« Cupping » : aux Pays-Bas les musulmans reviennent aux guérisseurs traditionnels et à la saignée

Cupping, saignée aux Pays-Bas les musulmans reviennent aux guérisseurs traditionnels
 
C’est un vrai boom aux Pays-Bas : le « cupping », une forme de saignée, fait fureur auprès de la population musulmane. Celle-ci se tourne de plus en plus vers les guérisseurs traditionnels de l’islam et la saignée séduit des familles entières, que ce soit pour rester en forme ou pour guérir de la migraine, du cancer, des lombalgies, des maladies cardiaques ou d’autres affections plus ou moins graves.
 
Si les musulmans reviennent ainsi en masse à des pratiques que l’on croyait révolues, c’est parce que le « Prophète » en était adepte. Mahomet a subi une saignée pour se faire soigner : raison suffisante pour que le musulman la préfère à d’autres moyens thérapeutiques.
 
La saignée que pratiquent les guérisseurs traditionnels musulmans consiste à faire des petites incisions dans la peau à des endroits stratégiques avant d’y placer une coupelle qui aspire le sang. La méthode est censée « purifier » le corps en l’obligeant à fabriquer de nouvelles cellules sanguines.
 

Pays-Bas : les musulmans organisent la formation à la saignée

 
Il y a dix ans on comptait une poignée de « thérapeutes » proposant cette médecine alternative. Aujourd’hui les « cabinets spécialisés » fleurissent à travers le pays : on en compte déjà des dizaines, surtout à La Haye, Rotterdam et Amsterdam. Signe de la progression de la population musulmane… Mais c’est aussi le signe de leur absence d’assimilation culturelle, puisque dans le domaine de la santé comme dans les autres, ils « importent » leurs pratiques et les organisent. A Rotterdam, il y a même un institut spécialisé qui forme des spécialistes du « cupping » : plus de 100 praticiens y ont obtenu leur « diplôme » ces deux dernières années.
 
L’affaire marche d’autant mieux que des chefs musulmans ont recours à la saignée et vantent ses mérites : ainsi Jacob van der Blom – un nom bien hollandais – responsable de la plus importante mosquée du pays, à Rotterdam, assure avoir été guéri de ses migraines il y a deux ans en deux coups de rasoir dans le cou. « Comme si j’avais avalé tout une boîte de paracétamol », dit-il.
 
Vrai ? Faux ? La question est posée, et se complique du sentiment d’appartenance communautaire et religieuse et de l’effet placebo qui peuvent expliquer la satisfaction des adeptes de la saignée. Inutile de dire que les spécialistes occidentaux des thérapies alternatives restent sceptiques. Mais comme le note Cor Hoffer, un anthropologue qui s’est intéressé aux thérapies « musulmanes » : « Certains patients ont le sentiment que leur médecin habituel ne comprend pas ce dont ils se plaignent ou ne les prennent pas au sérieux. Chez le “médecin-saigneur” ils sont soignés par un musulman avec qui ils peuvent parler marocain, et ils connaissent la thérapie par leur foi. Cela les met en confiance. »
 

« Cupping », saignées, signes de la progression de l’islam aux Pays-Bas

 
Car davantage que l’efficacité, ou non, de la pratique – après tout, la saignée a été abondamment pratiquée en Europe jusqu’à des temps pas si reculés –, on retiendra ce qu’elle dit sur l’ancrage de l’islam dans une terre traditionnellement chrétienne (et aujourd’hui largement apostate).
 
C’est à l’occasion de fêtes de famille ou de dîners entre amis que les musulmans aux Pays-Bas se parlent du « cupping » et convainquent leurs amis coreligionnaires de se laisser tenter. C’est ce qui explique le succès des établissements spécialisés, mais les saignées se pratiquent aussi de manière plus informelle par les femmes musulmanes qui trouvent sur internet des « tutoriels » pour s’y mettre à domicile. La méthode séduit aussi bien les gens simples que les jeunes diplômés.
 

10 à 15 % des musulmans aux Pays-Bas ont recours aux guérisseurs traditionnels

 
Bas van Noppen – encore un nom hollandais – est un converti à l’islam. Il a ouvert sa propre boutique de « cupping » qu’il vantait à la mosquée en expliquant que les personnes qui subissent régulièrement des saignées sont moins enrhumées, présentent moins d’eczéma, et évitent le cancer. Van Noppen est également conseiller municipal de Rotterdam pour le parti islamique Nida. Aujourd’hui il est moins catégorique mais soutient que la saignée contribue à préserver la santé du corps.
 
En attendant, qu’ils en attendent des miracles ou non, 10 à 15 % de la population musulmane aux Pays-Bas aurait déjà eu recours à la saignée ou à une autre thérapie « islamique », s’il faut en croire Cor Hoffer.
 
On ne sache pas que le « cupping » soit très contrôlé aux Pays-Bas : la surveillance publique concerne le circuit médical régulier, et non les thérapies alternatives. Dans la mesure où il ne se pratique pas dans les règles de l’art – utilisation de lames jetables, de coupelles jetables ou très soigneusement stérilisées – le cupping n’est pourtant pas sans danger. Une incision trop profonde peut entraîner des infections. Sans compter les cas où le placement de la coupelle sur une artère incisée provoque des saignements spectaculaires…
 

Anne Dolhein