Pas un jour ne passe sans que les médias ne disent les méfaits de tous les aliments imaginables, du vin, du café, du froid, de la chaleur, de l’air qu’on respire, de l’air qu’on expire… Mais dire sans cesse aux bien-portants qu’ils risquent de tomber malades finit par les transformer en patients que l’on soigne, avertit le Dr Teppo Jarvinen, du département d’orthopédie et des traumatismes de l’université d’Helsinki. Une mise en garde contre le principe de précaution, une précaution contre les précautions ? Voilà qui ne manque ni d’ironie, ni de sérieux.
Dans un article publié par le British Medical Journal, il s’explique : « Aujourd’hui, présenter un “haut risque” de maladie est devenu une maladie à part entière. A tous les niveaux du système de soins, de vastes programmes éducatifs transforment désormais la surtension d’une personne par ailleurs en bonne santé, ou encore son niveau élevé de lipides sériques ou sa faible densité osseuse, en maladie chronique. »
Les bien-portants transformés en malades sous prétexte qu’ils présentent des facteurs de risque
Au niveau individuel, ce sont autant de personnes en relative bonne santé qui risquent de se « percevoir comme malades » – et à qui l’on va prescrire des médicaments dont les avantages, dans cette situation, ne sont pas avérés. Aujourd’hui, la majorité des personnes de plus de 60 ans au Royaume-Uni se voient ainsi prescrire des statines – médicament controversé – en raison du risque de maladie cardiovasculaire que l’on associe à l’excès de cholestérol ou à la tension élevée, comme si elles étaient déjà malades.
Mais parmi cette majorité d’hommes britanniques de plus de 60 ans et de femmes de plus de 65 ans que l’on invite à avaler des statines, il en est beaucoup qui ont un risque de 10 % seulement de déclarer une maladie cardio-vasculaire dans les dix ans du « diagnostic » : « Les nouvelles directives sur le cholestérol “colonise” la quasi totalité de la population âgée en les comptant au nombre des malades », souligne Teppo Jarvinen – alors même que la plupart des gens n’ont pas envie de prendre des médicaments de manière préventive si le risque qu’ils courent ne dépasse pas les 20 %.
Teppo Jarvinen montre que la précaution conduit à faire avaler des médicaments pour rien
Il en va sans doute de ces médicaments préventifs comme des mesures pour empêcher le réchauffement climatique : lorsqu’il ne se passe rien, on peut toujours leur imputer d’avoir évité le pire, sans preuve…
Mais pour les comprimés censés éviter l’ostéoporose, on sait que certains d’entre eux, pourtant largement prescrits, ne réduisent le risque de fracture du col du fémur que d’un pourcent, assure le Dr Jarvinen.
Une étude britannique récente montre qu’aujourd’hui une personne sur cinq au Royaume-Uni prend au moins cinq médicaments par jour, dont une bonne part à des fins préventives, dans le cadre d’un milliard de prescriptions annuelles…