Marine Le Pen : Front National, coulé, Rassemblement, raté

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Alors que le Front National est officiellement devenu Rassemblement National, Marine Le Pen essuie une rebuffade de Dupont-Aignan, auquel elle avait proposé liste commune aux Européennes. Et Jean Marie Le Pen l’accuse de trahison pour avoir coulé son mouvement. Analyse d’un fiasco.
 
Jusqu’à son débat face-à-face avec Emmanuel Macron pour la présidentielle, tout allait bien dans la tête de Marine Le Pen. Le résultat des dernières régionales et les sondages flatteurs semblaient lui donner raison d’avoir choisi la dédiabolisation, et une ligne politique de rassemblement ni droite ni gauche. Las, tout s’est grippé un soir, et depuis rien ne va plus. Philippot est parti. Dupont-Aignan, qui avait soutenu Marine au deuxième tour avec promesse d’être premier ministre si elle était élue, a quitté l’alliance, fort critique, et ne veut plus y rentrer.
 

Dupont Aignan n’a pas raté Marine Le Pen

 
Il est même carrément désagréable. Marine Le Pen lui ayant proposé de faire liste commune aux Européennes et de rédiger ensemble une charte de transformation de l’Union européenne, il a refusé très sèchement : «Sa proposition n’est pas du tout à la hauteur de l’enjeu historique qui est devant nous. Aujourd’hui, c’est non à la cuisine politicienne». Il entend « sortir du tête-à-tête » avec Marine Le Pen et proposer le projet qu’il est en train de rédiger à toutes les droites, Laurent Wauquiez compris. Et d’ajouter avec un petit air supérieur : « J’espère qu’elle aura travaillé de son côté, qu’elle aura clarifié sa position sur l’euro notamment ». Ce n’est pas très honnête, car lorsqu’il accepta d’être premier ministre au cas où, ils s’étaient mis d’accord sur l’euro, mais c’est efficace, car Marine Le Pen est fragile là-dessus, depuis son débat raté. C’est donc un discours d’ennemi avisé que Dupont Aigan tient vis-à-vis de Marine. Il travaille pour le rassemblement des droites, mais à son profit, malgré un rapport des forces qui lui est très défavorable sur le papier, estimant Wauquiez mal parti et Marine embourbée. Il juge le Front National en panne de doctrine et pense le moment venu de le vider de ce qui lui reste de force, ses électeurs.
 

Marine Le Pen a raté sa stratégie de rassemblement

 
Tactiquement, Marine Le Pen a deux problèmes : trouver une tête de liste pour les Européennes, car elle semble préférer, pour elle-même, la chambre des députés. Et se débarrasser de Dupont-Aignan, qui tire un avantage énorme de la présidentielle : il a accepté de faire alliance avec le Front National, rompant un tabou que l’immense majorité des électeurs de droite et du Front National et des droites souhaitaient voir rompre. Il jouit aujourd’hui d’une situation unique qui fait de l’ombre à Marine. Telle est la raison de la « main tendue » par Marine : elle ne pouvait ignorer qu’il préfèrerait faire cavalier seul et avoir ses propres élus, mais elle espère le faire passer pour diviseur en le forçant à refuser.
 
Stratégiquement, elle se trouve confrontée à une double limite, celle de sa compétence et celle de sa légitimité. La question de la compétence est tranchée : on sait depuis le débat raté qu’elle n’a pas assez lu, réfléchi, que sa culture et son expérience politiques sont insuffisantes, derrière une certaine aisance de bateleuse qui ce jour-là lui fit défaut. Mais on a vu des gens qui n’étaient pas des techniciens de la politique faire de grandes carrières, pour peu qu’ils répondent à un vrai besoin, avec une conviction et une volonté forte. De Gaulle en fut un exemple.
 

Comment Marine Le Pen a coulé le Front National

 
La question de la légitimité est, elle, primordiale, et c’est Jean-Marie Le Pen qui l’a posée. Marine Le Pen a obligé le Front National, à la suite d’une procédure discutable, à prendre le nom de Rassemblement National, pour parfaire sa politique de dédiabolisation. Elle envoie aux médias le message suivant : en changeant de nom, je finis de solder les comptes du Front National de papa et de ses fascistes, je dirige un parti moderne débarrassé de ses vieux démons, acceptez-moi dans le cercle de famille où se choisissent ceux qui gouvernent. Jean Marie Le Pen, lui, l’accuse de reniement, estimant que « Le honteux effacement de son identité est le coup le plus rude que le Front National ait jamais reçu depuis sa fondation ». Et il ajoute : « Seuls les adversaires et les concurrents tireront bénéfice de cette trahison ».
 

En acceptant l’invasion Marine perd toute légitimité nationale

 
Jean-Marie Le Pen aurait tort si le changement de nom était purement cosmétique, mais il est en réalité symbolique de la politique de dédiabolisation. Or celle-ci est, dans son principe, un leurre absurde. Les gens auprès desquels on souhaite se dédiaboliser sont ceux qui vous diabolisent : c’est se rendre à merci, se soumettre à leurs critères sans autre chance de réussir que de se conformer à leur volonté. Et c’est en fait ce qui est arrivé à Marine Le Pen. De dérive en dérive, elle en est venue l’autre soir chez Zemmour et Nauleau à déclarer que « L’immigration telle qu’elle est organisée aujourd’hui dans notre pays est irréversible ». Si ce morceau de Quign’aman sans beurre signifie quelque chose, c’est que les masses qui se sont installées chez nous depuis trente ans y resteront. Que les tenants mondialistes de l’invasion le souhaitent, pourquoi pas, mais Marine Le Pen perd toute légitimité à rester présidente du Front National Rassemblement National si elle l’accepte. Sans doute le fait-elle par un souci de réalisme mal compris, mais elle ajoute le ridicule à la trahison : dans le genre et en même temps chacun préfèrera Macron.
 

Le Pen, Wauquiez, Dupont Aignan, trois démagogues en quête de voix nationales

 
Dans les années soixante-dix et quatre-vingt, le Front National a conquis sa légitimité en désignant, seul et à temps, la menace que faisait peser sur la France et l’Europe, et sur l’Eglise, un déclin politique, moral et démographique qui appelait une immigration dont la masse en augmentant changea la nature pour la transformer en invasion. Il fallait de la lucidité pour le voir et du courage pour le dire, ce fut sa compétence. Avec l’abnégation d’une bernique sur son rocher, il répéta la chose trente ans, malgré les insultes et les agressions. Il n’ignorait pas, bien sûr, le mondialisme et l’un de ses outils, l’Europe de Bruxelles, ses aspects financiers et monétaires, mais parlait d’abord de l’essentiel : la question spirituelle et sa conséquence démographique, ethnique. C’était un message simple, fort, juste et clair. Et qui a fini par être entendu, ce qui explique les résultats, que Marine Le Pen attribue sottement à sa politique. Ce contresens lui a fait abandonner ce qui fondait son succès : elle fait maintenant partie, avec Dupont Aignan et Wauquiez, des démagogues sans réelle conviction qui cherchent à répondre à la demande populaire. Il n’est pas strictement impossible qu’elle l’emporte, mais pour quoi faire ?
 

Pauline Mille