Prêts hypothécaires immobiliers à hauts risques : la braderie des subprimes recommence, bombe financière

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Dix années après la faillite de Lehman Brothers, des produits financiers au moins aussi incendiaires que ceux qui mirent le feu aux géants bancaires infestent de nouveau la sphère monétaire. Lehman Brothers, rappelons-nous, avait accumulé des montagnes de prêts hypothécaires immobiliers à hauts risques, les « subprime loans », bombe financière noyée par le moyen de la titrisation dans des produits complexes eux-mêmes censés diluer le risque élevé que revêtaient ces prêts. Un retournement du marché immobilier avait rendu les propriétaires des classes laborieuses, qui avaient été poussés à l’achat sur le dos des banques par la politique démagogique de Bill Clinton, incapables d’honorer leurs dettes même après la revente – à la baisse – de leur maison. Cette réaction en chaîne entraîna l’effondrement des institutions financières exposées au marché immobilier, la titrisation ayant infesté l’ensemble du système de prêts pourris, jusqu’à engendrer la pire faillite de l’histoire des Etats-Unis.
 

Retour des titres assis sur des prêts hypothécaires à hauts risques malgré la bulle du marché immobilier

 
Or ce type de titres assis sur des prêts hypothécaires attire de nouveau les investisseurs. Pourtant, certains experts estiment que le marché immobilier constitue aujourd’hui « une bulle sur la bulle », en d’autres termes que l’immobilier est intrinsèquement surévalué sur fond d’hypertrophie des masses monétaires en circulation. Belmont Green, société spécialiste en crédit hypothécaire à hauts risques, a vendu pour plus d’un milliard de livres sterling (1,125 milliard d’euros) de ces titres à des investisseurs avides de rendements élevés et risqués sur l’immobilier.
 
Parmi les artisans de ce retour en force, relève Anna Isaac dans le Daily Telegraph, Adam Applegarth et Lesley Sewell, d’anciens patrons de la Northern Rock, banque britannique qui dut être nationalisée en février 2008 au début de la crise des subprimes. Guy Batchelor, relève-t-elle aussi, ancien premier vice-président du département européen des prêts hypothécaires chez Lehman Brothers, est revenu aujourd’hui directeur des ventes et du marketing chez Vida Homeloans, le nom commercial de Belmont Green, contrôlé par la firme américaine de capital-investissement Pine Brook.
 
Ces organismes de crédit vendent des produits via des courtiers, avec des ratios hypothécaires, soit le rapport de la valeur du prêt par rapport celle du bien acquis, de 90 % pour des primo-accédants : une folie. « La plupart du temps, les établissements prêteurs ne souhaitent pas dépasser 80 % de la valeur du bien », note la société française FidelisCourtiers, a fortiori pour des acheteurs dont c’est la première acquisition, par définition les moins solvables.
 

Vida Homeloans vend des prêts hypothécaires avec paiement différé du principal, une bombe

 
Sur son site, Vida Homeloans se vante de proposer des prêts hypothécaires modernes pour « des emprunteurs susceptibles de ne pas remplir les critères exigés par les grandes banques », parmi lesquels des personnes « responsables d’impayés ». Vida Homeloans propose aussi des prêts hypothécaires à remboursement différé du principal, permettant à l’emprunteur de ne payer dans un premier temps que les intérêts et renvoyant à plus tard, voire en fin de période, le début du remboursement du crédit proprement dit, une bombe pour les ménages fragiles. L’Autorité financière britannique (FCA) a sévèrement mis en garde contre ce type de produit qui peut entraîner la saisie du bien. En 2013, elle avait établi que près de la moitié des emprunteurs étaient susceptibles de ne pas pouvoir rembourser in fine le principal de ce type de crédit. Or cette bombe pour les ménages fragiles est aussi bombe pour le système financier.
 
Les investisseurs achètent de plus en plus d’obligations assises sur ces prêts, attirés par leurs meilleurs rendements. Ces produits offrent en effet des taux d’intérêts variables, devenant plus intéressants que les taux servis par les titres émis par la Réserve fédérale américaine.
 

Ruée sur ces obligations pourries – les subprimes et leurs hauts rendements – bombe financière

 
Moody’s Investors Services relève que la demande de ces titres à hauts risques et hauts rendements dépasse l’offre, les investisseurs semblant à l’évidence prêts à accepter la garantie réduite du capital donnée par ce type « d’obligations pourries » contre un rendement élevé. Quelque 80 % des titres dont la note est inférieure à celle « d’investissement possible » sont considérées comme des investissements à statut très précaire, soit trois fois le niveau atteint en 2006-2007 ; une bombe financière. De quoi faire dire aux experts que le secteur financier demeure « fragile », ironise Anna Isaac.
 
Cela n’empêche pas le PDG de Belmont Green, David Tweedy, de vanter sa société, qui « permet à un vaste éventail de consommateurs d’emprunter alors qu’ils sont marginalisés par les institutions financières classiques et cela pour toute une série de raisons ». Jusqu’au jour où, incapables de rembourser leurs prêts, ces emprunteurs se retrouveront à la rue tandis que les prêteurs auront perdu leur mise. Alors, de nouveau, plus personne ne voudra plus prêter à personne et l’économie, assise sur la dette, vacillera à nouveau.
 

Matthieu Lenoir