La prophétie de Gramsci sur l’Eglise et le modernisme

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Intéressant article de Jorge Soley sur le site hispanophone Infocatólica à l’heure où le marxisme culturel a envahi notre monde : il rend compte de sa lecture d’un livre d’Augusto del Noce, Gramsci o el suicidio de la révolución, qui constate notamment que la « sécularisation » de l’Italie s’est accomplie « au terme de trente ans de gouvernement par le parti des catholiques ». L’engloutissement de la pensée et de la morale catholiques n’aurait-elle pas été facilitée par l’Eglise catholique elle-même ? Gramsci, qui s’intéressait de près à celle-ci, avait sa théorie, lui qui a classé les catholiques de son temps selon les trois « directions » qu’ils prenaient, et dont l’analyse a quelque chose d’une prophétie fort éclairante.

Voici comment Soley présente la chose :

 

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Une prophétie de Gramsci sur l’Eglise et le monde moderne

 

J’ai été frappé par ce que Gramsci écrit, et que j’avoue ignorer, dans le onzième cahier, lorsqu’il traite de l’Eglise catholique. Il y indique l’existence de trois directions parmi les catholiques : ceux qui affrontent le monde moderne (qu’il appelle les intégristes), ceux qui optent pour le « compromis et l’équilibre » avec lui (que Gramsci appelle les jésuites) et ceux qui sont des agents de la modernité, même s’ils la camouflent (que Gramsci appelle les modernistes).

Quant à ceux qu’il qualifie de jésuites (une généralisation qui ne reflète pas la réalité : il y a des jésuites jésuites, certes, mais aussi des jésuites intégristes et des jésuites modernistes), Gramsci écrit que le point d’arrivée serait le même que celui des modernistes, mais « à un rythme si lent et si méthodique que les mutations ne sont pas perçues par la masse des simples, même si elles paraissent révolutionnaires et démagogiques aux intégristes ». Quant aux modernistes, Gramsci affirme que « le modernisme n’a pas créé des ordres religieux, mais un parti politique, la démocratie chrétienne ».

 

Le modernisme passe par les théologies politiques

Del Noce ajoute ce commentaire personnel : « On peut certainement admirer la capacité de Gramsci à prévoir l’avenir. La crise de l’Eglise – que personne n’avait prévue dans les années 1930 – s’est réellement produite, après 1960, sous la forme qu’il avait décrite. En ces temps troublés, le modernisme renaissait, et précisément sous la forme de la résolution de la religion en politique par le biais des diverses théologies “politiques”, de la révolution, de la libération, de la sécularisation, etc., et la crise a aussi fait réapparaître, en la mêlant au processus, la même ligne silencieuse de médiation et d’équilibre des jésuites. »

Au-delà de la terminologie utilisée, dont j’ai déjà souligné qu’elle était discutable, la réflexion de Gramsci met en lumière la question cruciale de la manière dont les chrétiens doivent agir dans un monde hostile. C’est là qu’apparaît l’éternelle tentation à laquelle l’Eglise est toujours confrontée : pactiser avec le monde, temporiser avec le monde, trouver une place dans le monde… bref, se rendre au monde (j’utilise ici le terme dans le sens où il apparaît dans l’Evangile comme l’un des ennemis de l’âme). Et le fait d’adopter un rythme plus lent ou un chemin plus tortueux ne résoudra rien quand cette décision fondamentale a déjà été prise.

C’est vrai pour les années 1930, pour les années 1960 et aussi pour aujourd’hui.

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En somme, tout ce qui dans l’Eglise ne s’appuie pas sur le maintien de ses dogmes et de son enseignement sert peu ou prou la révolution moderniste et son adhésion au « monde » ; et aboutit à une réduction de l’Eglise au politique et à la soumission de l’Eglise à la politique du jour.

On dit que Gramsci s’est converti sur son lit de mort, en embrassant une image pieuse de son enfance montrant la petite sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, qu’il avait toujours gardée. Trop tard pour qu’il rétracte ses écrits révolutionnaires, qui reposent justement sur l’infiltration de la société… et même de l’Eglise. La Russie répandra ses erreurs, disait la Vierge à Fatima – et pas seulement par le fer et le feu.

 

Jeanne Smits