Un rapport du grand patronat français qui devait être présenté au public mercredi prochain a été « fuité » vers Les Echos qui en ont fait l’information principale du week-end : le MEDEF entend créer un million d’emplois en levant des freins à l’embauche. Durée de travail, salaire minimum allégé, suppression de jours fériés, ouvertures dominicales : les « propositions-choc » ne sont pas neuves. Ce qui l’est, c’est leur accumulation et leur violence. Que le MEDEF ose les publier en bloc vient conforter l’idée que le gouvernement Valls 2 est prêt à tout pour s’entendre avec les créateurs d’emplois, au risque de désespérer Boulogne-Billancourt.
Mais quelle que soit l’issue du mélodrame, on n’aboutira pas à une sortie du socialisme.
Le rapport, intitulé Comment relancer la dynamique de création d’emplois en France ?, peut apparaître comme la patate chaude qui achèvera de réduire à néant la popularité de François Hollande et des siens. Mais il pourra aussi servir de repoussoir, donnant à Manuel Valls, à l’occasion du vote de confiance mardi, une occasion de se repositionner par rapport à un électorat horrifié par l’état du PS. Avec des points gagnés pour l’approche visiblement socialiste.
Le socialisme n’est pas leur ennemi
Mais si, au nom de la relance de l’emploi, on se mettait à suivre les propositions de l’organisation de Pierre Gattaz ? Eh bien, on serait encore dans le dirigisme, on n’en aurait pas fini avec le principe de l’Etat-nounou, les besoins du budget ne s’allégeraient pas et pourrait même s’accroître si l’Etat devait compenser – comme l’espère le MEDEF – la baisse du SMIC pour certaines catégories de travailleurs. Dans cet ensemble, ce sont les libertés individuelles qui manquent le plus, tant il est vrai que le grand capital ne s’accommode pas si mal d’un environnement socialiste – voyez la Chine.
La teneur du rapport du MEDEF semble plus abrupte que celle d’un rapport similaire commandé par Nicolas Sarkozy à Jacques Attali dont les 300 décisions pour changer la France imaginées en 2008 dans le cadre de la commission pour la libération de la croissance française ont eu la fortune que l’on sait. Plus de six ans plus tard, c’est encore la déprime ; jamais le chômage n’a été aussi élevé ni le contexte économique plus morose.
Dans une économie fortement dirigée et lourdement taxée comme celle de la France, on peut en effet faire des constats et demander des solutions, bonnes ou mauvaises, de bon sens ou teintées d’idéologie : les patrons, dans ce domaine, savent ce qui les empêche d’embaucher et les désigner systématiquement du doigt parce qu’ils réclament une manière d’en sortir serait absurde. Leurs tentatives de remettre en cause les 35 heures ou de réduire le nombre des jours fériés – ils proposent d’en sacrifier deux – partent d’un point de vue exact : le travail n’est pas un bien qui se partage, c’est au contraire le dynamisme de l’entreprise qui en créant de la richesse permet de mieux partager celle-ci. Même une baisse du salaire minimum, en ce que celui-ci empêche les salariés de mettre le pied à l’étrier, peut – théoriquement du moins – faciliter à terme l’accès de chacun à un revenu décent.
Oublier le spirituel au nom de l’emploi
Mais les réponses le plus spectaculaires proposées par le MEDEF – ce sont celles-là qui ont été rendues publiques – passent à côté des besoins des hommes et surtout des familles en soumettant tout à la nécessité économique. La libéralisation du travail dominical contredit directement la nature et les besoins spirituels de l’homme qui, corps et âme, n’est pas fait pour la matière mais pour Dieu. Le refuser, c’est institutionnaliser l’idolâtrie de la richesse en même temps que de transformer l’être humain en bête de somme, rien de plus. Réduire le nombre de jours fériés ? Pourquoi pas – si ce n’est pas au prix des retrouvailles familiales rendues de plus en plus compliquées ; et seulement si cela n’aboutit pas à déchristianiser encore davantage la vie en société. Sur ce plan, il n’y a aucune garantie : le MEDEF comme d’autres associations d’employeurs font comme si la dimension spirituelle de l’homme n’existe pas. Ce n’est pas un gage de réussite.
Quant au salaire minimum révisé, on peut évidemment se réjouir si, d’une manière ou d’une autre, la charge du chômage est quelque peu allégée, fût-ce au moyen d’aides complémentaires mais moins lourdes versées par l’Etat. Mais là aussi il faut replacer les choses dans leur contexte : aujourd’hui, un SMIC – et même un SMIC multiplié par deux – ne permet nullement de fonder une famille ni encore moins d’exercer une liberté de choix quant au travail, ou non, de la mère de famille ; il ne permet pas de s’établir dignement dans la vie ni d’assurer l’éducation des enfants selon ses propres critères. La paupérisation des classes moyennes sous la pression de la mondialisation est là pour le prouver.
Donner un peu plus de souplesse aux employeurs ne permettra pas de guérir les tares profondes de la société marxisée, socialisée, éclatée. Ce n’est d’ailleurs pas le but.