Quels emplois l’IA va-t-elle épargner ?

quels emplois IA épargner
 

Parmi les craintes que suscite l’Intelligence artificielle (IA) figure en bonne place son incidence sur l’emploi et le marché du travail, qu’elle va bouleverser. Si le ministère du Travail n’en mesure pas l’incidence en France, en Grande Bretagne une enquête menée par HR Technologies UK révèle que 80 % des employeurs sont susceptibles d’utiliser l’IA. pour embaucher leur personnel, et l’institut Tony Blair estime à 275.000 le nombre d’emplois qu’elle peut supprimer annuellement, un chiffre qui pourrait se situer entre 1 et 3 millions en 2050. L’an passé, Elon Musk avait confié au premier britannique, alors Rishi Sunak : « Il viendra un moment où aucun emploi ne sera nécessaire – vous pouvez avoir un emploi si vous le souhaitez pour votre satisfaction personnelle. » On comprend que partout dans le monde, les syndicats manifestent leur inquiétude. Mais les plus inquiets sont les gens qui travaillent et ceux qui vont entrer sur le marché de l’emploi : quels secteurs l’IA va-t-elle épargner ?

 

Même si elle ne détruit pas l’emploi, l’IA va le chambouler

Le Forum économique mondial de Davos vient de publier un rapport sur la question. Quelques grandes données retiennent l’attention. Selon lui, dans le monde entier, l’IA va engendrer 170 millions de postes nouveaux et en supprimer 92, soit un gain net de 78 millions. Mais ce pronostic très optimiste s’accompagne cependant, à travers la révolution profonde de l’économie et de l’emploi que va provoquer l’IA, d’un hiatus croissant entre les compétences requises pour occuper ces postes et les compétences disponibles dans la réalité. Selon le Forum, 40 % des compétences requises sur le lieu de travail vont changer. Les deux tiers des employeurs (63 %) citent déjà cette inadéquation comme le principal obstacle à la croissance. La moitié des employeurs envisagent de réorienter leurs opérations et 77 % des entreprises cherchent la solution dans d’une formation supplémentaire de leurs employés, ce qui s’accompagnera, à cause de l’automatisation des procédés, d’une réduction des effectifs (41 % des employeurs pensent y recourir), quoique 50 % des employeurs pensent s’en sortir en déplaçant les employés des postes supprimés par l’IA vers d’autres postes de l’entreprise.

 

L’IA va épargner les spécialistes de l’IA, et quelques autres

Selon le Forum économique mondial, l’emploi va croître dans le domaine de l’IA, de la robotique, les spécialistes des Big Data, de l’apprentissage automatique les ingénieurs Fintech, les professionnels de l’IA, les développeurs de logiciels et d’applications. S’y ajoutent certains secteurs en croissance différenciée : au Nord vieillissant, la santé connaît un boom, dans le Sud plein d’enfants, l’éducation est une mine d’emploi. Dans l’ensemble, les travaux manuels, ouvriers agricoles, chauffeurs-livreurs, ouvriers du bâtiment marchent, alors que les emplois de bureau, saisie des données, guichets de la poste ou des banques, assistants administratifs ou même graphistes (menacés par l’IA générative) sont menacés. Il faut ajouter que l’ardente obligation de la transition énergétique maintient en progression artificielle les postes de spécialistes des véhicules autonomes et électriques, d’ingénieurs en environnement et d’ingénieurs en énergies renouvelables.

 

Une étude prévoit un boom des emplois de santé

Le métamoteur de recherche d’emploi Adzuna, fondé par des anciens de eBay, qui fournit des données au gouvernement britannique, a tenté d’affiner un peu ce tableau d’ensemble, en évaluant aussi les salaires moyens liés aux emplois et leur évolution, afin de dégager des tendances probables, en se fondant notamment sur des statistiques fournies par l’OCDE et Godman Sachs, le tout mis à jour à novembre 2024. Les professionnels de la santé spécialisés se classent parmi les postes les mieux payés et les mieux protégés de la marche de la technologie, selon les salaires annoncés sur Adzuna.

Le salaire moyen des chirurgiens était de 80.031 £ par an en novembre, contre 60.223 £ l’année dernière, soit une augmentation de 32,9 %. Les dentistes, psychologues et dermatologues sont également très bien classés, avec des salaires annoncés allant de 50.000 £ à 90.000 £.

 

Les emplois manuels seront épargnés

Sans surprise, le travail manuel était également considéré comme à l’abri de l’automatisation. Les emplois de cols bleus, notamment les plombiers (salaire moyen de 42.012 £), les couvreurs (38.662 £) et les poseurs de planchers (35.829 £), dominaient la liste. Les contrôleurs antiparasitaires, les grutiers et les charpentiers se sont également classés en bonne place. D’autres postes de soins de santé, notamment les infirmières et les sage-femmes, sont considérés comme à l’abri de l’IA, bien qu’avec des salaires inférieurs, tout comme les coiffeurs, les professeurs de yoga et les sauveteurs. Le salaire des ambulanciers paramédicaux a diminué de 35,2 %, passant de 62.880 £ à 40.575 £.

 

Psys, juges et politiciens les grands profiteurs de l’IA

L’étude a également répertorié 130 postes vacants pour des postes de conservateur de musée en décembre – et le salaire moyen a augmenté de 15,1 % sur un an, passant de 37.394 £ à 43.352 £. Les postes de psychothérapeutes sont eux aussi en augmentation, parce que le professionnel doit « généralement faire l’expérience et faire preuve de compassion, d’empathie et reconnaître les complexités de l’être humain ». D’une manière générale, les emplois exigeant un raisonnement subjectif, notamment ceux de juge et de politicien, ont été jugés à l’abri de la révolution de l’IA. Ce qui dessine un paysage de l’emploi en trois segments : les spécialistes de l’IA et assimilés, les manuels, et les manieurs de verbe souverains, juges ou politiciens. Une nouvelle tripartition.

 

Pauline Mille