Faites ceci à l’occasion d’un bizutage un peu débridé et on vous taxera (à juste titre) d’obscénité, de mépris pour les participants, de pratiques humiliantes et dégradantes. Organisez la même chose en tant que « performance » d’art contemporain et on vous ouvrira les portes – littéralement – de la Royal Academy of Arts de Londres. De quoi s’agit-il ? Lors d’une exposition rétrospective sur Marina Abramović dans cette vénérable institution inaugurée samedi prochain, les visiteurs seront invités à entrer dans les salles en passant par un espace trop étroit, en se frayant un passage entre deux artistes nus comme des vers, un homme et une femme.
Première remarque : on notera que l’idéologie du genre n’a pas cours dans cette mise en scène de la performance « Imponderabilia ». Il faut dire qu’elle date « d’avant », ayant eu une première édition en 1977 dans une galerie d’art moderne à Bologne, en Italie, sous la conduite de la pionnière des performances, Marina Abramović, qui avait elle-même donné de sa personne face à son petit ami de l’époque, Frank Uwe Laysiepen. Un homme, une femme ? C’est presque ringard, mais le côté transgressif de l’invention doit servir d’excuse.
Des artistes de performance nus à l’entrée de la Royal Academy
Deuxième remarque. Alors qu’on nous bassine avec le « retour du covid », est-il vraiment raisonnable de faire passer les gens un par un à touche-touche entre deux êtres humains potentiellement contaminants ? Là encore, le côté transgressif de l’invention doit servir d’excuse. Peut-être ce monsieur et cette dame seront-ils toutefois masqués… Piètre consolation, on aimerait mieux qu’ils s’habillent.
La presse britannique signale que les « prudes » se verront proposer une autre entrée, et salue le « courage » de ceux qui se laisseront bousculer tout nus par les visiteurs.
Sans sourciller, Andrea Tarsia, chargé des expositions à la Royal Academy, se réjouit de ce qu’« Imponderabilia » oblige à une « confrontation entre la nudité, le genre, la sexualité, le désir ». En 2023, on ne parle plus de tordus.
Une exposition pour le moins tordue
L’exposition elle-même fera une large place à d’autres nus, dont une femme en position de crucifiée sur une bicyclette, un artiste couché à terre pendant des heures avec un squelette, et trois femmes qui passeront 12 jours, 24 heures sur 24, sans parler et en ne buvant que de l’eau : on ne sait pas ce qui sera le plus dur, le jeûne ou le silence.
Et comme on est tout de même en 2023, il y aura un médecin, un psychologue et un nutritionniste prêts à intervenir auprès des artistes, et des gardes chargés de prévenir les gestes déplacés…
Cerise sur le gâteau, l’exposition ne sera pas interdite aux mineurs, puisqu’il suffira aux moins de 16 ans d’être accompagnés par un visiteur adulte.
Seule obligation : s’extasier devant cette énième et répétitive manifestation d’art contemporain. Nous sommes à l’ère des infinis possibles, n’est-ce pas, sauf quand il s’agit de défendre le Bien, le Beau et le Vrai, d’émettre du CO2 ou de prendre quelques libertés quand l’humanité est menacée par un virus totalement impuissant à décimer une population.