicolas Sarkozy, tête de Turc

 
Et Jean-Louis Debré d’ajouter : « Rien ne m’étonne plus de Sarkozy. Il n’a aucun sens de l’Etat. C’est un chef de clan auquel il est interdit de résister, surtout au nom du droit. »
 
Elargissant sa réflexion pour évoquer 2017, il estime que rien n’a changé, et que, « à droite, la crise est pathétique ». « Les candidats à la primaire proposent tous la même chose et ne cessent de se dénigrer entre eux. Qu’est-ce qu’un grand parti quand il génère quatorze ou quinze candidats ? »
 
Jean-Louis Debré va sans doute retourner à ses papiers, puisqu’il est désormais président du Conseil supérieur des archives. Mais, avant, on peut se demander ce qui a poussé l’ancien président du Conseil constitutionnel à nous offrir cet étalage critique ? La rancœur ? Ou la volonté des loges de donner un coup de pouce à l’un de ces candidats à la primaire que l’ombre du président des Républicains, si proche des Rothschild, gênerait ?
 
Le désamour de Jean-Louis Debré envers la politique ne tient pourtant pas à ce seul épisode de l’histoire contemporaine. C’est l’ensemble du personnel politique – sans « culture historique ni littéraire » – que l’auteur met dans le même sac, les accusant d’avoir abandonné jusqu’aux idées qui étaient leur marque de fabrique.
 
Un désaveu que Jean-Louis Debré résume d’une formule lapidaire qui détonne dans la bouche du frère qui déclamait la Prière à Marianne : « La mondialisation et l’ouverture de tout font qu’on n’est plus sûr de rien. »
 

François le Luc