Le Royaume-Uni fait sa « transition énergétique » au profit de la Chine

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Une enquête menée par le quotidien britannique de droite Daily Mail accuse le gouvernement travailliste d’aggraver une politique délétère déjà menée par les gouvernements conservateurs précédents : une ouverture inconsidérée de son secteur des énergies dites « renouvelables » à la Chine. Non seulement les pouvoirs publics ont refusé de tenir compte de la place que tient le travail forcé – et notamment chez les Ouïghours – dans la production de panneaux solaires et autres éoliennes, mais encore la situation met le Royaume-Uni en danger face à l’« entrisme » chinois, motivé par des intérêts économiques, bien sûr, mais aussi stratégiques, voire militaires.

Un exemple : en janvier 2024, une centrale de stockage d’énergie solaire a commencé à fonctionner à Thanet, dans le Kent, équipée de batteries au lithium fournies par une usine chinoise appartenant à une entreprise liée au parti communiste chinois, Gotion. Ses systèmes de stockage d’énergie ont été fournis par une autre société chinoise, Shanghai Electric. Six autres centres d’énergie photovoltaïque font partie de la même structure au Royaume-Uni. Avec cette dépendance, donc, aux éléments fournis par les Chinois, dans un secteur clef : celui des infrastructures énergétiques essentielles.

 

Le Royaume-Uni braque sur la « transition énergétique »

Et le Royaume-Uni en réclame davantage (contrairement aux Etats-Unis qui ont mis d’importants droits de douane sur ce type de technologie chinoise) : sous l’impulsion du « Monsieur zéro émissions nettes » au gouvernement, Ed Miliband, le pays tend la sébile à Pékin. Commentaire du Daily Mail : « Nous sommes de plus en plus devenus un dépotoir pour les produits chinois bon marché issus des technologies vertes. »

Le journal parle aujourd’hui d’« emprise » chinoise sur le secteur : au terme d’un audit difficile à réaliser en raison de l’opacité des dossiers, il constate que « les entreprises chinoises sont désormais liées à environ un tiers de tous les projets éoliens offshore au Royaume-Uni, d’une valeur totale de 56 milliards de livres sterling ». Quatre d’entre elles figurent sur une liste noire du Pentagone au motif qu’elles auraient collaboré avec l’armée chinoise.

« En réponse aux constatations du Mail, Luke de Pulford, président de l’Alliance interparlementaire sur la Chine, a lancé cet avertissement : “Ce degré de dépendance à l’égard d’un Etat totalitaire qui veut remodeler l’ordre mondial à son image est une pure folie” », note l’article.

 

La Chine investit à tous les niveaux

Les investissements chinois ne s’arrêtent pas là. La société China Three Gorges Europe a acheté 10 % d’un petit parc éolien au large de l’Ecosse pour 35 millions de livres en 2019 : une poussière au vu des milliards que l’entreprise engrange chaque année, au point qu’on se demande quel peut être l’intérêt d’une telle opération.

Ce pourrait être une manière de contourner le Pentagone et sa liste de sociétés soupçonnées de travailler avec le pouvoir communiste dans le cadre de la stratégie de la « fusion militaire-civile » en vigueur à Pékin, qu’on appelle aussi la « guerre hybride » : c’est une de leurs filiales qui est impliquée et l’objectif de l’acquisition aurait pour avantage de permettre l’accès aux technologies occidentales… qui remonteraient à l’Armée populaire de libération par le simple fait que les secteurs civils et commerciaux sont contraints de travailler pour le compte de l’armée en Chine.

Ou comme le dit le Daily Mail : « En d’autres termes, la “fusion militaire-civile” signifie que les entreprises publiques sont encouragées à acquérir, y compris par le vol, des technologies de pointe du monde entier au profit de l’Armée populaire de libération. »

Cela s’est déjà vu. En juillet 2018, le fabricant chinois Sinovel Wind Group a été condamné à une amende de 1,5 million de dollars par le gouvernement américain pour avoir « effrontément » volé de la technologie éolienne à un rival américain. En janvier 2023, un ingénieur chinois travaillant à New York a été condamné à deux ans de prison pour avoir conspiré en vue de voler des secrets commerciaux liés aux technologies de turbines de General Electric pour le compte de l’Etat chinois. Le ministère américain de la Justice a estimé qu’il s’agissait d’une menace pour la sécurité nationale.

 

Le Royaume-Uni expose ses infrastructures sensibles à la Chine

Il y a de quoi s’inquiéter, en effet, dès lors qu’il s’agit d’infrastructures sensibles, et que le risque de vols de propriété intellectuelle est connu et en quelque sorte logique, puisque la Chine a besoin des « technologies qui lui permettront d’améliorer et d’augmenter sa production énergétique nationale », pour reprendre la mise en garde de la commission du renseignement et de la sécurité du Parlement britannique, dans un rapport de 2023. Ledit rapport notait que des cyber-pirates chinois avaient déjà ciblé le secteur énergétique britannique, citant le vol d’informations commercialement sensibles d’une société énergétique non identifiée du FTSE 100.

« Nous sommes sur la trajectoire d’un scénario cauchemardesque où la Chine vole des plans, établit des normes et fabrique des produits, tout en exerçant une influence politique et économique à chaque étape. Cela représente un sérieux défi commercial, mais pourrait également constituer une menace existentielle pour les systèmes démocratiques libéraux », affirmait ce rapport.

 

La « transition énergétique » exploitée par la Chine

Pourtant, le Royaume-Uni continue sur cette même voie. Après avoir essuyé un refus en Norvège, ce pays ayant invoqué des raisons liées à la sécurité nationale, la société Mingyang Smart Energy Group – plus gros fabricant d’éoliennes chinois – vient de se voir accorder un « statut prioritaire » pour l’installation d’une base de fabrication en Ecosse, tandis qu’il a franchi des étapes d’autorisation ministérielle pour fournir les turbines du plus gros parc d’éoliennes flottantes d’Europe en mer du Nord. Le ministère de la Défense était réticent : il a fait valoir que l’Etat chinois serait en mesure de couper le courant une fois que le parc éolien serait opérationnel, ou encore le fait que les plateformes pourraient être utilisées comme capteurs à des fins d’espionnage. Le Trésor a passé outre à ces objections…

Pendant ce temps, les sociétés chinoises profitent par le biais de leurs participations de la manne des paiements pour non-fourniture d’électricité : le réseau britannique ne pouvant absorber tout ce qui est produit, les parcs d’éoliennes sont rémunérées pour bloquer les éoliennes.

La « transition énergétique » est décidément une vache à lait pour la Chine. Les fabricants chinois représentent 80 % de l’offre mondiale de panneaux solaires, et ont fourni 98 % de ceux déjà installés en Grande-Bretagne. Mais si c’est « bon pour la planète »…

 

Anne Dolhein