Le règlement sur la restauration de la nature votée lundi par l’UE menace l’agriculture

règlement restauration nature UE
 

Une adoption définitive in extremis et à une voix près : le Conseil des ministres de l’Union européenne a approuvé le 17 juin le règlement sur la restauration de la nature censée stopper l’effondrement de la biodiversité sur le continent. L’adoption préalable par le Parlement européen s’était déjà jouée sur le fil du rasoir, car ce projet de décroissance dicté par le Pacte vert européen suscite tout de même une forte grogne. C’est la première loi supranationale de cette nature jamais votée ; elle impose à tous les pays membres, par une décision des deux tiers d’entre eux, des objectifs contraignants visant des zones naturelles « dégradées ». Dans un premier temps, d’ici à 2030, 20 % de ces zones terrestres, côtières et maritimes auront dû « retrouver » l’état dans lequel les autorités « vertes » de l’UE estiment qu’elles sont au mieux de leur forme. D’ici à 2050, c’est toutes ces zones qui devront avoir été restaurées. La marche vers ce vote positif a été longue et ardue, étant donné que les agriculteurs craignent la menace qu’elle représente pour leur production et leurs revenus. Et si finalement le texte a été adopté, c’est par une entourloupe d’un ministre : la représentante du gouvernement autrichien qui a voté à l’opposé des consignes de son gouvernement.

Le règlement prévoit des objectifs et des obligations contraignantes pour la réhabilitation des « habitats naturels » qui sont considérées comme étant dégradées à 80 % dans l’Union européenne. Pour dire les choses de manière plus claire : il s’agit de revenir sur les effets de l’action des hommes : notre espèce est considérée comme nuisible à double titre, d’une part parce qu’elle est accusée de chasser des espèces végétales et animales qui se trouvent ou se sont trouvées naturellement dans telle ou telle zone, et de l’autre, parce que ces zones à restaurer sont considérées comme étant des puits à carbone naturels que l’agriculture a transformés en émettrices de CO2 – le péché mortel de notre époque.

 

Le règlement sur la restauration de la nature dans l’UE s’inscrit dans un cadre onusien

C’est la mise en œuvre, rappelait Clémentine Jallais lors du vote par le Parlement européen en juillet dernier, d’un accord historique conclu lors de la conférence des Nations unies sur la biodiversité en décembre, où les pays membres – y compris l’UE – sont convenus de protéger 30 % des terres et des océans du monde qui sont considérés comme particulièrement importants pour la nature.

Dans un premier temps – car il y a eu tout de même une assez forte opposition au projet – les zones à restaurer coïncideront avec les sites du réseau Natura 2000, déjà soumises à des contraintes importantes qui semble-t-il n’ont pas vraiment changé la donne…

L’une des priorités sera la plantation d’arbres, mais lesquels ? Un projet gouvernemental français est actuellement en cours à grand renfort de publicité : un milliard d’arbres ont été « promis » par Macron. « Supercherie », dénoncent des associations : le plan passe par des coupes rases de forêts diversifiées « saines et bien portantes » selon l’association Canopée, y compris dans des zones où l’on replante des monocultures résineuses qui pour le coup, sont synonymes de moins de biodiversité et d’exploitation industrielle. Le tout à coup de millions d’argent public…

Il s’agit aussi de préserver les « espaces verts urbains » : de nouvelles obligations qui s’articuleront en France avec la loi française « zéro artificialisation nette » qui fait notamment planer la menace de ne plus pouvoir construire de maisons individuelles d’ici à 2025 et qui soustrait aux zones constructibles – alors que l’immobilier est en grave crise et que les braves gens peinent à se loger – même les pistes cyclables qui poussent comme des champignons.

 

Le règlement sur la restauration de la nature veut remouiller les tourbières asséchées

Aux termes du nouveau règlement européen, il va falloir rendre les tourbières asséchées à leur état de zones humides, elles qui ont été travaillées depuis des siècles pour permettre de les utiliser pour l’extraction de la tourbe et l’exploitation agricole, et qui sont, nous dit-on, les meilleurs puits à carbone au monde – encore mieux que les forêts. Les forêts elles-mêmes vont devoir s’étendre ; les rivières vont devoir retrouver leur libre circulation – haro sur les barrages ! Bref, plus question de « dominer » ou de « soumettre » la nature dont les droits priment ceux des hommes. Bien sûr, on explique aux fermiers inquiets de voir leurs terres pour ainsi dire confisquées que l’exploitation de la biomasse des tourbières peut être très rentable… Mais ce n’est pas de la nourriture. Et la nourriture, il faudra bien l’importer (tant que l’ONU n’aura pas installé la décroissance partout), y compris de zones qui ne respectent pas la nature.

Il faut aussi souligner que les règlements européens en matière agricole n’ont pas précisément apporté la preuve que la technocratie centralisée fonctionne pour le bien des agriculteurs, de la population en générale ni même de la nature… Les grandes monocultures, la montagne de beurre, les terres obligatoirement en friche, les chênes-liège dont l’abattage était subventionné au Portugal par l’Europe jusqu’à ce qu’elle décide de subventionner leur réimplantation, les normes à n’en plus finir n’en sont que des exemples.

Le problème en effet est l’origine idéologique de toutes ces obligations : idéologie anti-humaine appuyée sur une gestion hors-sol où des mots-clefs – biodiversité, CO2, réchauffement, nature – s’imposent à la place de la réalité et provoquent des réactions pavloviennes. On ne s’étonnera pas de ce que des multinationales « vertueuses » comme CNP Assurance, H&M Group, Ikea, Nestlé, Unilever, Legal and General (qui fleurent si bon les prés et évoquent les chants d’oiseaux) aient fait pression pour la loi sur la restauration de la nature, sous le regard admiratif du Forum économique mondial. On est « vert » comme on est woke, on milite pour les tourbières comme on défend la diversité, d’équité et l’inclusion. Il faut le répéter, la révolution est un bloc…

 

La nature dans l’UE trop souvent mise à mal par les règlements européens

Le règlement européen adopté en début de semaine se veut au-dessus des pièges partiellement évoqués plus haut. On sait pourtant déjà qu’il va peser lourdement sur le mode de vie et la production de nourriture des agriculteurs, si bien que même le PPE (parti populaire européen « conservateur » au Parlement européen) s’y est opposé.

Il lui fallait remporter une majorité qualifiée des deux tiers : quinze votes positifs de pays représentant au moins 65 % de la population totale des Etats-membres. Ce n’était pas gagné : les ministres de l’environnement de la Finlande, de la Hongrie, de l’Italie, des Pays-Bas, de la Pologne et de la Suède ont voté contre le règlement lundi dernier. La Belgique s’est abstenue puisqu’elle présidait les débats ; l’Autriche devait voter contre. Et les conditions de l’adoption n’étaient dès lors pas réunies.

C’est finalement une seule personne, une femme ministre, Leonore Gewesseler du parti des Verts en Autriche, qui a fait basculer la situation pour imposer un texte d’une aussi forte portée à l’ensemble de l’UE. Contre la volonté de son gouvernement, elle l’a approuvé, provoquant la fureur du chancelier autrichien Karl Nehammer et de son « parti du peuple » autrichien qui a formé une coalition avec les écologistes pour pouvoir gouverner.

 

Mme Gewesseler, un seul vote pour faire basculer toute l’UE

Mme Gewesseler, enchantée par son propre cavalier seul, s’est justifiée dans un message sur X en affirmant qu’elle avait voté en faveur du règlement parce qu’« il faut des décisions courageuses » lorsque l’avenir des générations futures est en jeu. « Aujourd’hui nous envoyons un signal : notre nature a gagné notre protection », a-t-elle encore affirmé.

Karl Nehammer a fait savoir qu’il porterait plainte devant la Cour de justice européenne contre le vote « illégal » de son ministre de l’environnement rétif.

La Belgique, qui détient la présidence tournante de l’UE, a d’ores et déjà fait savoir que ce différend n’aura aucun effet sur la « légalité du vote ».

Pourquoi ? Parce qu’on se moque bien de la légalité d’un « bon » vote, comme des référendums où le peuple vote mal… Le ministre de l’environnement du gouvernement de la région Bruxelles-Capitale, Alain Maron, a résumé la situation en quelques mots : « Il est de notre devoir de répondre à l’urgence de l’effondrement de la biodiversité en Europe, mais aussi de permettre à l’Union européenne de remplir ses engagements internationaux. La délégation européenne va pouvoir aller à la prochaine COP la tête haute. »

C’est tout ce qui compte !

 

Jeanne Smits