Les grandes banques au Royaume-Uni s’octroient le droit de surveiller l’activité de leurs clients sur les réseaux sociaux

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Le journal britannique The Telegraph affirme que les plus grandes banques du Royaume-Uni ont discrètement fait reconnaître leur droit de surveiller l’activité de leurs clients sur les réseaux sociaux, à travers des autorisations noyées parmi les clauses de leur « politique de confidentialité ». La chose est devenue manifeste à travers le dossier de la banque Couttes justifiant la clôture du compte de Nigel Farage : des tweets de l’ancien champion du Brexit figuraient au nombre des pièces invoquées pour montrer que ses prises de position n’étaient pas conformes aux « valeurs » de l’institution.

Le Telegraph affirmait dimanche que trois autres banques britanniques de grande envergure sont dans le collimateur du Trésor pour des faits semblables : Metro Bank, Yorkshire Building Society et American Express. Plusieurs témoignages de fermetures ou de suspensions de comptes de la part de membres de l’UKIP, le parti de Farage, ou d’autres personnes actives contre l’idéologie LGBT, par lesdits établissements, corroborent cette accusation de suivi de leurs activités sur les réseaux sociaux.

 

Les banques ont déjà leur système de crédit social

Mais d’autres banques sont impliquées : si Natwest, société-mère de Coutts, a refusé de répondre aux questions du journal à ce sujet, sa politique de confidentialité – 13 pages en petits caractères – précise qu’elle se réserve le droit de surveiller les comptes de réseaux sociaux des clients ; la même clause figure chez Coutts.

Idem pour Lloyds Banking Group qui fait signer un document en petits caractères par lequel les clients l’autorisent à récupérer et à conserver des informations dans « les médias publiés et sur les réseaux sociaux ». La notice sur les données personnelles d’HSBC comporte 28 pages d’écriture serrée au milieu desquelles la banque affirme pouvoir surveiller les informations relatives aux « interactions sociales, notamment les communications par les réseaux sociaux, entre individus, organisations et prospects ».

La Barclays avoue « recueillir des informations » sur ses clients, notamment sur les pages de la banque sur les réseaux sociaux, mais aussi plus largement sur les réseaux sociaux dans leur ensemble.

D’autres banques affirment ne pas se livrer à de telles collectes, ou limiter cette collecte à des cas particuliers, en cas de plainte par exemple, ou pour avoir « des informations biographiques » sur leurs clients.

 

La surveillance des réseaux sociaux outil rêvé de Big Brother

UK Finance, l’organisme syndical représentent les intérêts des banques, a pour sa part justifié la pratique générale de surveillance de ces agissements privés des clients par le fait que les institutions financières font partie d’un secteur réglementé.

Mais s’il est vrai que les banques jouent un rôle dans la lutte contre le blanchiment d’argent – parfois jusqu’à l’absurde – il n’en reste pas moins qu’on se trouve bien déjà ici dans une mécanique de « crédit social », où l’expression d’une opinion politique qui n’a rien de frauduleux, en l’absence d’un quelconque soupçon de délit, modifie l’attitude du prestataire de services et peut aller jusqu’à l’exclusion.

Les banques se défendent bruyamment face à ces accusations, affirment ne pas s’intéresser aux opinions de leurs clients mais à des questions de « viabilité commerciale, de réputation et d’exigences légales et réglementaires ».

 

Les banques aujourd’hui, qui demain ?

L’affaire Nigel Farage est venue apporter la preuve du contraire, puisque lui-même et des membres de sa famille ont été visés et que les circonstances de ces clôtures de comptes ont paru suffisamment scandaleuses pour justifier une enquête publique.

D’où son commentaire, qui résume tout : « Je ne veux pas vivre en Chine communiste, et pourtant on s’y retrouve de plus en plus. Les banques sont hors de contrôle et doivent être mises au pas. Cette histoire scandalisera les gens. »

Mais que peuvent les braves gens face à de telles pratiques ? A supposer qu’ils aient lu la « politique de confidentialité » de leurs banques – belle antiphrase ! – ils n’ont pas les moyens de les faire revenir sur des autorisations de pratiques qu’elles se sont elles-mêmes octroyées.

Et même si le « Big Brother » se sert encore peu de ces outils exorbitants, ils sont en place, prêts à l’emploi.

 

Anne Dolhein