Le Parti travailliste de Norvège, majoritaire au Parlement, envisage de soutenir l’introduction d’un troisième genre dans les papiers administratifs et officiels – il n’y aura plus besoin de se définir comme homme ou femme. Et pour ce faire, un pronom personnel neutre fera l’affaire, volé à la voisine, la Suède qui l’avait inventé pour une même occasion… Le troisième sexe serait l’absence de sexe ?
Plutôt les deux sexes ensemble.
Le pronom neutre suédois sexospécifique : « hen »
C’est le projet de programme 2017-2021 du Parti travailliste qui le stipule : le parti « envisagera l’introduction d’une troisième catégorie de genre ». Afin que les Norvégiens n’aient plus besoin de se définir comme homme ou femme dans leurs passeports et autres documents officiels. Le parti social-libéral Venstre avait déjà tenté l’affaire, en avril 2016.
Plus qu’une case administrative, c’est la langue originelle que le Parti travailliste veut révolutionner avec l’introduction d’un pronom neutre. Seulement, comme il n’existe pas en Norvège, il faut en dénicher un !
Mani Hussaini, membre du Comité du travail et également chargé de la branche jeunesse de la formation politique, propose de l’emprunter à leur très engagée voisine, la Suède, qui a adopté, en avril 2015, le pronom neutre sexospécifique « hen »… un pronom qui désigne une personne, sans renvoyer ni à un homme ni à une femme.
A côté de « han » (il) et « hun » (elle), il pourrait donc y avoir cet inédit « hen » qui permettrait à toutes les personnes, selon les mots d’Hussaini, « de vivre leur identité : la loi doit s’adapter à la réalité plutôt que l’inverse ».
Le troisième sexe promu en Norvège
La marché forcée pour imposer à la langue une réalité extra minoritaire et hors-norme… La démarche est bien sûr hautement progressiste et éminemment révolutionnaire.
Il suffit d’examiner la création et l’imposition du pronom « hen » en Suède. Il a été inventé dans les années 1960, en adaptant le pronom neutre « hän » qui existait dans la langue finlandaise voisine – encore un emprunt linguistique. Par qui ? Des féministes qui voulaient promouvoir l’égalité des genres en évitant le parallèle récurrent « il ou elle ». En 2000, c’est la communauté transgenre, les militants de la cause transsexuelle, qui s’en sont ré-emparés.
Avec davantage de succès, puisqu’en 2012, un auteur de livres pour enfants publiait « Kivi och Monsterhund » (Kivi et le chien Monster), un livre qui n’utilisait que ce pronom pour désigner ses personnages – sans compter qu’il remplaçait les mammor et pappor (mamans et papas) par mappor et pammor… et on prétend que ce n’est pas engagé ! En septembre de la même année, le Parti Vert l’utilisait dans tout son programme. L’Académie suédoise cédait en 2015 et l’incluait dans son dictionnaire officiel.
Le genre « neutre » existait en latin ? Oui : pour les temples et les pommes
Si le projet est loin d’être entériné en Norvège, il est en fort bonne voie. D’autres pays ont adopté une troisième case sur leurs papiers d’identité, comme l’Australie, en 2014, qui entérine un genre « non spécifique » ou l’Inde qui inclut, en 2013, l’existence d’un « troisième genre » (pour satisfaire ses uniques et ses transgenres) ou encore la Nouvelle-Zélande, le Népal… L’Allemagne et la Suisse ont, elles aussi, leur troisième case, mais elle est réservée aux personnes nées avec une ambiguïté physique sur leur identité sexuelle.
La « troisième position » est un enjeu idéologique : la neutralité est l’étape d’après l’égalité. Et on gage que la Norvège qui est le troisième pays dans le classement du Forum Economique Mondial sur l’égalité entre les sexes, y arrivera. Les pays du Nord donnent clairement le la, en la matière.
Petite précision : le site « sos-transphobie.org » se gargarise de ce que les langues grecques et latines ont toujours contenu un pronom neutre. Sauf que le bon sens d’alors était tout autre : ce neutre était strictement réservé aux choses inanimées, c’est-à-dire aux lieux, aux objets ou aux institutions…. Il faudrait aussi leur faire remarquer que le mot « hen », en anglais, signifie « une poule ».
Alors « temple » ou « poule » ?
Clémentine Jallais