Lors d’un récent match de football, le public russe aurait salué de « cris de singe » deux joueurs noirs de l’équipe de France. Contre le « racisme » des supporters russes, des Noirs exigent que l’entraîneur de l’équipe d’Angleterre prenne un adjoint noir. Le paradoxe de l’antiracisme est qu’il est raciste.
On le sait, mais on ne le dit pas, les événements sportifs, ceux qui touchent au football en particulier, pèsent plus dans l’édification morale et politique des peuples que les réunions du G20 ou les guerres au Proche-Orient. La coupe du monde de football aura lieu cette année en Russie, la patrie de Poutine, et l’Occident, mécontent qu’un ancien agent double des services russes ait été empoisonné en Angleterre, surveille avec une extrême vigilance ce qui se passe sur le sol russe, cherchant le moindre pou sur la tête pourtant peu chevelue du méchant président russe, dans l’espoir, peut-être, d’y trouver un prétexte pour boycotter la compétition.
Le Football est un temple où racisme et antiracisme s’affrontent
Or, ne voilà-t-il pas que l’équipe de France, toute à sa préparation, vient de rencontrer son homologue russe à Saint Pétersbourg dans un match que l’on dit amical, mais où tous les coups sont bons – y compris chez les spectateurs, qui ne se privent pas d’émettre injures et bruits divers afin de gêner les joueurs de l’équipe qui n’est pas la leur. La morale mondiale proscrit le patriotisme mais encourage, comme exutoire, le chauvinisme braillard des stades. A condition que du racisme ne s’y mêle pas. Lors de l’ouverture du Mondial à Rio voilà quatre ans, les capitaines des équipe d’Allemagne et de France s’étaient partagé un vertueux couplet pour inciter tous les gars du monde à lutter contre le racisme dans le football. Or, hélas, des cris de singe auraient été proférés par le public russe lors de Russie-France, contre deux joueurs noirs de l’équipe de France, Ousmane Dembélé et Paul Pogba.
Les dessous du tribunal qui juge le racisme russe
Il est intéressant de suivre de bout en bout le processus par lequel on est au courant de la chose et ce à quoi il mène. A la vérité, cela ressemble plus à un procès d’assises qu’à un match de football. D’abord, c’est par un journaliste de l’AFP que l’on a su que des cris de singe auraient été lancés contre Dembélé lors du tirs de deux corners (coups de coin, en belge et québécois). Ce n’est pas anodin : les médias sont commis au soin de dénoncer, ils occupent la charge de chien de garde. Des internautes aussitôt saisis ont estimé, eux, qu’à la 73ème minute, Pogba aurait eu lui aussi sa ration de cris de singe. Les geeks remplissent ainsi la fonction de témoins de l’accusation. Nous autres, cochons de payants et d’électeurs, dont l’élite active s’époumone sur les forums en arguments et contre arguments (« C’est pas grave, c’est juste pour déstabiliser », « C’est pas la même chose, le racisme c’est beaucoup plus grave », etc.) sommes le jury populaire. Quant aux politiques, en général aux officiels, ils sont à la fois procureurs et juges, en toute sérénité.
Poutine le Russe participe à l’empire antiraciste mondial
Ainsi notre ministre des sports, Laura Flessel, n’a-t-elle pas pris de gants, sans attendre le résultat des enquêtes qu’on promises la Fédération russe de football et la FIFA, pour dénoncer le public russe et lui prédire les sanctions les plus graves : « Le racisme n’a pas sa place sur les terrains de football. Nous devons agir de concert au niveau européen et international afin de faire cesser ces comportements inadmissibles ». Le droit d’ingérence s’étend au football, et il s’applique à toute la terre.
Des associations spécialisées dans la délation du racisme agissent sans frontière pour l’y aider. Le réseau Fare a ainsi relevé en Russie 89 incidents liés au racisme rien que dans la saison 2016/2017. Récemment, des chants racistes auraient été entonnés par les supporters du Spartak contre le gardien brésilien du Lokomotiv de Moscou. La fédération russe a lancé un « dernier avertissement » au Spartak, non sans suspendre une partie de son public, comme cela s’est fait naguère au PSG. Le fait devrait éclairer les esprits exagérément optimistes qui voient en Poutine un môle de résistance contre les avancées de la révolution mondialiste : les Russes aussi considèrent le « racisme » comme le pire des crimes, et se font une urgence de le combattre.
Paradoxe : le mondialisme a sa charia, qui confond moral et légal
La seule différence, en l’espèce, est dans l’appréciation des faits. Le sélectionneur russe Stanislav Cherchesov estime qu’il n’existe pas en Russie de « racisme sur une échelle qui doit être combattue » (la phrase étonne dans la langue de Malherbe, mais elle a été dite en russe à un journaliste brésilien, puis retranscrite en anglais avant d’être traduite en français). Pour lui, les cris de singe entendus ont été poussés par des « hooligans » minoritaires, « et comme dans les autres pays, ces gens seront punis ».
Ainsi la Russie de Poutine, quels que soient les griefs que les gouvernement occidentaux relèvent contre elle et les espoirs qu’elle engendre chez certains dissidents naïfs, prend-elle part au consensus antiraciste. Elle partage la charia mondialiste, qui nie toute séparation entre règle morale et règle légale : les prescriptions de la nouvelle religion doivent régler la vie civile, y compris et peut-être surtout sur les pelouses de football.
Le bon vieux sophisme exterminateur de l’antiracisme
Le lecteur aura noté, bien sûr, que le « racisme » dont on parle n’est pas défini, ce qui rend si dangereuse la phrase apparemment anodine selon laquelle « le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit ». Elle serait juste, si l’on donnait une définition légale du racisme acceptée par tous et qui se fonde sur des faits graves et délictueux : sinon, c’est un sophisme qui joue sur les mots pour condamner une opinion qui vous déplaît, c’est une espèce d’ectoplasme juridico-politique qui peut s’enfler sans limite et menacer tout un chacun, nous rendre vous et moi suspects d’un instant à l’autre.
En l’espèce, un « cri de singe » (comment reconnaît-on un « cri de singe » ? Dispense-t-on, à l’AFP, des cours de « cri de singe » ?) est-il « raciste » ? Qui le dit ? Comment le prouve-t-on ? Pourquoi un ministre agit-il à ce sujet sans attendre l’enquête ? Il y a là une espèce de folie mondiale qui rappelle les divagations emportées que suscitent les guerres, cette espèce d’enthousiasme général dans l’erreur.
Les joueurs noirs d’Angleterre en pointe contre le racisme
J’en veux pour preuve le paradoxe stupide que nous offre l’Angleterre, en matière de football elle aussi. Le pays est en pointe dans « lutte contre le racisme » des stades. Certains joueurs noirs, harcèlent les arbitres, et, s’estimant lésés par des « injures racistes », s’en autorisent pour quitter le terrain, ce que le règlement interdit, et qui agace à juste titre arbitres et entraîneurs, car cela provoque un déséquilibre immédiat entre les équipes. Pourtant, le chef gauchiste du parti travailliste, Jeremy Corbin, les y encourage, spécialement à l’approche de la coupe du monde en Russie : « Je soutiendrai tout joueur qui quitterait le terrain pour dire : je ne suis pas prêt à tolérer cette injure ».
Cette phraséologie ne s’appuie sur aucun fait, mais l’Angleterre la justifie par la peur « d’injures ou d’agressions racistes potentielles » en Russie « pays connu pour ces problèmes ».
En Angleterre, un entraineur noir pour les joueurs noirs ?
Au-delà du banal procès d’intention, élément ordinaire de pareilles campagnes d’opinion, la caractéristique du mouvement actuel en Angleterre, le paradoxe pour tout dire, est de prétendre conjurer un racisme russe supposé par un acte ouvertement raciste. En effet, le sélectionneur (blanc) de l’équipe d’Angleterre vient d’être accusé de « manquement au devoir » pour ne pas avoir associé d’entraîneur noir à son action.
Garth Crooks, grand ponte du football anglais, qui, après avoir été joueur, a dirigé pendant dix ans la fédération anglaise, a représenté l’Angleterre dans les institutions internationales et a son fauteuil à la BBC, a parlé d’une « monumentale erreur de jugement du sélectionneur anglais ». Pourquoi ? Parce que selon lui, face au racisme russe, les joueurs noirs de l’équipe d’Angleterre ont besoin d’un entraineur noir pour les comprendre et les soutenir : « Si Gareth Southgate n’engage pas un Chris Powell ou un Chris Ramsey (noirs) en Russie et que nos joueurs noirs sont soumis à des injures raciales, il aura manqué à son devoir ». Cela implique que seul un Noir peut aider un Noir victime de racisme.
L’antiracisme nie l’existence des races, puis il combat le racisme, et seuls les Noirs peuvent le faire efficacement. Goebbels avait raison : plus c’est gros, mieux ça passe.