Après l’intervention de Françoise Nyssen, ministre de la culture, le CSA a choisi la sanction maximale contre le PDG de Radio France, Mathieu Gallet, la révocation. Reste à savoir pourquoi Emmanuel Macron l’exigeait : question de principe ou affaire personnelle ?
Tout est sinon unique, du moins exceptionnel, dans le cas Mathieu Gallet. Ce brillant énarque a choisi, dès sa sortie de l’école, la culture, et plus précisément l’industrie du cinéma, Pathé, puis Canal+. En 2009, Frédéric Mitterrand, avec qui il partage le goût du cinéma et l’homosexualité, devient ministre de la culture de Sarkozy et le nomme directeur de cabinet. En récompense de ses services, Mitterrand appuie en 2010 sa candidature à l’INA, l’institut national de l’audiovisuel, qui conserve les archives de la télévision française. Cette trajectoire météorique fait des jaloux, mais ne l’empêche pas d’avancer : en février 2014, il est bombardé par le CSA PDG de Radio France. C’est ce même CSA qui vient de prononcer sa révocation.
Une révocation unique pour le CSA
Cette révocation est exceptionnelle, c’est à vrai dire une première. Comme le note dans une tribune du Monde Xavier Gouyou-Beauchamps, ancien PDG de France Télévision, il y avait eu par le passé des pressions, ou des révocations différées, mais jamais une révocation nette et transparente. Il est d’ailleurs incroyable qu’une autorité de régulation, comme se veut le CSA, soit aussi celle qui nomme le PDG de Radio France. Dans l’affaire Mathieu Gallet le CSA aura été un fusil à un coup, car, dans la grande réforme de l’audiovisuel voulue par le président Macron, la nomination des PDG reviendra aux chaînes elles-mêmes.
Le bilan honorable de Mathieu Gallet, PDG de Radio France
La première question qui se pose est : pourquoi le CSA a-t-il révoqué Mathieu Gallet. Réponse : parce que celui ci a été condamné à un an de prison avec sursis et vingt mille euros d’amende pour favoritisme lorsqu’il était PDG de l’INA. Il aurait utilisé des sociétés de conseil pour un montant de 400.000 euros sans appel d’offre. Pour sa défense, il a naïvement invoqué son ignorance : « Avant mon arrivée à l’INA, je n’avais jamais été confronté à ces questions de marché public ». C’est sans doute la rançon de son ascension exceptionnellement rapide. Mais la sanction semble elle aussi exceptionnelle, au regard de celles qui frappent ordinairement ses pairs.
Autre question : pourquoi était-il si urgent de révoquer Mathieu Gallet ? En effet, sa condamnation n’était pas définitive, il venait de faire appel, et la présomption d’innocence prévaut dans ce cas. D’autant que, il faut le reconnaître, son bilan à Radio France n’est pas si mauvais. Il a certainement lancé des chantiers de rénovation des bâtiments assez lourds, et s’est fait épingler pour son propre bureau, qui a coûté plus de cent mille euros, mais il a aussi remis de l’ordre dans les comptes, et le succès public, « l’audience », en franglais du métier, a remonté. Et l’interrègne assuré par le doyen des administrateurs de Radio France, Jean-Luc Vergne, 69 ans, ancien DRH de grands groupes comme Sanofi ou Elf, sans aucune expérience de l’audiovisuel, risque d’être pitoyable.
La Culture a provoqué la révocation du PDG de Radio France
La réponse est dans une interview de Françoise Nyssen au Monde. Le ministre de la culture, d’ordinaire d’une discrétion de violette, a jugé le maintien de Mathieu Gallet en fonction « inacceptable », et l’avait appelé à « tirer toutes les conséquences » de sa condamnation. Cette même Françoise Nyssen « prend acte » aujourd’hui de la décision du CSA, et « remercie Mathieu Gallet de son engagement à la tête de Radio France », tout en estimant que « l’exemplarité des dirigeants des entreprises » est la « condition absolue de bonne gouvernance ». Mais, sous condition de rester anonyme, un cadre dirigeant de l’audiovisuel estime « tout, dans cette histoire, exceptionnel ». Il souligne que c’est l’ancien ministre de la culture, Fleur Pellerin, qui avait porté l’affaire de l’INA en justice, et que l’actuel ministre a exercé une « pression directe sur le CSA ».
Emmanuel Macron à l’origine des pressions sur le CSA
Une autre source, politique cette fois, confirme la pression au Figaro, mais pense qu’elle vient de beaucoup plus haut : « On n’envoie pas un ministre de la Culture au feu s’il n’y a pas derrière une volonté inflexible. Cela ne peut venir que de l’Elysée ». C’est donc le président Macron qui serait derrière la révocation de Mathieu Gallet. Est-ce, comme le suggère Françoise Nyssen, pour une question de principe, pour rendre le fonctionnement de l’audiovisuel d’Etat français irréprochable ? Etant donné les amitiés d’Emmanuel Macron avec plusieurs grands groupes de communication, qui ont fait son élection, cela paraît bien improbable. Alors il faut peut-être chercher du côté qu’indique l’ancien mentor et ami de Mathieu Gallet, Frédéric Mitterrand : « Je pensais que le CSA affirmerait son indépendance face aux pressions du gouvernement, a-t-il confié au Parisien. Ce n’est pas net. Il y a une histoire derrière l’histoire. Est-ce une décision politique ? Je pose la question. Je me demande même si la rumeur absurde de liaison avec Emmanuel Macron, que le futur Président avait lui-même évoquée pendant sa campagne, n’a pas joué en sa défaveur. »
Quand Macron démentait sa liaison avec Mathieu Gallet
La question est d’autant plus pertinente que le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, a pris la peine d’affirmer, contre toute évidence, ce matin sur Europe 1, que l’Elysée n’était en rien le décisionnaire de la révocation de Mathieu Gallet.
Frédéric Mitterrand fait référence à une « rumeur persistante » qui a couru dans Paris pendant plusieurs mois, de l’automne 2016 au printemps 2017. Cette rumeur avait fait l’objet de nombreux articles, notamment dans la presse féminine. Comme Valeurs Actuelles l’avait noté, le candidat Macron avait pris la peine de la démentir publiquement, une fois en novembre 2016, la deuxième fois en meeting à Bobino le 7 février : « Pour mettre les pieds dans le plat, si dans les dîners en ville, si dans les boucles de mails, on vous dit que j’ai une double vie avec Mathieu Gallet ou qui que ce soit d’autre, c’est mon hologramme qui soudain m’a échappé mais ça ne peut pas être moi ! »
Gallet, Macron ? Pour Ferrand, c’est la faute à Poutine !
La rumeur n’en avait pas moins continué à courir. Richard Ferrand, qui était alors secrétaire général de En marche et qui n’avait pas eu d’ennuis avec les médias, l’affaire des mutuelles de Bretagne n’ayant pas été découverte, avait en vain essayé d’allumer un contrefeu politique, en agitant le diable Poutine. Le treize février sur France 2, il lançait : « Il faut regarder les faits. Deux grands médias, Russia Today et Sputnik, qui appartiennent à l’État russe, font leur quotidien de la diffusion de la propagation de fausses nouvelles, explique-t-il. Ensuite, ces nouvelles sont reprises, sont citées et viennent peser sur la démocratie ».
Mais comme cela ne suffisait pas, Frédéric Mitterrand lui-même avait été mis à contribution : « Je suis certain que Macron n’est pas gay, contrairement aux bruits qui ont couru. Mais Mathieu Gallet, qui a été mon directeur de cabinet à la Culture, doit être fier qu’on lui ait prêté une liaison avec lui. »
Brigitte Macron blessée par la rumeur Mathieu Gallet
Tout le monde n’a pas pris la chose avec autant de bonne humeur. D’après Maëlle Lebrun, qui vient de publier la biographie autorisée de Brigitte Macron (Brigitte Macron, l’affranchie), l’épouse du candidat à « très mal vécu » cette rumeur : « Elle sait encaisser les attaques sur la différence d’âge, souvent avec humour, mais là, c’est comme si l’on remettait en cause l’existence même de leur histoire d’amour, et de leur couple ». Et elle a demandé à son mari de démentir. Ce qu’il a fait deux fois. Mais la rumeur court toujours. Lorsque, retirée des voitures, il m’arrive de déjeuner ou dîner à Paris avec des gens qui sont encore dans le coup, il arrive qu’on me dise que les photos existent, qu’on sait qui les a, etc. Dans ce cas, il y a deux erreurs à ne pas commettre : croire ce qu’on vous dit, ne pas le croire. La seule chose que je puisse dire, c’est que je n’ai pas vu la preuve de la liaison de Macron et Mathieu Gallet. Mais il est tout aussi clair que le couple Macron attache une grande importance à cette histoire, et Frédéric Mitterrand a sans doute raison quand il explique par cela l’extrême rigueur qui a soudainement frappé le PDG de Radio France.
Mimi Bertrand, reine des paparazzi, au secours des Macron
On n’a pas suffisamment relevé, peut-être, que la communication du couple Macron a été prise en charge par Michèle, dite « Mimi », Marchand. Ancienne patronne de boîtes lesbiennes dans les années 1980, ancienne rédactrice en chef de Voici dans les années 1990, ayant côtoyé la pègre et le gratin, souvent indissociable, proche de Johnny Hallyday, Bernard-Henry Lévy, Carla Bruni, elle nourrit en informations scandaleuses les journaux spécialisés, Voici, Closer, Gala. Elle a fondé sa propre agence photo, Bestimage, et racheté des stocks de photos « compromettantes » sur le Tout Paris de la cinquième république. C’est Xavier Niel, PDG de Free (et patron du groupe Le Monde avec Matthieu Pigasse et feu Pierre Bergé) qui l’a recommandée aux Macron : « Quand, lors d’un dîner avec les Macron, j’ai entendu Brigitte se plaindre des paparazzi, je lui ai naturellement conseillé Mimi ». Depuis, Michèle Marchand est un conseiller fidèle pour le couple. Et c’est elle, notamment, qui a « géré », le démenti pour Mathieu Gallet.
Révocation mystère : vengeance gay ou scandale d’Etat ?
Toutes les interprétations sont possibles. Sébastien Chenu, porte-parole du Front national, a reproché à Françoise Nyssen un « autoritarisme qu’on avait jamais connu » à cause de son intervention dans le dossier. Or il est homosexuel, comme Mitterrand et Gallet. Peut-on penser que, choqué de voir un de ses membres, qui jusque là en prenait à son aise (cf. son bureau), sanctionné, la communauté homosexuelle politique parte en guerre contre les femmes (Fleur Pellerin, Françoise Nyssen, Brigitte Macron) qui entendent limiter ses excès ? Ou doit-on au contraire penser que la rumeur de liaison entre Emmanuel Macron et Mathieu Gallet a un fondement réel, que, par exemple, Mimi Marchand en détient les preuves, et que nous sommes en présence d’un chantage d’Etat et d’un règlement de compte en même temps ? Nous en sommes réduits, faute de preuve, aux conjectures. Mais l’hypothèse de Frédéric Mitterrand semble en tout cas la bonne. L’ascension de Mathieu Gallet était anormale, sa chute est suspecte. Et une chose est sûre : si Brigitte Macron se met le lobby homosexuel en visière, elle a intérêt à avoir les reins solides.