Les pouvoirs publics en Finlande envisagent sérieusement de donner à chaque citoyen adulte du pays une allocation de base de 800 euros, non imposable et acquise à chacun, qu’il travaille ou non. Le programme fera l’objet d’une proposition complète en novembre 2016 de la part de l’institution des assurances sociales de Finlande, avec une mise en œuvre rapide à la clef. L’allocation universelle, appelée « revenu national », remplacerait toutes les allocations sociales existantes, que ce soit pour les chômeurs, les retraités, les adultes handicapés ou les personnes malades, mais aussi les allocations de logement et autres aides.
La proposition d’allocation universelle date de 1962, date à laquelle l’idée à germé chez l’économiste Milton Friedman de créer une sorte d’« impôt sur le revenu négatif » qui élimine l’incitation à gagner de l’argent pour des motifs démobilisateurs tels la pauvreté, le handicap ou le chômage.
Chaque citoyen recevra 800 euros sans conditions et hors taxes en Finlande
Le bénéfice avancé par les partisans du revenu national semble « contre-intuitif » : il s’agit de créer les conditions pour que les personnes qui ne travaillent pas soient incitées à trouver une activité qui pouvait ne pas leur sembler intéressante dans la mesure où elle leur faisait perdre le bénéfice de telle ou telle indemnité ou allocation. Autre avantage : l’universalité du système évite bien des frais de paperasserie, de contrôles, de calculs. La simplification attendue s’accompagnerait donc d’économies substantielles – mais seront-elle suffisantes pour que le système soit viable ?
En Finlande, le coût du programme représenterait – avec une population adulte de 5 millions actuellement – quelque 47 milliards d’euros par an, soit un milliard de plus que les revenus annuels du gouvernement alors que le pays affiche déjà une dette de 58 % de son PIB.
La question du financement de la mesure se pose donc de manière au moment où la croissance finlandaise stagne, que le taux de chômage tourne autour des 10 % et que les taxes, impôts et charges sont déjà élevées. Pour augmenter les recettes publiques il faudra sans doute taxer davantage le travail – ou alors, comme le suggère progress.org, faire payer un loyer universel sur la terre, applicable à tous les propriétaires. Pour cela, la Finlande devrait quitter l’Union européenne mais conserver l’euro, faire payer les utilisateurs des services publics, taxer la pollution et bien sûr la terre dont la valeur locative annuelle est estimée à 85 milliards d’euro par le site libéral. De quoi « payer » tout le monde, jeune et vieux…
Socialisme absolu en Finlande par le biais du revenu national
Bref, un socialisme quasi absolu où l’Etat serait considéré comme sorte de propriétaire de tout l’immobilier, et où la redistribution serait elle-même systématique. C’est sans doute une manière de simplifier des systèmes de sécurité sociale devenus fous, mais à quel prix ?
De nombreuses questions restent en suspens : quid des personnes qui perdront au change, avec la disparition des allocations familiales (expressément visées par la proposition comme devant disparaître) et autres aides spécifiques ? La somme de 800 euros supposée couvrir les besoins vitaux en autorisant un mode de vie « frugal » n’atteint pas le minimum jugé nécessaire pour que personne ne vive dans la pauvreté, notait ainsi le Helsinki Times l’an dernier, lorsque la proposition était mise en avant par les Verts finlandais.
Se pose aussi la question de l’immigration : puisque toute personne résidant en Finlande pourrait recevoir automatiquement l’allocation, on imagine la force d’attraction d’un tel « revenu national ».
Loin d’être marginale, cette idée de mise en place de socialisme absolu, censée préparer le jour où la dépendance des être humains à l’égard des allocations sociales augmentera avec les progrès de la robotisation et donc du chômage, s’étend à d’autres pays d’Europe. La Suisse sera appelée à se prononcer sur la question d’un revenu national en 2016 et bénéficie, selon un récent sondage, de 49 % d’opinions favorables. La ville néerlandaise d’Utrecht va mettre en place un programme expérimental auprès de 250 chômeurs qui recevront une allocation mensuelle sans conditions, pour voir les effets que cela aura sur leur emploi.