C’est une énième révolution dans le monde de l’oncologie. Vient d’être présenté au plus grand Congrès mondial sur la cancérologie, à Chicago, un nouvel examen sanguin (prise de sang) qui pourrait détecter avec précision plusieurs types de cancers, des années avant que les symptômes n’apparaissent. Cette détection modifierait évidemment considérablement les traitements et leur chance de succès.
Certains parlent d’une diminution de la mortalité par cancer de près de la moitié.
La détection des affections de stade précoce serait possible avant tout symptôme
Réuni à l’initiative de l’American Society of Clinical Oncology (ASCO), le Congrès termine aujourd’hui son cinquième jour de réunion. Beaucoup d’innovations et d’avancées ont déjà pu y être appréciées (la France était d’ailleurs à l’honneur avec deux études sur les quatre majeures retenues par le comité scientifique) : des nouveautés sur le cancer de la prostate et du sein, des projets de séquençage du code génétique des tumeurs, l’utilisation de nanoparticules pour démultiplier localement les effets de la radiothérapie…
Un test sanguin très avant-gardiste a dévoilé également ses premiers résultats. Il fait le pari de détecter les tumeurs dix ans avant toute apparition de symptôme.
En effet, toutes les cellules du corps libèrent des informations dans le flux sanguin par la sécrétion ou au fur à à mesure qu’elles meurent. Les tumeurs cancéreuses n’y font pas défaut et libèrent aussi dans le sang leur ADN, qu’on qualifie de « tumoral circulant », bien avant que le cancer ne soit déclaré. C’est l’interception de cet ADN par biopsie liquide (prise de sang et étude sophistiquée) et l’analyse de son code génétique qui pourront indiquer où sont localisées les tumeurs et à quel point le cancer s’est propagé.
Lire les types de cancers dans le sang
Il serait ainsi possible de réduire de près de moitié le taux de mortalité par cancer, 45 % selon un éminent professeur américain. Les tests seraient particulièrement bénéfiques pour ceux qui ont les formes les plus mortelles de cancer, y compris des poumons, du pancréas et des ovaires, qui sont généralement diagnostiquées tardivement.
Des chercheurs du Memorial Sloan Kettering Cancer Center à New York ont testé 161 patients déjà diagnostiqués avec un cancer du sein, du poumon ou de la prostate pour voir si cela pouvait détecter avec précision l’ADN tumoral dans leur sang. Les résultats présentés lors du Congrès ont montré que le test pouvait identifier le type de tumeur dans près de 90 % des cas – taux quasi parfait même pour le cancer du sein. Des résultats très « prometteurs » selon l’auteur de l’étude pour qui « c’est également une étape importante dans le processus de développement d’analyses de sang pour la détection précoce du cancer ».
Un essai distinct a été mené en Australie sur le cancer du pancréas notoirement difficile à diagnostiquer : le test détectait avec précision l’affection dans 55,5% des cas.
La prochaine étape consiste donc à améliorer la précision afin que le test puisse cibler la grande majorité des tumeurs – la suite est aussi un véritable défi.
Gates et Bezos à la pointe de la médecine préventive
« L’impact potentiel de la prévention – diagnostic précoce, dépistage – est énorme » a déclaré le professeur australien Peter Gibbs.
C’est l’entreprise américaine « Grail » qui va travailler à obtenir un test sur le marché, dès 2019. Une entreprise soutenue à hauteur de 90 millions d’euros par deux géants, à savoir Bill Gates (Microsoft) et Jeff Bezos (Amazon)…
L’objectif final est de l’offrir aux patients en plus de leurs contrôles de routine, comme celui de leur tension artérielle, de leur glycémie ou de leur taux de cholestérol… Dans un premier temps aux patients à risque, ensuite au reste de la population. Un test parmi d’autres dans un cadre de bilan de santé annuel. Si des tumeurs étaient identifiées, les patients subiraient d’autres analyses pour confirmer leur présence – étant donné leur petitesse, elles pourraient ensuite être éliminées directement par une intervention chirurgicale.
Si les tests de biopsie liquide coûtent encore environ 1.715€ par unité, ils devraient redescendre à 178€. A l’heure où les prix des immunothérapies et thérapies dites ciblées explosent et où le nombre de nouveaux cas de cancers augmentent de manière considérable (avec les maladies cardiovasculaires, c’est la principale cause de mortalité en Europe), la question est capitale.