Référendum aux Pays-Bas sur le traité d’association de l’Ukraine à l’UE : blague ou avertissement ?

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Le Premier ministre Mark Rutte aux urnes, ce mercredi 6 avril.

 
Les électeurs des Pays-Bas sont appelés aux urnes ce mercredi 6 avril pour se prononcer sur la signature par l’Union européenne d’un traité d’association avec l’Ukraine. La participation minimale pour prendre le vote en compte est fixée à 30 %, et de toute façon les résultats du scrutin n’auront aucune force contraignante, laissant le gouvernement néerlandais libre d’approuver ou non la signature du traité par l’UE. Vu la situation, le référendum ressemble fort à une gesticulation, mais celle-ci est intéressante sur bien des points. D’ailleurs les analystes hésitent entre qualifier l’affaire de « blague » ou d’avertissement révélateur d’une volonté latente des Néerlandais d’obtenir un Brexit à la hollandaise.
 
La campagne a été menée vivement, les opposants à la signature d’un traité d’association avec l’Ukraine ayant tenu le haut du pavé. On les traitait d’« idiots utiles de Poutine » puisque leurs arguments favorisent en définitive l’annexion de l’Ukraine de la Russie, dit-on. Les partisans du traité se voyaient taxer de soutien au parachèvement de la création d’un super-Etat européen totalitaire.
 

Aux Pays-Bas, le référendum sur l’Ukraine parle avant tout de l’UE

 
Peut-être les deux analyses sont-elles d’ailleurs vraies en même temps : elles ne sont en tout cas pas contradictoires.
 
La genèse du référendum se situe dans l’entrée en vigueur des référendums consultatifs d’initiative populaire le 1er juin 2015. Le « comite citoyen UE » a saisi l’occasion pour contester un projet qui aboutit à donner des prérogatives à Bruxelles, eux qui dénoncent le manque de démocratie en Europe. Le fameux « Burgercomité EU » a avoué la semaine dernière que la question de l’Ukraine leur est indifférente : ils ne cherchent qu’à créer de la tension aux Pays-Bas pour pousser le pays à quitter l’Union européenne dont ils attendent l’« écroulement ».
 
Quoi qu’il en soit les initiateurs du scrutin soulignent par leur action une réalité : l’Union européenne décide de manière unilatérale de mesures qui peuvent avoir des conséquences pour tous – même si pour le traité avec l’Ukraine, il faut le vote positif des parlements nationaux. Acquis d’avance, rétorque Burgercomité.
 

Le traité d’association avec l’Ukraine : au carrefour du libre-échange et de la domination régionale

 
Le traité de lui-même vise essentiellement à instaurer le libre-échange entre l’Union européenne et l’Ukraine d’ici à dix ans, au moyen d’un ajustement des lois gouvernant le commerce en Ukraine. Sur les 323 pages du traité, 17 concernent l’association politique qui de l’avis des initiateurs constitue un premier pas vers l’adhésion de l’Ukraine à l’UE, avec notamment la libre circulation au moyen de séjours sans visa de 90 jours. Mais à l’inverse de ce qui est affirmé dans des traités analogues déjà existants avec la Turquie et des pays des Balkans, l’objectif de l’adhésion n’est pas affirmé. Des coopérations militaires et civiles de règlement des conflits sont également envisagées.
 
Tout cela s’oriente très nettement vers une nouvelle intégration régionale et sert la cause du mondialisme, mais en même temps l’Ukraine se trouve là au cœur d’un double conflit, pas toujours antinomique : la marche vers l’unification globale et la volonté de la Russie de reprendre la main dans l’ensemble de ce qui était le bloc soviétique. Aussi euobserver – un site europhile – affirme-t-il que les initiateurs du référendum, opposés au traité de l’UE avec l’Ukraine, se mettent en réalité à la remorque de la Russie pour dépeindre l’Ukraine comme un repaire de fascistes, un pays déchirée par la « guerre civile » avec lequel il ne faut surtout pas « ouvrir les frontières », un pays gangrené en outre par la corruption. Les arguments seraient ceux de la propagande russe au moment où Poutine veut éviter à tout prix le basculement de l’Ukraine dans le camp européen. Voter contre le traité, écrit donc Sijbren de Jong, c’est voter pour plus de guerre en Ukraine.
 
Et ainsi chacun adopte le langage de l’intimidation.
 
Lorsque les Néerlandais voteront – s’ils votent, plutôt – le message principal sera ailleurs : dans le refus de l’ingérence européenne dans les nations encore un peu souveraines d’Europe. Où l’Ukraine sert de prétexte utile.
 

Anne Dolhein