C’est un « tournant », affirme John Bingham, rédacteur en chef pour les affaires religieuses du Telegraph de Londres : en lançant dans Science un appel aux leaders religieux pour qu’ils s’engagent contre le réchauffement climatique, un groupe de scientifiques « a peut-être trouvé la clef pour la mobilisation de millions de personnes à travers le monde afin qu’elles changent leurs manières de vivre pour éviter un changement climatique catastrophique ». Et l’appel vise d’abord le pape François.
Les religions se préoccupent-elles des choses d’en-haut ? Eh bien, les voici sommées de « sauver la planète », d’abord. L’article s’intitule « A la recherche du bien commun », et pose la question : l’humanité peut-elle continuer sur le chemin qui, pendant des décennies, a permis de sortir des gens de la pauvreté et de jouir d’une meilleure espérance de vie, mais qui ce faisant épuise le capital naturel de la planète en visant toujours plus de profits et de croissance ? Cette croissance « qui dans les politiques nationales se fait au détriment de la protection de l’environnement » ?
Religions contre réchauffement
L’article pointe les problèmes environnementaux habituels : « réchauffement », manque d’eau potable, « des taux de fertilité élevés dans les régions les plus pauvres » qui maintiennent la pauvreté.
Les auteurs, Partha Dasgupta et Veerabhadran Ramanathan, estiment que les scientifiques ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour alerter le monde des « dommages environnementaux irréversibles (fût-ce avec d’importantes incertitudes) » et que le problème ne s’auto-corrigera pas.
« Le pas qui transformera véritablement les choses pourrait bien se révéler être une mobilisation massive de l’opinion publique par le Vatican et par d’autres religions en vue d’une action collective pour sauvegarder le bien-être de l’humanité comme de l’environnement », assurent-ils.
Une nouvelle morale collective
L’intérêt des religions, par rapport à cela, est double. Elles assurent le « leadership » moral : autrement dit, elles influent sur les comportements. Il s’agit donc, en clair, d’obtenir un nouveau discours sur le bien et le mal, avec pour fin dernière la préservation des ressources naturelles et pour Dix commandements toutes sortes d’injonctions incitant à ne pas utiliser certaines formes d’énergie. La bonne conscience s’y ajoute : ce sont les pauvres qui ont le plus à souffrir des énergies polluantes et bon marché dans les pays développés auxquelles ils n’ont souvent même pas accès.
En deuxième lieu, elles ont les réseaux et ramifications qui permettent de rejoindre les gens sur le terrain.
Parmi les religions, les auteurs proposent que le Vatican – le mot « catholique » n’apparaît pas dans le texte – soit le fer de lance de cette mobilisation pour l’environnement. Pourquoi lui ? Dasgupta et Ramanathan ne parlent pas de son enseignement moral – il faudrait alors expliquer comment faire la synthèse entre l’écologisme qui accuse l’homme d’être responsable du réchauffement climatique parce qu’il « croît et se multiplie » – mais de sa large implantation dans le monde et son gros milliard de fidèles.
Le pape François, le Vatican et la science
Et puis il y a le pape François, qui s’est montré « très sensible » à la question en présence des deux scientifiques. Et pour cause : ils étaient tous deux invités au Vatican en mai pour parler d’« Humanité durable, nature durable » et l’y ont rencontré.
Leur appel à toutes les religions – dont il est clair qu’elles ne se soumettront pas à l’Eglise catholique, fût-ce pour faire plaisir à l’environnement – intervient alors que le pape François achève une encyclique sur l’environnement.
Voilà qui encouragera à tout le moins une lecture écologiste et globaliste de ce travail, mis à profit pour justifier les réponses collectives, globales et contraignantes à des questions d’environnement posées de manière profondément hostiles à l’homme, même si dans l’article de Science les deux scientifiques affirment parler au nom des pauvres.