Le contenu des messages et autres textes diffusés sur les réseaux sociaux est devenu difficile à contrôler – pour ne pas dire incontrôlable. Le pouvoir médiatique que constituent Facebook, Twitter et les autres semble parfois leur échapper, dans des domaines très divers, dont les responsables de ces réseaux retiennent surtout – réflexions à la mode… – le harcèlement contre les femmes et contre certaines minorités, et la menace djihadiste.
A l’occasion d’un débat lors du festival américain d’Austin sur les nouvelles technologies, Jeffrey Rosen, président du National Constitution Center, a déclaré, en présentant Monika Bickert et Matthew Zimmerman, respectivement responsables des contenus de Facebook et de Twitter : « Les deux personnes à mes côtés ont plus de pouvoir sur la liberté d’expression que n’importe quel roi ou président au monde. »
Pour être forte, l’expression est loin d’être fausse. En choisissant l’expression, même virtuelle, de leurs concitoyens mondiaux – si tant est que cette expression ne constitue pas une contradiction… –, ces censeurs en chef façonnent la pensée de tous les drogués des réseaux sociaux.
Les réseaux sociaux face au carcan de la liberté d’expression
« Jusqu’à il y a quelques semaines, Twitter était très limité dans ses moyens de lutter contre les violations de ses règles », explique Matthew Zimmerman. Mais désormais le réseau a pris les moyens (ou veut les prendre) de « créer un effet dissuasif à long terme contre les abus ». Et de citer la pratique de la « revanche porno », par laquelle on se venge d’un « ex », en publiant sur lui, ou sur elle, des photos intimes, etc.
« La clé pour Twitter est que ses utilisateurs puissent avoir le contrôle des contenus qu’ils voient. La problématique des réseaux sociaux, ce n’est pas tant de respecter le premier amendement (de la constitution américaine) que la nécessité de créer une communauté. » Pas de communauté, effectivement, sans un minimum d’accords, d’entente.
La liberté d’expression a donc de plus en plus mauvaise presse en démocratie. Si la chose peut paraître contradictoire, elle n’est pas pour autant forcément scandaleuse. L’Eglise a, depuis longtemps, marqué son opposition, par fois très ferme, à cette pseudo-idée de la liberté. Dans Mirari vos, Grégoire XVI, emploie sur le sujet des mots très durs.
Evidemment, quand il s’agit d’actes ou de propos objectivement mauvais – tels, dans deux ordres différents, la pornographie ou le terrorisme – la chose semble aller de soi.
Le pouvoir incontrôlé de l’ego
Mais ce n’est malheureusement pas si simple. L’on sort bien souvent de l’objectivité pour s’aventurer dans le subjectivisme. Et qui détermine alors, et sur quels critères, ce qu’est un abus ?
« C’est une responsabilité écrasante, observe Jeffrey Rosen. C’est un problème qu’on n’avait pas imaginé au moment du premier amendement de la Constitution américaine. Je suis inquiet car ces réseaux sociaux font le travail que des juges ont déjà du mal à faire. »
D’un autre côté, les réseaux sociaux n’entendent pas devenir des carcans, de peut d’effrayer leurs clients, et notamment les publicitaires. « Twitter veut être un endroit où les gens peuvent exprimer leurs opinions, même si elles répugnent à d’autres utilisateurs », observe Matthew Zimmerman.
En définitive, on risque de se retrouver avec une liberté d’expression qui ne sera censurée que par la bien-pensance. Façon « Je suis Charlie », par exemple…