Débat Ferrara-Macron : les féministes, le président et le porno

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A la télévision, Macron a caressé les féministes dans le sens du poil en dénonçant tout ce qui humilie les femmes, notamment le porno. Indigné, l’acteur réalisateur X, Manuel Ferrara a invité le président à un débat sérieux sur un sujet qu’il « ne connaît pas ». Ouvrons ce sac de contradictions bien réjouissantes.
 
Pour la journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes, le président a voulu satisfaire les féministes. Il a annoncé un « combat culturel » pour libérer « la France malade du sexisme ». Sans hésiter à forcer le trait : « La France ne doit plus être un de ces pays où les femmes ont peur ». Il préconise notamment « l’éducation et le combat culturel en faveur de l’égalité » grâce à des « modules d’enseignement » dans toutes les écoles et un « renforcement de l’arsenal répressif ». On note avec satisfaction que le président et l’État sont capables de fermeté lorsqu’il s’agit de défendre « une grande cause ». Il a de même souhaité que soit fixée dans la loi une présomption de non consentement quand un adulte prétend coucher avec un mineur de moins de quinze ans. Voilà qui sonne comme la fin de la chienlit post-soixante-huitarde.
 

Le président Macron satisfait les féministes

 
Cependant, s’il fut vivement applaudi, Macron a fait deux types de mécontents. D’abord les féministes, pour qui on n’en fait jamais assez, toujours plus maximalistes par nature. Sans doute conscient du ridicule contreproductif des excès de la campagne Balance ton porc dans l’opinion et de l’irritation croissante que suscite en France la pruderie imitée du modèle américain, le président a fait cette concession au bon sens : « Je ne veux pas que nous tombions dans un quotidien de la délation ni que chaque rapport homme-femme soit suspect de domination, comme interdit ».
 
Que n’avait-il pas dit là, le malheureux. Aussitôt les réseaux féministes l’ont vivement « rappelé à l’ordre », pour reprendre le vocabulaire du garde-chiourme en chef Libération. Ils ont raison : le totalitarisme participatif a besoin d’yeux et d’oreilles qui « signalent » des « contenus » et des comportements « inappropriés » : si on nomme ce mécanisme par son nom, délation, alors on supprime son aspect bénin, on le fait voir pour ce qu’il est derrière les euphémismes, et on empêche en fait la police de la pensée de s’exercer.
 

Le porno prolifère à l’école

 
Le deuxième faux pas d’Emmanuel Macron n’en est pas moins grave. Tout à ses bonnes intentions féministes, et pénétré du devoir d’éduquer les jeunes au respect de la femme, ce qui est en soi, sans ironie, une excellente chose, il a déploré que « la pornographie (ait) franchi la porte des établissements scolaires ». Avant d’ajouter : « Nous ne pouvons ignorer ce genre qui fait de la femme un objet d’humiliation ». Un récent sondage révèle en effet que 14 % des 11-12 ans et 51 % des 15-17 ans ont vu au moins un film porno et 45 % des adolescents estiment que « Le porno a contribué à leur apprentissage de la sexualité ». Emmanuel Macron, après son allocution télévisée, estimait donc avoir à la fois fait œuvre de salubrité publique et marqué un point politique. Mais on ne saurait contenter tout le monde et son père, et l’acteur réalisateur porno Manuel Ferrara s’est vertueusement indigné. Il veut un débat sur la question.
 

Bras de fer entre les deux Manu : Ferrara défie Macron

 
Avec le président, il est « prêt à discuter d’un sujet qu’a priori » celui-ci « ne connaît pas ». Pour Ferrara, la « phrase d’Emmanuel Macron est choquante. Il dit ce que les gens veulent entendre. Il diabolise l’industrie du porno et fait des amalgames. Ce n’est pas parce que le porno existe que les adolescents vont avoir une image dégradée de la femme. Pourquoi il ne discute pas avec les femmes de l’industrie pornographique pour leur demander ce qu’elles en pensent ? » Oui, pourquoi ? Et d’expliquer qu’il y a plusieurs niches dans le chenil du porno, et qu’à côté des femmes humiliées on trouve aussi des hommes fouettés. Ce garçon dit cela avec toute la naïveté, sans penser qu’hommes et femmes sont humiliés les uns et les autres dans toutes les « niches » du porno. Et il s’indigne : « Dans tous les cas, attention : on ne fait pas de films éducatifs, on fait du divertissement. On ne prétend pas dire que ce qui est dans les films représente la réalité. On ne dit pas aux gens que c’est ce qu’il faut faire » C’est d’ailleurs la principale différence entre le porno commercial et les films militants du planning familial que diffuse parfois complaisamment l’Éducation nationale.
 

Porno, qui est responsable ? Les parents, les médias, l’école ?

 
En outre Manuel Ferrara, qui se veut tout aussi moral qu’Emmanuel Macron et les féministes, tient à dégager la responsabilité de l’industrie du porno pour désigner le « vrai problème ». Selon lui, « c’est l’accès à tous ces sites de porno gratuits, où il suffit de cocher “j’ai 18 ans” pour y accéder. C’est aussi simple qu’un clic. Là, le gouvernement devrait agir ». Dans d’autres pays d’Europe, les sites gratuits ne sont pas aussi facilement accessibles. Enfin, Ferrara souligne la responsabilité fondamentale des parents : « Moi je suis père de famille et je fais en sorte que mes enfants n’aient accès à aucune pornographie. Je bloque tout sur les ordinateurs, téléphones et tablettes. Peut-être aussi que ces objets n’ont pas besoin d’être emmenés à l’école. ». C’est extraordinaire : ce marchand de porno donne ici une leçon de bon sens et de civisme, tant aux médias qu’aux familles et à l’Éducation nationale !
 

Les féministes et les porno-agents de la révolution mondiale

 
Il situe le problème au bon niveau. Dans une société qui se veut entièrement libre, entendons permissive et ouverte, notamment à toute licence, le seul niveau de régulation envisageable et légitime est celui de la famille, de l’éducation. En même temps, par le côté dérisoire de la controverse, il met en lumière les contradictions de cette société, qui se trouve obligé d’imaginer des politiques pour combattre les folies qu’elle engendre : en d’autres mots, la société permissive finit obligatoirement en tyrannie, on passe de la licence à la « délation » que déplore Macron. Et c’est dans ces contradictions que se débat le président.
 
Depuis l’affaire Weinstein on assiste à une campagne planétaire des féministes et de leurs complices en vue de faire la révolution « anti sexiste », qui entre en résonance avec la révolution « antiraciste ». Macron se coule volontiers dans ce moule qui mondialiste. En même temps, les représentants attardés de la Révolution par la libération sexuelle se trouvent pris en porte à faux. Et la présence de l’islam complique tout, puisqu’il est à la fois, par son rigorisme, contre la révolution sexuelle et les homosexuels, et par son machisme contre le féminisme et les féministes. Et en même temps il y a une convergence d’intérêts immédiats entre la tartufferie islamique, le moralisme yankee et les injonctions féministes. Ce puritanisme partagé ne masquera pas longtemps cependant l’animosité profonde qui les oppose. Et Macron finira écartelé.
 

Pauline Mille