La moitié des femmes qui font congeler leurs ovules éprouvent des regrets

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La procédure est à la mode : un nombre croissant de femmes, souvent diplômées de l’enseignement supérieur et disposant de revenus confortables, ont recours à la congélation de leurs ovules pour s’assurer la possibilité de procréer lorsque l’envie leur prendra de mettre leur carrière entre parenthèses. Congeler ses ovules pour des motifs « sociaux » – rien à voir avec celles qui se prémunissent face à une infertilité constatée ou à un traitement du cancer par exemple – est devenu courant chez les célébrités qui font la promotion de cette nouvelle technique dans les médias. Mais une enquête récente montre que la moitié de celles qui se soumettent à cette procédure le regrettent un jour ou l’autre.
 
Passons sur le fait que la congélation d’ovules, si elle est destinée à servir à une fécondation in vitro, pose des problèmes sur le plan éthique.
 
L’intérêt de cette étude est de montrer qu’une population féminine totalement acquise à l’idée de la maîtrise et de la gestion de sa fécondité perçoit aujourd’hui les limites de cette démarche, alors même que les stars continuent d’en parler dans les médias comme de quelque chose de « super », pour reprendre les paroles de la comédienne Whitney Cummings, quand elles ne vont pas jusqu’à dire comme l’actrice Olivia Munn que « chaque fille devrait le faire ».
 

Les regrets de ces femmes qui font congeler leurs ovules

 
On n’a guère de recul sur la pratique de la congélation des ovules. L’étude publiée il y a une dizaine de jours par le journal Fertility and Sterility, qui vient sérieusement nuancer l’enthousiasme médiatique, est l’une des premières du genre. Sur le terrain, les « egg-parties » continuent d’aller bon train, les cliniques spécialisées faisant la publicité de la technique auprès d’un public féminin fortuné à qui elles « vendent » le produit comme s’il s’agissait d’un Tupperware…
 
L’une des co-responsables de l’enquête, Heather Huddleston, professeur d’obstétrique, de gynécologie et des sciences de la reproduction en Californie, le constate pourtant : « En travaillant avec de plus en plus de patientes subissant la congélation d’ovules, il nous est apparu que l’affaire est plus complexe sur le plan émotionnel qu’on n’aurait pu le penser au départ. »
 
L’interrogation de 503 femmes ayant fait congeler leurs ovules entre 2012 et 2016 à un âge moyen de 36 ans et demi s’est déroulée en général deux ans après le prélèvement. 63 % entre elles étaient blanches, 78 % avaient un diplôme universitaire, 68 % annonçaient des revenus supérieurs à 100.000 dollars par an. Caprice de riches ?
 

La moitié des femmes qui pensent procréer plus tard avec leurs ovules congelés ont tôt ou tard des regrets

 
Si la plupart ont affiché des sentiments positifs à propos de la procédure, notant à 89 % qu’elles étaient heureuses d’y avoir eu recours même si elles ne devaient jamais utiliser leurs œufs et à 88 % qu’elle leur donnait l’impression d’avoir plus de possibilités de choix dans leur vie, il est apparu qu’elles ont été à la fois insuffisamment informées et qu’une sur deux a fait part de sentiments concomitants de regrets. « Légers » le plus souvent, mais pour 16 % des interrogées, les regrets ont été décrits comme « modérés ou sévères ».
 
80 % de l’échantillon s’est estimé bien informé. Mais un pourcentage significatif de ces femmes ont « grossièrement surestimé » la probabilité d’avoir plus tard un enfant grâce à leurs ovules congelés, certaines l’évaluant même à 100 %. Pour Kara Goldman, spécialiste de la fécondité à l’université de New York, cela est « alarmant » et « évidemment irréaliste ». « Dans la mesure où cette attente de réussite peut modifier les projets procréatifs d’une patiente, cette idée fausse peut avoir pour conséquence de la condamner à une absence d’enfant définitive et non désirée, avec des conséquences dévastatrices », a-t-elle affirmé.
 

La procréation n’est pas une affaire de technique de congélation d’ovules…

 
On n’a pas bien su déterminer au cours de l’enquête ce qui a pu provoquer les sentiments assez largement partagés de regrets, mêmes chez celles qui sont globalement satisfaites d’avoir congelé leurs ovules. Le regret était plus présent chez celles qui n’avaient pu congeler qu’un nombre restreint d’ovules : à moins de 10, les regrets étaient quatre fois plus probables. Est-ce parce qu’elles y ont vu un signe d’infertilité présente ou imminente ? La question est posée par les chercheurs qui en tout état de cause, ont constaté que de nombreuses femmes auraient aimé être émotionnellement soutenues au cours du processus – on sait que la stimulation ovarienne est extrêmement pénible – et avoir la possibilité d’en parler avec un conseiller.
 
Tout ce qui touche à la fécondité, spécialement chez les femmes qui connaissent le côté inexorable de l’horloge biologique et qui vivent souvent la procréation dans une certaine fragilité émotionnelle – l’homme n’est il pas appelé à protéger tout particulièrement sa femme lorsqu’elle est enceinte ? – ne peut se réduire à une froide opération clinique. Mais on s’y oriente de plus en plus.
 

Anne Dolhein