Le régime sandiniste du Nicaragua dirigé par Daniel Ortega a ouvert une procédure de poursuites pour « activités terroristes » à l’encontre de l’université jésuite de Managua, avec à la clef la saisie de tous les biens meubles, sommes d’argent et immeubles en possession du plus important établissement d’enseignement privé d’Amérique centrale, ainsi que le gel de tous ses comptes nationaux ou internationaux. L’université catholique UCA s’est ainsi vu spoliée de tous ses avoirs avant même la moindre condamnation judiciaire, nouvel épisode d’une persécution anti-religieuse qui s’intensifie dans le pays de plus en plus proche du bloc russe.
L’injonction judiciaire précisait que les biens reviennent à l’Etat du Nicaragua « qui garantira la poursuite de tous les programmes éducatifs ».
Les responsables de l’UCA ont aussitôt suspendu toute activité académique et administrative, et notamment les cours qui devaient reprendre le 21 août, tandis que l’avenir de plus de 5.000 étudiants actuellement inscrits et de 547 enseignants, est désormais des plus incertains, après 60 ans d’activité ininterrompue de la prestigieuse université. Les personnes présentes au moment où les mesures répressives ont été communiquées ont été évacuées par précaution.
L’université jésuite Nicaragua accusée de terrorisme
Quant aux dirigeants nommément désignés dans l’acte d’accusation, ils ont aussitôt quitté le pays pour sauvegarder leur liberté.
Les employés de l’UCA se sont également précipités pour démonter l’autel principal de la chapelle Guadalupe de l’université, décrochant le grand crucifix qui le surplombe. Ils ont mis en sécurité d’autres objets sacrés au vu du risque d’occupation policière de l’établissement.
Les mesures prises par le régime de Daniel Ortega ont mobilisé de concert l’autorité de surveillance des banques, le Procureur de la République et la Cour suprême de justice, cette dernière ayant privé le centre de médiation de justice qui offre ses services au sein de l’université de son habilitation.
On reproche à l’UCA son rôle dans les manifestations populaires de 2018 contre les sandinistes ; les étudiants poursuivis avaient trouvé refuge dans ses murs, et les responsables de l’université avaient tenté de mettre sur pied une médiation entre le gouvernement nicaraguayen et l’opposition. L’établissement est présenté comme le dernier havre de liberté au Nicaragua, qui a notamment multiplié ces dernières années les prises de parole au service de la liberté académique et de la dénonciation de violations de droits humains.
Saisie de tous les biens de l’UCA
Certains estiment que la saisie de l’UCA est une riposte au pape François, jésuite comme on le sait, qui en mars dernier avait qualifié le régime d’Ortega de dictature, l’assimilant à la « dictature communiste de 2017 ou hitlérienne de 1935 ». Le gouvernement venait alors d’interdire les processions de la Semaine Sainte dans tout le pays.
Ironie du sort, le rôle des jésuites et de leurs universités en Amérique latine a été très favorable à l’expansion de la théologie de la libération, et à la révolution sandiniste en particulier, et l’un d’entre eux, Fernando Cardenal – écarté, il est vrai, de la Société de Jésus en raison de son activisme politique et réduit à l’état laïque par Jean-Paul II – fut même ministre de l’éducation du gouvernement révolutionnaire dans les années 1980. Son frère Ernesto, qui fut ministre de la culture de 1979 à 1987, fut suspens a divinis par Jean-Paul II… avant d’être réhabilité par le pape François en 2019.
C’est toute l’ironie de cette affaire, qui vient prouver une nouvelle fois que la révolution finit par dévorer les siens. Daniel Ortega lui-même fut élève de l’UCA en 1963 pendant six mois avant de rejoindre la guérilla sandiniste et au moins trois de ses enfants y firent plus tard leurs études.
Mais la persécution brutale qui frappe aujourd’hui des évêques, des prêtres et des établissements catholiques au Nicaragua est aujourd’hui clairement anti-chrétienne. Un communiqué des jésuites précise d’ailleurs que la confiscation de l’UCA est « le prix à payer pour la recherche de la vérité et la protection de la vie et de la liberté du peuple nicaraguayen ». Il précise qu’il ne s’agit pas d’une mesure isolée, d’autres établissements d’éducation ayant été frappés de la même manière par un « gouvernement totalitaire ».