Les Récits de la Bible

Récits Bible National Geographic
Collectif, Les Récits de la Bible, et ce qu’en dit l’Histoire, National Geographic Hors-Série, Décembre-Janvier 2015-2016, 130 pages, 6,90€.

 
En ce temps de Noël, il est toujours triste de constater à quel point la fête majeure de l’Incarnation du Christ est en apparence pour le monde un non-événement, particulièrement en France. Les affiches publicitaires se servent abondamment de l’image d’un néopaganisme fabriqué, à partir de saint Nicolas, du Père Noël et de ses rennes. Les panneaux d’affichage, ou mêmes les revues dans les kiosques, ne parlent jamais de la Nativité, ou du christianisme, ou alors sous le prisme antichrétien. Nous avons été positivement surpris cette année par la découverte d’un numéro hors-série d’une grande revue très connue, le National Geographic, d’origine américaine, ceci expliquant peut-être cela, traitant en décembre-janvier et donc à dessein sur la période de Noël, des Récits de la Bible.
 

Une curiosité, les Récits de la Bible dans les kiosques pour ce Noël 2015

 
Le titre complet indique une perspective, un angle de vue, qui peuvent inquiéter en France : Récits de la Bible, et ce qu’en dit l’Histoire. Les réflexes antichrétiens dominant en notre malheureux pays conduiraient, derrière un tel titre, à une énième entreprise dite de « démystification », c’est-à-dire de négation totale et explicite du caractère historique des épisodes célèbres de la Bible. Pour les moins agressifs de ces rationalistes étroits, la Bible serait au mieux un recueil tardif de fables orientales… Faut-il rappeler que, pour les chrétiens, le message du Salut, d’Abraham à Jésus, et même d’Adam à Jésus, s’inscrit dans une progression historique voulue par la Divine Providence ? Sans tomber dans un littéralisme pas toujours pertinent, il y a tout lieu de croire en la substance des récits historiques des Ecritures, y compris ceux de l’Ancien Testament, dès la Genèse. Le pape Pie XII l’a rappelé dans son encyclique Humani Generis en 1950.
 
Or, après une lecture attentive, nous avons constaté que l’esprit de ces Récits de la Bible, et ce qu’en dit l’Histoire est fondamentalement bon, et même chrétien. Une certaine volonté panchrétienne conduit tout au plus, ici ou là, à des formulations non catholiques, mais l’esprit général est indiscutablement bon, et permet de conseiller ce numéro à toute la famille.
 

Les récits de la Bible dans l’histoire

 
La démarche de ce numéro consiste à reprendre des extraits, bien connus en principe (mais cela n’est justement plus si évident), significatifs, et proposés en une traduction honnête, et à les illustrer de textes courts rappelant les contextes historiques de ces récits, tout en en proposant des illustrations pertinentes.
 
La démarche, sympathique, est de s’adresser au grand public, aux familles chrétiennes en particulier, voire aux grands enfants curieux à partir de 8-9 ans. Il s’agit de vulgarisation, et non de comptes-rendus de recherches universitaires de haut niveau. L’exercice se rapproche de celui de Bibles illustrées, ou plus exactement d’extraits de Bible. La revue se prêterait aussi volontiers à la préparation d’une visite en famille des salles d’assyriologie au Musée du Louvre.
 
La Tour de Babel est rapprochée à juste titre des ziggourats, gigantesques collines artificielles, couronnées de temples, de Mésopotamie antique.
 
Pour évoquer les personnages bibliques dont l’existence ne repose pas sur des attestations archéologiques incontestables, comme Josué, successeur de Moïse et conquérant de Canaan, sont proposés en illustration de beaux tableaux de l’art européen des XVIe au XIXe siècles, empreints d’une sensibilité artistique réelle. Là encore, le numéro peut donner des envies de découvrir certains peintres, de Breughel à Alma-Tadema. Des photographies des lieux bibliques en montrent l’état actuel, qu’il s’agisse de la Palestine ou de la vieille ville – vieille mais médiévale tout au plus… – de Jérusalem. Ces lieux soulignent l’enracinement du message chrétien, dans un sol, une histoire longue.
 
L’ensemble est très vivant, de qualité. Outre l’enracinement de l’Histoire Sainte, il offre une opportunité pour les adultes de réviser, pour les enfants de découvrir une histoire du Proche-Orient qui disparaît des programmes scolaires parce qu’elle risquait de rappeler les origines chrétiennes de l’Europe.
 

Un bon rappel d’une histoire essentielle oubliée ou occultée

 
Il ne s’agit pas ici d’une juxtaposition de scènes éclatées, même placées en un ordre chronologique, mais d’un véritable récit qui se tient, sur plus d’une centaine de pages. L’abondance des illustrations, riches et pertinentes, ne vient pas en troubler le déroulement, mais l’agrémenter. Le texte résume les récits historiques de la Bible. Dans un ouvrage de grande vulgarisation, on ne s’en plaindra pas, car cette histoire religieuse fondamentale est de moins en moins connue. D’Abraham à Joseph (- 2000 à – 1500), les Patriarches ont fondé le peuple hébreu. Moïse l’a conduit hors d’Egypte (- 1200). Josué et les Juges avec lui ont conquis, difficilement, Canaan (- 1100). Les rois Saül, David et Salomon ont gouverné un royaume hébraïque couvrant la Palestine et débordant sur les pays voisins (- 1000, – 900). Le royaume s’est alors divisé en deux.
 
Désormais affaibli, il a été détruit, par étapes, par les grands empires de la région, assyrien puis néobabylonien (- 900, – 586). La religion hébraïque s’est structurée sous l’occupation perse de tout le Proche-Orient (- VIe, – IVe siècles), d’ailleurs plus en Mésopotamie, dans les communautés judéennes locales, issues des déportations antérieures des néobabyloniens, qu’en Palestine. Enfin, la Judée a connu une renaissance religieuse et politique sous les Maccabées (du deuxième au premier siècle), avant de tomber sous la dynastie hérodienne (époque du Nouveau Testament) sous la domination indirecte, puis directe de Rome.
 
C’est dans le cadre de l’Empire romain que naît et se répand le christianisme.
 

La démarche du récit illustré

 
La démarche de cette revue est celle du récit illustré, non de la controverse scientifique. Mais dès l’époque d’Abraham au plus tard (- 2000), cette histoire ne comprend rien d’extraordinaire, ou d’incompatible avec les données archéologiques actuelles. Vouloir tordre une absence apparente de « preuve » pour en faire une preuve rationaliste de fausseté ne tient pas.
 
La région au sens large n’est plus vue dans la « Déséducation Nationale » qu’à travers le prisme de l’islam, et ses légendes pseudo historiques, d’essence religieuse, reproduites avec une absence de tout sens critique absolument renversante. Seuls les passages violents du Coran et des hagiographies islamiques de Mahomet sont censurés par le silence, dans un objectif évident de convenir à l’image tronquée d’une croyance par essence pacifique, qui est, notamment au regard de l’Histoire, un contre-sens absolu.
 
Les grands récits du Nouveau Testament, centrés sur le Christ, tirés des Evangiles, puis sur saint Paul, tirés des Actes des Apôtres, réussissent à présenter l’essentiel des messages. L’iconographie, riche et pertinente, alterne les photographies de découvertes archéologiques d’objets d’époque – et l’on est ému par exemple à la vision d’une barque du temps de Jésus –, de peintures médiévales, dont de magnifiques primitifs italiens, renaissantes et classiques, de photographies des sites dans leur état actuel, avec souvent des basiliques chrétiennes, ainsi que des cartes essentielles pour situer les lieux.
 

Quelques limites d’un esprit panchrétien

 
Si l’esprit général est indiscutablement bon, perce néanmoins une certaine volonté panchrétienne, c’est-à-dire d’union de tous les chrétiens sur un message minimal. Sans douter a priori de la bonne volonté de ceux qui travaillent dans cet esprit, d’un amour en soi bon de tous ceux qui se réclament du Christ, on en arrive ici ou là à des formulations non-catholiques.
 
Sur les premiers temps du christianisme (30-330), sont pratiquement mises sur un même plan les structures hiérarchiques du christianisme, c’est-à-dire l’Eglise catholique, et les communautés en marge ou « spontanées ». Ces dernières, qualifiées de dissidences schismatiques ou hérétiques par l’Eglise catholique, auraient été d’autres formes, tout aussi légitimes dans l’absolu, du christianisme. Le point de vue implicite est de voir en elles les ancêtres des communautés religieuses protestantes. Historiquement, c’est discutable. Le parallèle entre les chrétiens gnostiques prétendant recevoir directement des inspirations divines et les communautés charismatiques protestantes n’est lui pas forcément faux ; il n’est d’ailleurs pas flatteur pour les charismatiques ou pentecôtistes, et prêterait encore du reste à discussion.
 
Ces quelques réflexions étranges feront que les parents catholiques n’hésiteront pas à expliquer ces points aux enfants.
 

Ces Récits de la Bible sont une bonne idée de lecture

 
Malgré cette réserve liée à un point de vue panchrétien qui perce parfois dans les récits du Nouveau Testament, ces Récits de la Bible se caractérisent fondamentalement par un esprit globalement excellent, fait suffisamment rare en France pour être noté. Il s’agit donc d’une bonne idée de lecture, pour se rafraîchir la mémoire ou découvrir ces récits fondamentaux en famille.
 

Octave Thibault